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L'avènement de la pandémie de Covid-19 a entrainé la création de nouveaux postes de dépenses, notamment dans le secteur de la santé. Une situation qui a mis beaucoup d'Etats africains sous une pression budgétaire. L'essentiel d'entre eux ont eu recours à l'endettement pour trouver des financements à leur plan de résilience et de relance. Une démarche qui ne manque pas d'affecter l'image de ces Etats vis-à-vis des investisseurs sur les marchés financiers internationaux.
Les économies africaines ont été durement touchées par la pandémie de Covid-19 qui continue de secouer le continent et le monde entier un après son apparition. La gestion des effets de cette crise sanitaire a nécessité d'importantes dépenses. Les Etats, pour surmonter cette situation, ont activé d'énormes leviers de mobilisation de ressources. Face à l'insuffisances des moyens budgétaires internes, certains pays n'ont pas manqué de recourir aux marché financiers (régionaux et internationaux) pour lever des fonds. Cela, malgré des faveurs obtenues des partenaires techniques et financiers comme l'Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) du Club de Paris et du G20.
Aujourd'hui, d'importantes interrogations se posent sur l'impact du recours effréné à l'endettement sur la qualité de la signature de ces Etats quand l'on sait que les agences de notations restent plus que jamais regardantes sur la solvabilité des pays émetteurs. " La dette s'analyse en termes de flux et de stock. Actuellement, toute la question est de savoir si nos Etats ont une balance de paiement qui puisse leur permettre de supporter leur dette. L'autre souci est de mesurer la solvabilité des Etats. Les ressources dont nous disposons permettent-elles, à terme, de pouvoir tenir tous nos engagements financiers pour que l'on ne soit pas en défaut de paiement ", analyse l'économiste gabonais, Albert Ondo Ossa, spécialiste en économie monétaire et financière internationale. Interrogé en marge du Forum africain de la presse économique et financière (FAPEF) à Abidjan, il soutient qu'il existe un certain nombre d'indicateurs budgétaires, financiers qui permettent à un gouvernement, aux agences de notation, aux institutions financières internationales de jauger la solvabilité des Etats.
Même si des Etats du continent, tels que le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Mali ou le Togo, ont bénéficié des moratoires qui leurs ont permis de créer des espaces budgétaires, ces faveurs ne sont pas sans conséquence sur la qualité de leur signature sur les marchés financiers. L'on se rappelle la mise en garde du ministre béninois, en charge l'Economie et des Finances, Romuald Wadagni sur cette question. Dans une tribune publiée en avril 2020, M. Wadgani soutenait qu'un allègement de la dette ou un moratoire pour le paiement des échéances " ternira davantage l'image des États et compromettra leur accès aux financements futurs ". Il expliquait que nos pays subiront un effet induit sur la perception de leur qualité de crédit ; ce qui les exposerait à des sanctions ultérieures inévitables de la part du marché. " Un moratoire pourrait même être considéré dans certaines documentations de prêt comme un événement de défaut par les créanciers privés, qu'il soit voulu ou subi et quand bien même il ne concernerait que les créanciers publics bilatéraux ", prévenait le ministre béninois.
A l'heure actuelle, le défi pour les Etats africains réside dans la dette commerciale qui occupe une place déterminante dans leurs emprunts. Ce constat est corroboré par la Commission économique pour l'Afrique (CEA) qui, le 23 mars 2021, relevait que la dette privée représentait un peu plus de 40% de l'encours total de la dette africaine. Elle notait également qu'en proportion du Produit intérieur brut et des recettes d'exportation, la dette de l'Afrique d'environ 544 milliards de dollars est la plus élevée de toutes les régions en développement.
Tous les regards sont rivés vers les prochaines notations des agences internationales. Les notes des Etats seront-elles dégradées ? Quoi qu'il en soit, l'alerte est déjà sonnée par certaines institutions à l'instar de la BAD. Cette dernière, dans ses récentes perspectives économiques, avertissait que le poids important et croissant de la dette souveraine africaine pourrait donner lieu à des défauts de paiement désordonnés. La BAD rappelle que les initiatives antérieures d'allègement de la dette, telles que celles en faveur des Pays pauvres très endettés, ont abouti à l'exclusion de l'Afrique des marchés financiers. " Dans la mesure où les dettes privées et officielles demeurent des sources de financement légitimes et essentielles pour les pays qui empruntent afin de répondre à leurs besoins de développement, il est essentiel d'atténuer les conséquences négatives potentielles de l'allègement de la dette sur la réputation d'un emprunteur souverain et sur la capacité de ce dernier et de son secteur privé national à emprunter à des taux raisonnables sur les marchés financiers " préconise la Banque africaine de développement (BAD).
Ibrahim WANE, Dakar
La Rédaction
Publié le 29/03/21 17:33
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