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La décision de l'OPEP+, annoncée ce week-end, d'augmenter sa production de 548 000 barils par jour dès le mois prochain, marque un revirement majeur dans l'histoire récente du cartel élargi. Après plusieurs années de discipline budgétaire, de réductions volontaires et de gestion fine de l'offre, le groupe piloté par l'Arabie saoudite et la Russie ouvre à nouveau les vannes, avec l'ambition de reprendre le contrôle du marché mondial du brut face aux producteurs de schiste américains et aux incertitudes économiques globales.
Cette décision intervient alors que le président américain Donald Trump a renouvelé ses appels à la baisse des prix du carburant, dans un contexte électoral où la question du coût de l'énergie devient stratégique. Mais cette manœuvre, si elle répond à une conjoncture politique immédiate, soulève de profondes inquiétudes sur l'équilibre du marché pétrolier mondial, notamment à moyen terme.
Le spectre d'une offre excédentaire refait surface
La réaction du marché ne s'est pas fait attendre, le Brent a chuté de 1,6% avant de remonter légèrement pour s'établir autour de 68 dollars le baril, tandis que le WTI frôlait les 66 dollars. En toile de fond, deux signaux contradictoires : un optimisme apparent lié à la demande estivale d'un côté, et des fondamentaux structurellement fragiles de l'autre.
Les hausses de production décidées pour mai, juin et juillet (+411 000 barils/jour chaque mois), déjà trois fois plus rapides que prévu, avaient préparé le terrain. Mais l'annonce d'une hausse plus importante pour août, suivie potentiellement d'une autre augmentation de même ampleur en septembre, achève de convaincre les analystes d'un risque croissant de surabondance, notamment à l'approche de l'automne, période historiquement marquée par une demande en recul.
‘'L'OPEP+ profite clairement de la fenêtre d'opportunité actuelle, mais les risques de correction sont réels à partir de septembre'', un analyste matières premières.
Une stratégie motivée par le besoin de reconquête des parts de marché
Derrière cette brusque accélération de la production, se cache une logique de reconquête commerciale. L'Arabie saoudite, en particulier, cherche à regagner les parts de marché perdues au profit des producteurs américains de pétrole non conventionnel, notamment depuis la fin de la crise énergétique post-Covid.
Le revirement est aussi politique. L'OPEP+ ne veut plus être l'unique ‘'tampon de prix'' du marché mondial, et accepte désormais d'encaisser des prix plus bas en échange d'une plus grande part dans les volumes vendus. Cette approche, très proche des logiques commerciales classiques, marque une rupture avec le paradigme du soutien des cours à tout prix.
Source : FMI
Si l'Arabie saoudite et ses partenaires de l'OPEP+ ont officiellement justifié leur décision par des fondamentaux ‘'sains'' et une demande ‘'robuste'' en période estivale, beaucoup y voient une réponse diplomatique directe à Washington.
En parallèle, Riyad a augmenté le prix de son brut à destination de l'Asie, ce qui témoigne paradoxalement d'une certaine confiance dans la capacité du marché à absorber l'offre supplémentaire. Mais cette confiance pourrait être de courte durée si les prix du brut se replient durablement sous les 65 dollars le baril, un seuil jugé critique pour l'équilibre budgétaire de plusieurs pays membres de l'OPEP.
Vers un retour du pétrole à 60 dollars ?
La prochaine réunion de l'OPEP+, prévue pour le 3 août, devrait statuer sur une nouvelle hausse potentielle de 548 000 barils/jour en septembre, ce qui finirait de neutraliser les réductions de 2,2 millions de barils décidées en 2023. Ce calendrier pourrait cependant s'avérer trop ambitieux, si la demande mondiale se tasse ou si les stocks commerciaux continuent d'augmenter au rythme actuel (+1 million de barils par jour selon l'Agence internationale de l'énergie).
Les analystes les plus prudents anticipent désormais un retour du Brent vers les 63-65 dollars, en l'absence de rebond clair de la consommation en Chine et en Europe. D'autres estiment que le levier diplomatique américain et les incertitudes géopolitiques pourraient raviver une volatilité durable.
La Rédaction
Publié le 07/07/25 08:59
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