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La clarification tant attendue sur l'encours réel de la dette publique sénégalaise est enfin disponible. Après des mois de spéculations et de chiffres contradictoires entre l'ancien et le nouveau régime, un montant officiel figure désormais dans le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP) 2026-2028.
À fin 2024, l'encours de la dette de l'administration centrale s'élève à 23 273,4 milliards FCFA. Ce chiffre, qui confirme les inquiétudes exprimées par la Cour des comptes, représente une hausse de 27,24% par rapport à l'année précédente. Un cabinet d'audit externe est actuellement en cours de certification pour valider ces données.
Ce nouveau montant met fin à la confusion entre les 15 664 milliards FCFA annoncés initialement par le premier ministre Ousmane Sonko et les 13 773 milliards FCFA publiés par l'ancien régime à fin 2023. Il inclut désormais la dette bancaire, révélée par un audit récent, portant l'encours total à un niveau inédit.
Un portefeuille exposé à un risque de change élevé
L'analyse du portefeuille de la dette sénégalaise met en lumière une vulnérabilité structurelle : 70,96% de la dette est libellée en devises étrangères, soit 16 514,8 milliards FCFA. Seuls 29,04% sont en FCFA. Bien que la part de l'euro (43% du portefeuille en devises) atténue partiellement ce risque, en raison de sa stabilité relative face au FCFA, l'exposition aux autres devises rend le pays très sensible aux fluctuations des taux de change. Toute dépréciation significative pourrait alourdir considérablement le service de la dette en monnaie locale.
La structure des taux d'intérêt montre que la dette à taux fixe reste majoritaire (76,6%). Toutefois, la part à taux variable a légèrement progressé pour atteindre 23,4%, en raison de l'augmentation de la dette commerciale et des crédits à l'exportation, souvent indexés sur des taux flottants comme l'Euribor ou le SOFR. Bien que ces taux soient en baisse ces derniers mois, cette évolution accroît la sensibilité du budget national aux fluctuations des marchés financiers internationaux.
Un risque de refinancement latent malgré une maturité allongée
La maturité de la dette semble rassurante à première vue : 98% du portefeuille est constitué de prêts à moyen et long terme (22 272,26 milliards FCFA), ce qui limite le risque de refinancement à court terme.
Cependant, cette lecture optimiste doit être nuancée. La dégradation de la note souveraine du pays, la suspension du programme avec le FMI, les tensions géopolitiques mondiales et le durcissement des conditions financières internationales pourraient rendre le refinancement futur plus difficile, plus coûteux et incertain.
Une dépendance marquée aux créanciers étrangers
Selon l'origine des créanciers, 78,63% de la dette est détenue par des non-résidents (18 299,1 milliards FCFA). Cette forte dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs expose le pays aux décisions et aux perceptions des investisseurs internationaux. La hausse de la part détenue par les résidents (21,37%) s'explique principalement par l'intégration de la dette bancaire révélée par l'audit.
Enfin, un autre risque budgétaire émerge, celui de la dette garantie par l'État, qui s'élève à 1 343,35 milliards FCFA fin 2024. Si les entités publiques bénéficiaires de ces garanties rencontrent des difficultés financières, l'État pourrait être contraint d'honorer ces engagements, créant ainsi une charge budgétaire imprévue.
Mamadou Diao BARRY
La Rédaction
Publié le 30/06/25 12:04
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