COURS | GRAPHIQUES | ACTUS | FORUM |
Au Sénégal, le projet de loi de finances rectificative présenté, le 27 juin 2025, prévoit un déficit budgétaire de 7,82% du PIB, supérieur à l'estimation initiale de 7,08%. Cette révision traduit à la fois une baisse des recettes de 2% (–130 milliards FCFA) et une réévaluation à la baisse du PIB nominal (–4%).
Face au ralentissement économique mondial, au contexte macroéconomique plus lourd que prévu et à un environnement post‑électoral, l'État sénégalais a choisi de maintenir un déficit maîtrisé plutôt que de s'engager dans une spirale inflationniste.
Un gouvernement sous pression face à un déficit structurel ancien
Loin d'être inédit, ce déficit prolonge une série de déséquilibres anciens. Selon un audit réalisé en septembre dernier, le déficit réel avait excédé les 10% du PIB entre 2019 et 2023. Cette sous-estimation systématique a conduit le FMI à suspendre ses décaissements du programme de 1,8 milliard USD initié en 2023, estimant que le pays n'était pas encore revenu à une ‘'transparence complète''.
Le ministre des Finances, Cheikh Diba, a mis en garde que la suspension n'est pas punitive mais nécessaire pour lancer une reconfiguration budgétaire réaliste et rigoureuse, en accord avec les objectifs de la feuille de route ‘'Sénégal 2050''.
Premiers résultats du redressement
Un début d'année encourageant est à noter au premier trimestre 2025, où le déficit public est passé de 427 à 162 milliards FCFA, soit une diminution de 62% grâce à une hausse des recettes fiscales (+12%) et à un contrôle des dépenses. Cet effort de gestion prouve que le gouvernement est prêt à privilégier un rééquilibrage progressif plutôt qu'un choc budgétaire brutal.
Parmi les enjeux critiques, le rapport de la Cour des comptes, publié en février dernier, a chiffré une dette cachée du Sénégal à environ 100% du PIB, contre 65% annoncé précédemment, et un déficit 2023 revu à près de 12,3 % du PIB. Moody's a immédiatement dégradé la note du pays de B1 à B3.
Le Fonds monétaire exige désormais réformes et données certifiées par la Cour des comptes avant de reprendre son programme. Une exigence reprise en termes diplomatiques par son représentant en ces termes : ‘'Nous ne pouvons repartir qu'une fois la vérité rétablie''.
Le budget rectificatif ne réduit les dépenses qu'à la marge (-34 milliards FCFA), tandis que l'apurement des arriérés (500 milliards FCFA) et le soutien aux secteurs stratégiques — santé, agriculture, numérique — sont renforcés. Parallèlement, le gouvernement mise sur le marché intérieur (levée de 1 190 milliards FCFA) et sur ses partenaires pour financer la transition.
Le défi du Sénégal est désormais de démontrer que l'Afrique peut gérer, de manière responsable, ses propres crises budgétaires. Le cas sénégalais fait office de laboratoire expérimental d'un nouveau modèle : audit indépendant, transparence, pilotage financier modéré, et priorisation des investissements structurels.
La Rédaction
Publié le 30/06/25 09:45
Vous avez aimé cet article ? Partagez-le avec vos amis en cliquant sur les boutons ci-dessous :