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L'Afrique, bien que faiblement émettrice de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, se trouve en première ligne des impacts du changement climatique. Dans ce contexte, la mobilisation efficace des financements climatiques devient une nécessité stratégique pour répondre aux défis croisés de l'accès à l'énergie, de la sécurité hydrique et de la résilience socio-économique. C'est dans cet esprit que le Département infrastructure et énergie de la Commission de l'Union africaine, en collaboration avec l'AUDA-NEPAD, la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique et avec le soutien de la GIZ, a organisé les 11 et 12 juin 2025 à Addis-Abeba, en Ethiopie, des journées de tables rondes consacrées à la mobilisation des financements pour trois projets d'infrastructure énergétique à fort impact climatique.
Plaine de Jafara : vers une gestion durable de l'eau grâce à l'énergie solaire et éolienne
La plaine de Jafara, située à la frontière entre la Libye et la Tunisie, illustre la gravité de la crise de l'eau dans la région du Maghreb. Classées parmi les pays les plus arides et les plus exposés au stress hydrique au monde, la Libye et la Tunisie sont confrontées à une pénurie chronique d'eau qui affecte tant les communautés rurales que la productivité agricole.
Face à cette urgence, un projet innovant vise à exploiter l'énergie solaire et éolienne pour pomper les eaux souterraines à partir de 15 puits pastoraux répartis dans la plaine. En plus d'assurer un accès durable à l'eau, cette solution permettra de stabiliser les populations rurales, freiner l'exode vers les villes et favoriser la reconstitution du couvert végétal local.
Porté par le ministère libyen des Ressources en Eau, en étroite coordination avec les autorités tunisiennes, ce projet incarne un modèle de coopération transfrontalière et de transition verte. Il est actuellement à la recherche de 1,4 million de dollars pour finaliser les études de faisabilité et démarrer la mise en œuvre.
Projet hydroélectrique de Luapula : un levier d'intégration énergétique en Afrique australe
Le deuxième projet phare concerne le développement de 789 mégawatts d'hydroélectricité sur le fleuve Luapula, à la frontière entre la Zambie et la RDC. Il s'inscrit dans un contexte de demande énergétique croissante, de développement minier régional et de renforcement du Southern African Power Pool (SAPP).
Trois sites de production sont prévus, dont Momotuta (271 MW) et Mambilima (518 MW), pour un coût total estimé à 1,68 milliard de dollars, selon les résultats d'une étude de préfaisabilité. Le budget de préparation du projet s'élève à 7,5 millions de dollars, dont 5,5 millions sont déjà sécurisés, laissant un déficit de 2 millions à combler pour lancer une nouvelle étude de faisabilité exhaustive dès août 2025.
Ce projet incarne une réponse stratégique à la stabilité du réseau régional, à la croissance industrielle et à la réduction des émissions, tout en s'alignant sur les priorités du PIDA et de l'Agenda 2063.
SAPP : bâtir un marché intégré pour les énergies renouvelables en Afrique australe
Avec 12 États membres impliqués et 9 déjà interconnectés, le projet d'intégration régionale des énergies renouvelables porté par le SADC Power Pool (SAPP) marque une étape décisive vers un marché de l'électricité verte en Afrique australe.
Cette initiative, dotée d'un budget de 3 millions de dollars sur trois ans, comprend la mise en place d'un cadre réglementaire harmonisé, le déploiement de systèmes de trading énergétique et un ambitieux programme de renforcement des capacités.
Elle vise notamment à réduire la dépendance aux énergies thermiques, qui représentent actuellement 59% du mix régional, au profit de l'hydroélectricité, du solaire et de l'éolien. Des discussions sont également en cours pour intégrer le secteur privé (par exemple Glencore) dans le cadre de mécanismes de financement nationaux et progressifs, tout en assurant l'implication des ministères nationaux, des Autorités désignées nationales (NDA) et du Fonds vert pour le climat (GCF).
Le besoin de financement immédiat cumulé de ces trois projets ne s'élevant qu'à 6,4 millions de dollars, l'Union africaine et ses partenaires ont donc appelé l'ensemble des bailleurs, institutions techniques et acteurs privés à s'engager concrètement. Il en va du succès de la transition énergétique africaine, mais également de sa capacité à bâtir un développement durable, intégré et inclusif, où aucun pays n'est laissé de côté.
Une vision panafricaine de l'intégration énergétique
Ces discussions se sont inscrites dans une vision ambitieuse portée notamment par Therance Ndisanga, chargé de programme, section infrastructure de la délégation de l'Union européenne en République du Rwanda, et Frédéric Mao, conseiller politique principal du Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (PIDA), qui ont esquissé les contours d'une Afrique interconnectée et énergétiquement intégrée à l'horizon 2040.
Parmi les perspectives évoquées, un marché continental de l'électricité, avec des flux allant de l'Éthiopie au Maroc via l'Afrique australe et une mise en œuvre effective de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Cette vision repose sur cinq leviers stratégiques que sont la montée en puissance des capacités locales, la mobilisation de ressources domestiques, l'harmonisation réglementaire, l'investissement partenarial et une gouvernance régionale renforcée.
Envoyé spécial à Addis-Abeba, Ethiopie
Dr Ange Ponou
Publié le 16/06/25 08:07
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