Côte d’Ivoire/Cacao : Vente directe vs Vente à terme

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A son indépendance en 1960, la Côte d'Ivoire a pris l'option de faire de l'agriculture la base de son développement avec comme produit phare, le cacao, introduit dans le pays par le colon au 19e siècle. En raison de l'importance de la filière, le président Félix Houphouët-Boigny a adopté des réformes agricoles visant à promouvoir la culture de cette spéculation.

Afin de contrôler de bout en bout la filière et assurer son développement, l'Etat ivoirien a mis en place la CAISTAB, la Caisse de stabilisation et de soutien des prix des productions agricoles. Cette importante entité étatique avait en charge de vendre les fèves par anticipation à travers les contrats à terme et de fixer un prix d'achat bord champ.

Celui-ci n'était pas nécessairement corrélé au cours des fèves sur le marché international mais, d'une part suivait certainement les objectifs de mobilisation de revenus pour les finances publiques, et d'autre part répondait à la politique de stabilisation des prix aux producteurs. L'une des missions premières assignées à la Caistab était de vendre par anticipation et d'engranger les grosses sommes lorsque les cours étaient élevés afin de les reverser aux paysans au cas où les cours baissaient.

Cette approche de fixation du prix d'achat bord champ a été en vigueur jusqu'à la fin des années 1990, où le gouvernement a changé de fusil d'épaule, dans le cadre des programmes d'ajustements structurels conclus avec les institutions de Bretton Woods. L'objectif recherché était d'améliorer la gouvernance globale de la filière et permettre aux paysans d'en tirer de meilleurs revenus ; d'autant plus que ces institutions décriaient la gestion de la Caistab. Ainsi, en 1999, la Caistab a été démantelée.

La libéralisation de la filière

L'idée derrière la libéralisation était d'aligner les prix d'achat bord champ appliqués aux paysans, à ceux du marché international. Cette approche, appliquée également au café visait à optimiser les filières d'exportation par plus de rigueur et de professionnalisme. Comment ont alors évolué les prix d'achat des paysans après la libéralisation ? Sur la base des données consultées par Sika Finance, cet article présentera l'historique des prix d'achat bord champ de 2002 à 2024.

Avec la libéralisation, il est donné de constater que le prix d'achat bord champ du cacao avait été directement corrélé au cours du marché international. En moyenne, ceux-ci représentaient 50% du cours à la NYSE, Bourse de New York. A titre d'illustration, pendant la campagne 2004-2005, le cacao s'échangeait en moyenne à 1 473 USD (781 301 FCFA) la tonne à la bourse de New York ; les paysans eux percevaient un prix d'achat de 390 FCFA le kilogramme, soit 390 000 FCFA la tonne, ce qui constitue près de la moitié des prix affichés à la bourse, selon les calculs de Sika Finance.

Néanmoins, en cas de hausse à la bourse, les paysans pouvaient vendre leur spéculation à des prix records. Par exemple, la NYSE présentait en moyenne près de 3 046 USD (1 516 474 FCFA) la tonne pour la campagne 2009-2010, ce qui permettait aux paysans d'obtenir environ 950 FCFA/Kg (950 000 FCFA/tonne).

Le retour à la régulation

A partir de 2011, la Côte d'Ivoire décide de faire ‘'un retour à la case départ'' c'est-à-dire de revenir à une régulation de la filière cacao (vendre et fixer le prix par anticipation), en raison des limites que présentait le système de libéralisation, notamment l'absence d'encadrement des paysans et leur manque chronique de ressources pour entretenir leurs plantations.

Ainsi, l'Etat crée le 28 décembre 2011, le Conseil du Café-Cacao (CCC), une entité publique ayant les mêmes caractéristiques que la Caistab. Cette approche fut saluée par les institutions de Bretton Woods, qui reconnaissaient la pertinence de cette création puisqu'en raison de l'impréparation de la libéralisation en 1999, la production de la Côte d'Ivoire avait chuté et le niveau de pauvreté des paysans s'était accru.

Selon les données officielles collectées, la mise en place de ce système permettait aux paysans ivoiriens de capter en moyenne près de 62% des prix internationaux. Comme les prix n'étaient pas alignés sur les prix à l'international, la baisse des cours lors de la campagne 2016-2017, n'avait pas eu l'effet escompté sur les revenus des paysans ; ceux-ci vendaient à 1 100 FCFA/kg pourtant les prix à la NYSE oscillaient en moyenne à 2 000 USD (1,2 million FCFA) contre 3 015 USD (1,8 million FCFA), la campagne précédente.

Le prix du cacao fixé à 1 500 FCFA en 2024

Pour les paysans ivoiriens, 2024 est une année de "jackpot". Jamais vendu à un tel prix, le gouvernement de la Côte d'Ivoire a annoncé 1 500 FCFA/Kg de cacao pour la campagne intermédiaire, puisque celle de la campagne principale avait déjà été vendue par anticipation. Cela se produit dans un contexte où les cours ont atteint des niveaux stratosphériques, du jamais vu dans l'histoire, soit 10 000 USD la tonne à la bourse de New York. Toutefois, si la Côte d'Ivoire adoptait actuellement une politique de libéralisation, le pays bénéficierait d'un prix d'achat bord champ record, à l'instar du Cameroun, qui a vendu le kilogramme de cacao à plus de 5 000 FCFA.

Il est bon de souligner que la fixation des prix d'achat est également influencée par des considérations politiques. À l'approche des élections présidentielles, les prix d'achat sont souvent plus élevés, ne reflétant pas toujours la réalité des cours sur le marché international. Au regard de l'historique, la Côte d'Ivoire fait-elle bien de vendre par anticipation ?

La Rédaction

Publié le 02/09/24 13:48

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