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Pour renforcer sa lutte contre l'orpaillage clandestin, la Côte d'Ivoire passe à la vitesse supérieure. Le 11 juillet 2025, à Yamoussoukro, deux initiatives majeures ont été dévoilées en marge de la tournée de sensibilisation dans le District des Lacs : la signature d'un accord stratégique pour la certification de l'or avec la Banque mondiale, le World Gold Council et les industriels du secteur, et la remise de 30 drones de surveillance aux représentations régionales du ministère des Mines. Objectif : renforcer la structuration de l'activité minière nationale, assécher les circuits mafieux, et faire de l'orpaillage légal un levier durable de développement local.
Dans le cadre de sa croisade contre l'orpaillage clandestin, la Côte d'Ivoire franchit une nouvelle étape décisive. Le 11 juillet 2025, à Yamoussoukro, le ministre des Mines, du Pétrole et de l'Énergie, Mamadou Sangafowa Coulibaly,a lancé un ambitieux projet technologique en présence de ses partenaires. Au cœur du dispositif : l'introduction de 30 drones de surveillance de dernière génération, qui viennent compléter l'arsenal de lutte contre l'exploitation aurifère illégale. C'est une première dans la sous-région ouest-africaine, où les pertes économiques, écologiques et sociales liées à ce phénomène atteignent des niveaux critiques.
Face aux pertes considérables engendrées par le commerce illicite de l'or et mue par la volonté de régulariser un secteur d'activité à la fois crucial et largement dominé par la contrebande, la Côte d'Ivoire s'est engagée dans le même temps, à travers un mémorandum d'entente, dans un partenariat ambitieux avec la Banque mondiale et le World Gold Council (Conseil mondial de l'or) afin de transformer sa filière d'exploitation minière artisanale.
L'accord multipartite signé a pour objectif de renforcer l'encadrement et la transparence dans un secteur qui assure la subsistance d'un demi-million de personnes, mais qui est depuis longtemps aux prises avec la violation de la réglementation, les atteintes portées à l'environnement et une contrebande généralisée. L'accord signé avec le ministère intègre également des acteurs clés tels que les compagnies Endeavour Mining, Perseus Mining et le GPMCI (Groupement Professionnel des Miniers de Côte d'Ivoire), organisation faîtière des industriels du secteur.
Une capacité de veille stratégique sans précédent
Les drones offerts par le Ministère ivoirien des mines, du pétrole et de l'énergie, mis à la disposition des représentations du ministère dans chaque région, offriront une couverture aérienne régulière en temps réel des zones aurifères. Ils sont capables de détecter avec une précision centimétrique les sites illégaux, d'assurer une surveillance continue et coordonnée des exploitations autorisées.
Voir aussi - Orpaillage illégal : L'État ivoirien réinvente sa stratégie pour transformer le fléau en levier de développement
Ces capacités permettront non seulement d'appuyer les opérations des forces de sécurité, mais aussi de croiser les volumes de minerais extraits filmés (qui permettent ensuite de faire une évaluation plus fine de la production d'or) avec les déclarations officielles de production, afin de déceler les cas de sous-déclaration et de fraude fiscale.
La portée technique des appareils – qui peuvent filmer des zones à 8 kilomètres de distance – associée à leur autonomie de 45 minutes et à des capacités de zoom allant jusqu'à 38 fois, en fait des outils stratégiques pour un contrôle territorial efficace, limitant par ailleurs les risques liés aux interventions humaines dans des zones contaminées par des produits toxiques.
Vers une labellisation internationale de l'or ivoirien
Mais la portée de cette initiative va bien au-delà du terrain national. Pour le gouvernement, il s'agit aussi de s'attaquer à la racine économique du phénomène en construisant un écosystème d'or traçable, labellisé, en partenariat avec les places de négoce internationales. " Il faut que l'or, comme le diamant avec le processus de Kimberley, soit désormais tracé. C'est une vision que je porte auprès des instances internationales. On ne peut plus continuer à détourner le regard. ", a martelé Mamadou Sangafowa Coulibaly.
Au niveau de la Côte d'Ivoire, des discussions ont déjà été entamées avec des acteurs de la chaîne de valeur aurifère mondiale au Moyen-Orient et en Asie — zones qui constituent le principal réceptacle de l'or de contrebande en Afrique — afin de les sensibiliser à l'intérêt de s'approvisionner via des canaux officiels uniquement. Une démarche qui a porté ses fruits avec des partenaires qui se sont engagés dans la construction d'une usine d'affinage d'or en Côte d'Ivoire. Un projet qui sera lancé d'ici la fin de l'année.
Cette raffinerie, qui traitera l'or collecté auprès des exploitations minières légales, artisanales ou semi-industrielles du pays, visera l'accréditation du World Gold Council et de la London Bullion Market Association (LBMA), les référents en matière de certification à l'échelle mondiale.
" Avec ce projet, nous allons créer un cercle vertueux qui préserve les intérêts de toutes les parties prenantes : États, communautés locales, industriels et autres acteurs de la chaîne de valeur. Ce qui contribuera à tarir les réseaux de contrebande responsables de conflits, de pollution, de déstructuration sociale. C'est une mission qui tient à cœur au président de la République ", a indiqué le ministre.
Une stratégie pour assécher l'orpaillage illégal
L'introduction des drones vient ainsi consolider une stratégie globale déployée par la Côte d'Ivoire, fondée sur quatre piliers indissociables : la promotion de l'orpaillage légal, une répression ciblée, une sensibilisation de proximité et, désormais, une surveillance technologique de précision.
L'accord multipartite a été signé à Yamoussoukro dans le cadre de la tournée nationale de sensibilisation du ministère en charge des Mines dans le District des Lacs, conduite du 10 au 12 juillet dans les localités de Daoukro, Bongouanou, Toumodi et Dimbokro. Une campagne au cours de laquelle le gouvernement a exhorté les communautés à se détourner de l'orpaillage illégal — souvent orchestré par des réseaux transnationaux — et à s'approprier, dans un cadre légal soutenu par l'État, l'exploitation de leurs propres ressources. Une démarche qui leur permettra d'en tirer tous les bénéfices pour elles-mêmes et la communauté nationale tout entière.
Avec ces deux initiatives, la Côte d'Ivoire affirme une ambition claire de sécuriser ses ressources et bâtir une industrie minière à petite échelle conforme aux standards internationaux. Cela, en misant à la fois sur la technologie, le partenariat international et la mobilisation communautaire.
Jean Mermoz Konandi
Publié le 15/07/25 09:12
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