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Après une traversée du désert financier marquée par un défaut de paiement sur sa dette extérieure, le Ghana signe un retour remarqué sur la scène internationale. L'agence de notation Fitch a relevé, le 14 juin 2025, la note souveraine du pays de ‘'Restricted Default'' (RD) à ‘'B-‘' avec une perspective stable, saluant une normalisation progressive des relations avec les créanciers et une meilleure visibilité budgétaire.
Mais que signifie réellement cette amélioration de notation pour Accra ?
Une restructuration de dette qui a restauré la crédibilité extérieure
Le facteur déclencheur de cette révision positive réside dans l'accord conclu en octobre 2024 sur la restructuration de 13,1 milliards USD d'eurobonds, auxquels se sont ajoutés 5,1 milliards USD de dette bilatérale réaménagée début 2025. Cette avancée, bien que partielle (environ 2,6 milliards USD restent encore à négocier), reflète la volonté politique et la capacité technique du Ghana à retrouver la confiance des marchés.
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Fitch évalue le risque de refus (holdouts) des créanciers résiduels comme faible, ce qui explique le retour à une note formelle dans la catégorie ‘'B'', synonyme d'un crédit risqué mais non spéculatif par défaut.
Des finances publiques encore sous pression mais en voie de redressement
L'année 2024 a été marquée par un dérapage budgétaire typique d'année électorale où le déficit primaire est passé de 0,2% à 3,9% du PIB, contre un objectif d'excédent de 0,5%. Le nouveau régime entend ramener ce solde à +1,5% en 2025 via une compression des dépenses primaires, mais Fitch table sur un scénario plus réaliste à +0,5%.
Cependant, la charge d'intérêts absorbera 26% des recettes en 2025-2026, soit le double de la médiane des pays notés ‘'B'', ce qui reste un frein majeur à toute amélioration de note à court terme.
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La réouverture du marché domestique des obligations est attendue en 2025, après une forte décrue des taux sur les Bons du Trésor. Cela pourrait favoriser la mobilisation de ressources locales moins onéreuses pour l'État.
Une résilience économique confirmée, portée par l'agriculture et les services
Contre toute attente, le Ghana a su préserver une croissance soutenue malgré la crise qui est ressortie à 5,7% en 2024, après 3,1% en 2023. Les prévisions tablent sur 4% en 2025 et 4,5% en 2026, portées par une reprise du secteur agricole (après un creux dans la production cacaoyère), ainsi que l'essor des services et de l'industrie.
La diversification de l'économie est en cours, mais reste vulnérable aux chocs externes, notamment les fluctuations des prix du cacao, de l'or et du pétrole, piliers des exportations.
Des réserves reconstituées et un compte courant plus solide
En 2024, les réserves de change sont remontées à 6,8 milliards USD, contre 2,6 mois d'importations l'année précédente. L'excédent du compte courant, à 4,3% du PIB, constitue un changement de paradigme, comparé aux lourds déficits du passé. Il devrait néanmoins se résorber à 1,1% en 2026, avec la hausse des importations liée à la reprise.
Fitch estime que le Ghana pourra honorer ses engagements extérieurs à partir de 2025, avec une dette en devises représentant 1,2% du PIB cette année-là.
Inflation, cedi et politique monétaire : une trajectoire mieux maîtrisée
L'inflation, après avoir culminé à 23% en 2024, devrait chuter à 15% en 2025 puis 10% en 2026, grâce à l'appréciation du cedi, à la baisse des prix internationaux (pétrole, denrées alimentaires) et au maintien d'un cap monétaire restrictif. La Banque du Ghana pourrait ainsi commencer à baisser ses taux directeurs dès juillet 2025, selon Fitch.
Le Ghana bénéficie, par ailleurs, d'un score ESG élevé sur la stabilité politique, l'État de droit et la qualité institutionnelle, selon le modèle souverain de Fitch, notamment grâce à son historique de transitions pacifiques. Toutefois, la corruption et les limites en matière de gouvernance budgétaire restent des points noirs, déjà identifiés par la Banque mondiale.
Le relèvement de la notation souveraine du Ghana par Fitch constitue un signal positif fort pour les investisseurs et les institutions internationales. Mais ce n'est pas encore une victoire économique définitive. La charge de la dette reste lourde, la consolidation budgétaire devra s'installer dans la durée, et les vulnérabilités externes (matières premières, climat) n'ont pas disparu.
Dr Ange Ponou
Publié le 17/06/25 08:57
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