COURS | GRAPHIQUES | ACTUS | FORUM |
Le Kenya a officiellement mis un terme, ce 18 mars, à son programme de financement avec le Fonds monétaire international (FMI), suscitant de vives réactions sur les marchés financiers. L'accord, conclu en 2021 pour un montant de 3,6 milliards de dollars, visait à stabiliser les finances publiques du pays à travers des mesures de réduction des dépenses et un renforcement de la collecte des impôts. Cependant, le non-respect de ces engagements par le gouvernement du président William Ruto a conduit à l'interruption de cette collaboration, plongeant les investisseurs dans l'incertitude.
Les engagements non tenus du Kenya
Lors de la signature de l'accord en 2021, le FMI avait conditionné son soutien à une série de réformes budgétaires destinées à assainir les finances publiques du Kenya. L'objectif principal était de réduire le déficit fiscal en augmentant les recettes de l'État et en rationalisant les dépenses.
Toutefois, la mise en œuvre de ces mesures s'est heurtée à une forte opposition populaire. En 2024, le gouvernement Ruto a tenté d'introduire de nouvelles taxes pour répondre aux exigences du FMI, mais ces réformes ont déclenché des manifestations massives, parfois violentes, obligeant l'exécutif à faire marche arrière. Cette incapacité à générer de nouvelles ressources fiscales a fragilisé la crédibilité budgétaire du pays auprès du FMI et des marchés internationaux.
En conséquence, l'examen prévu des finances de l'État par le FMI a été annulé et les 850 millions de dollars restants ne seront pas versés.
Des solutions alternatives de financement controversées
Confronté à des contraintes budgétaires croissantes et à des besoins de financement urgents, le gouvernement kényan a cherché d'autres sources de liquidités. Parmi les mesures adoptées figurent un prêt de 1,5 milliard de dollars des Émirats arabes unis, qui, bien que providentiel, pourrait accroître l'endettement du pays au-delà des seuils définis par le FMI et expose Nairobi à des risques de change.
On note, en outre, la réorganisation d'une euro-obligation, dont l'échéance a été repoussée de 11 ans, permettant ainsi au gouvernement de rééchelonner ses dettes et de réduire le poids des remboursements à court terme.
Si ces initiatives offrent un répit financier temporaire, elles suscitent des préoccupations quant à la viabilité de la dette à long terme, alimentant ainsi l'incertitude sur les marchés.
Les répercussions économiques immédiates
L'annonce de la fin du programme du FMI a entraîné une chute de la dette extérieure du Kenya et une nouvelle dépréciation du shilling kényan. La volatilité des marchés traduit la crainte des investisseurs quant à l'évolution de la politique budgétaire du pays et à sa capacité à honorer ses engagements financiers.
Patrick Curran, économiste senior chez Tellimer, avertit que ‘'tout accord de financement qui ne garantit pas une discipline budgétaire stricte risque d'amplifier les tensions sur les marchés et d'accroître le coût de la dette pour le Kenya''. Cette incertitude pourrait également affecter la notation souveraine du pays, compliquant davantage l'accès aux financements internationaux.
Au-delà des enjeux financiers, la décision du président William Ruto s'inscrit dans une stratégie politique plus large. Conscient des tensions sociales liées aux réformes fiscales, il a récemment conclu un pacte de partage du pouvoir avec son principal rival, Raila Odinga. Cette alliance vise à faciliter l'adoption des mesures budgétaires nécessaires tout en consolidant sa position en vue des élections de 2027.
Néanmoins, la question reste posée : le gouvernement osera-t-il imposer des ajustements fiscaux drastiques malgré l'opposition populaire, ou cherchera-t-il des alternatives moins contraignantes, quitte à prendre des risques financiers accrus ?
Vers un nouvel accord avec le FMI ?
Alors que les discussions se poursuivent avec l'institution de Washington pour un éventuel nouvel accord, les conditions de ce futur partenariat restent floues. Les investisseurs attendent de voir si le Kenya parviendra à rassurer ses créanciers tout en maintenant un équilibre entre discipline budgétaire et acceptabilité sociale.
Dans ce contexte, la politique économique du gouvernement sera scrutée de près dans les mois à venir. Une gestion rigoureuse des finances publiques et une stratégie de financement cohérente seront essentielles pour éviter une crise de confiance durable et préserver la stabilité économique du pays.
La Rédaction
Publié le 19/03/25 15:40
Vous avez aimé cet article ? Partagez-le avec vos amis en cliquant sur les boutons ci-dessous :