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À quelques semaines de l'élection cruciale à la présidence du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), prévue le 29 mai prochain et devant rassembler les 81 pays actionnaires, Sidi Ould Tah, qui a récemment quitté son poste de président de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), multiplie les initiatives pour ‘'vendre'' sa vision. Lors d'un dîner-débat de haut niveau organisé à Nouakchott ce 5 mai devant la presse nationale et internationale, le candidat est revenu sur les quatre piliers stratégiques de son programme, visant à repositionner la BAD comme une force motrice du développement inclusif et transformationnel du continent africain.
Sa feuille de route s'articule autour d'une ambition claire : faire de la BAD le levier central d'un nouveau paradigme économique africain, en réponse aux mutations démographiques, aux urgences climatiques et aux aspirations des jeunesses africaines.
Pilier1 : Mobiliser massivement les ressources pour combler le gap du financement
‘'Nous devons multiplier par dix le volume actuel de financement'', a-t-il martelé en introduction. Le premier axe de sa vision repose sur l'accroissement substantiel des ressources mobilisables pour répondre aux besoins de financement considérables du continent. Selon lui, le niveau actuel de décaissement et d'approbation des projets par la BAD reste dramatiquement en deçà des exigences du terrain.
Sa stratégie vise à diversifier les sources de financement, renforcer les capacités de levée de fonds de la Banque sur les marchés internationaux et explorer des partenariats innovants avec les investisseurs privés et institutionnels, tout en assurant la soutenabilité de la dette.
Pilier 2 : Refonder l'architecture financière africaine pour plus de synergies
Le deuxième axe soulève une question structurelle : la fragmentation du système financier africain. ‘'Une multitude d'institutions financières africaines travaillent de manière isolée, sans synergie'', déplore-t-il. Pour y remédier, Sidi Ould Tah propose une refonte coordonnée de l'architecture financière du continent, en favorisant les mécanismes d'intégration, de dialogue et de cofinancement entre les grandes institutions continentales et sous-régionales. Objectif : créer un écosystème financier cohérent, résilient et complémentaire, capable de canaliser efficacement l'épargne africaine vers des projets productifs.
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Pilier 3 : Transformer la jeunesse en dividende démographique
Avec une population qui croît à un rythme sans équivalent ailleurs, l'Afrique détient l'une des plus grandes réserves de capital humain au monde. Encore faut-il en faire un moteur de prospérité. D'où la valorisation de la jeunesse africaine, à travers le soutien au secteur privé, le développement des PME, la création d'emplois décents et le renforcement des compétences.
‘'Ce n'est qu'en transformant notre puissance démographique en capital économique que nous pourrons bâtir une Afrique prospère et inclusive'', insiste le candidat, misant notamment sur l'entrepreneuriat des jeunes et des femmes comme catalyseur de transformation sociale.
Pilier 4 : Accélérer la transformation locale des matières premières via des infrastructures résilientes
Enfin, Sidi Ould Tah plaide pour un changement radical du modèle productif africain. ‘'Il n'est plus acceptable que l'Afrique continue à exporter ses matières premières sans les transformer'', affirme-t-il. Le quatrième pilier de sa vision vise à faire du continent une immense plateforme industrielle intégrée, fondée sur la valeur ajoutée locale, l'emploi et la souveraineté économique.
Cela implique des investissements massifs dans les infrastructures résilientes – notamment en énergie, en logistique, en transport – tout en intégrant les impératifs climatiques et les technologies numériques comme axes transversaux de l'action de la Banque.
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Face à lui, quatre autres candidats sont également en lice, à savoir Amadou Hott, ancien ministre sénégalais de l'Économie entre avril 2019 et septembre 2022 ; le Tchadien Tolli Abass Mahamat ; le Zambien Maimbo Samuel Munzel ; et la Sud-africaine Tshabalala Bajabulile Swazi.
Fort d'un bilan positif à la tête de la BADEA, où il a notamment multiplié par cinq le capital de la banque (4,2 à 20 milliards de dollars entre 2015 et 2025) et réduit les créances douteuses de 10% à 0,5%, Sidi Ould Tah s'impose comme un réformateur pragmatique. L'émission d'un eurobond de 500 millions de dollars en 2024, saluée comme un modèle de mobilisation de capitaux internationaux, illustre sa capacité à conjuguer rigueur financière et innovation. Mais au-delà des chiffres, c'est sa vision structurée et ancrée dans les réalités du continent qui en fait déjà l'un des favoris d'une élection décisive pour l'avenir de la finance africaine.
Envoyé spécial à Nouakchott, Mauritanie
Dr Ange Ponou
Publié le 06/05/25 03:06
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