L'économie ghanéenne respire enfin après plusieurs années d'inflation galopante. En septembre 2025, la hausse des prix est tombée à 9,4%, son niveau le plus bas depuis août 2021, selon la Ghana Statistical Service. Cette neuvième baisse consécutive confirme la sortie progressive d'une crise qui avait vu l'inflation dépasser 50% fin 2022. Portée par l'appréciation du cedi, l'assouplissement monétaire et le reflux des prix alimentaires, la désinflation redonne confiance aux marchés, même si des fragilités demeurent.
Entre 2021 et 2022, Accra a été frappé de plein fouet par l'explosion des prix mondiaux du pétrole, du blé et du fret maritime. À la fin de 2022, l'inflation dépassait 50%, un record en vingt ans. Depuis, la trajectoire s'est inversée : en mars 2025, l'indice des prix à la consommation affichait encore 18,7% pour les biens non alimentaires et 26,5% pour les produits alimentaires. En juillet, le taux global tombait à 12,1%, puis à 11,5% en août, avant d'atteindre 9,4% en septembre.
Cette tendance s'explique par trois leviers principaux. Le cedi s'est renforcé de plus de 20% face au dollar depuis janvier, limitant le coût des importations. La Banque du Ghana a assoupli sa politique monétaire, abaissant son taux directeur de 29,5% en mars à 21,5% en septembre. Enfin, les tensions sur les denrées alimentaires se sont atténuées après une récolte de riz et de maïs jugée ‘'meilleure que prévu'' par la FAO.
La décrue de l'inflation se fait déjà sentir dans la vie quotidienne. À Accra, le prix moyen du litre d'essence a reculé de près de 15% depuis le début de l'année. Les ménages les plus modestes, pour lesquels les produits alimentaires représentent plus de 40% des dépenses, constatent une accalmie, même si les prix alimentaires demeurent élevés, entre 20 et 25% en glissement annuel selon les estimations.
Pour les entreprises, la baisse des taux d'intérêt constitue un ballon d'oxygène. ‘'Les conditions de financement commencent à redevenir viables pour les PME, mais le coût du crédit reste prohibitif pour nombre d'entre elles'', observe Kwame Ofori, économiste basé à Kumasi. Les investisseurs étrangers, eux, scrutent l'évolution de la devise et le rythme de désendettement du pays, toujours fragile après l'accord de restructuration conclu avec le FMI en 2023.
Si la tendance actuelle rapproche le Ghana de l'objectif de la Banque centrale — maintenir l'inflation dans une fourchette de 6 à 10% —, le chemin reste semé d'embûches. Le FMI prévoit encore une inflation moyenne de 17,2% pour 2025, invoquant les incertitudes géopolitiques, les variations des cours du pétrole et du cacao, dont le Ghana est le deuxième producteur mondial.
Le poids des importations énergétiques et les vulnérabilités climatiques liées aux récoltes agricoles constituent des menaces permanentes.''Le pays a franchi un cap décisif, mais il reste exposé à tout retournement des prix mondiaux'', rappelle un analyste du cabinet Control Risks.
À moyen terme, le scénario central reste positif. Selon Statista, citant des données du FMI, l'inflation ghanéenne pourrait se stabiliser autour de 8% d'ici 2030, créant les conditions d'une croissance économique régulière de 4 à 5% par an. Si cette trajectoire se confirme, le Ghana pourrait tourner la page de la spirale inflationniste qui a fragilisé son économie et fragilisé la confiance de ses citoyens.
La désinflation en cours représente une victoire partielle mais symbolique pour les autorités actuelles d'Accra. Elle offre une opportunité à la Banque centrale et au gouvernement d'enclencher une nouvelle phase de réformes pour consolider les gains et restaurer la crédibilité financière du pays sur la scène internationale.
Dr Ange Ponou
Publié le 01/10/25 20:37