Après avoir longtemps défendu la perspective d'un plafonnement rapide de la consommation de l'or noir, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) réintroduit un scénario de ‘'politiques actuelles'' (CPS) selon lequel la demande mondiale progresserait encore de 13% d'ici 2050, passant de 100 à 113 millions de barils par jour.
Cette projection repose sur une adoption plus lente des véhicules électriques et une moindre accélération des énergies renouvelables. En d'autres termes, la transition énergétique n'irait pas aussi vite que prévu.
Dans ce scénario, la part des voitures électriques dans les ventes mondiales se stabiliserait après 2035, freinant la réduction de la consommation de carburants fossiles. Le gaz naturel verrait au contraire son rôle renforcé, tandis que les filières éolienne et solaire avanceraient plus timidement.
Une réévaluation politique et stratégique
Cette révision marque un tournant pour l'AIE, souvent accusée par les pays producteurs de pétrole, notamment l'OPEP, d'avoir promu une vision trop pessimiste du futur de l'or noir.
Le directeur exécutif Fatih Birol justifie ce changement de cap par les incertitudes politiques et économiques mondiales, soulignant que les transitions énergétiques dépendent étroitement des choix gouvernementaux, du rythme d'innovation et de l'acceptation sociale des politiques climatiques.
L'agence insiste sur le fait que cette révision n'est pas dictée par des pressions politiques, notamment américaines, alors que l'administration en place à Washington affiche une posture ambivalente, soutenant à la fois les énergies fossiles et les investissements dans le renouvelable.
Des conséquences majeures pour le marché mondial
Si la consommation de pétrole se maintient à ce niveau, les besoins d'investissement seront colossaux. L'AIE estime que 25 millions de barils par jour devront provenir de nouveaux projets, incluant des zones sous sanctions ou difficiles d'accès.
Dans ce scénario, le prix du baril pourrait avoisiner 90 dollars d'ici 2035, porté par une demande vigoureuse et une offre moins excédentaire.
Une telle évolution renforcerait la position de l'OPEP et des grands producteurs, au moment où plusieurs compagnies pétrolières réévaluent elles aussi leurs trajectoires. BP, par exemple, a récemment repoussé l'hypothèse d'un pic de consommation à long terme.
Un revers pour les ambitions climatiques
Mais cette prolongation du cycle pétrolier se heurte frontalement aux objectifs climatiques mondiaux. Selon les calculs de l'AIE, un maintien de la demande à ce niveau ferait grimper la température moyenne mondiale de près de 3°C d'ici la fin du siècle, bien au-delà des seuils fixés par l'Accord de Paris.
Même le scénario plus prudent de l'agence, dit STEPS, qui anticipe un pic de la demande autour de 2030, conduirait encore à un réchauffement d'environ 2,5°C.
Autrement dit, sans accélération massive des politiques de décarbonation, le monde reste sur une trajectoire d'urgence climatique.
La nouvelle position de l'AIE résonne comme un signal d'alarme avant la COP30, prévue cette semaine au Brésil. Elle traduit un retour au réalisme face aux lenteurs de la transition et à la résilience persistante du pétrole dans l'économie mondiale.
Car si les énergies renouvelables progressent, elles ne remplacent pas encore le pétrole dans les transports, l'industrie ou la pétrochimie, secteurs encore massivement dépendants des hydrocarbures.
La Rédaction
Publié le 13/11/25 09:46


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