Le suisse Bathco et le singapourien Eagle Eye à l’offensive sur Alucam, fleuron camerounais en difficulté

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Depuis plusieurs jours, la presse camerounaise évoque avec insistance l'intérêt du Suisse Bathco, acteur mondial de référence dans l'aluminium vert, pour la Compagnie camerounaise d'aluminium (Alucam). D'après les mêmes sources, Bathco aurait formulé une offre d'environ 78 milliards FCFA au gouvernement camerounais pour intégrer le capital de cette entreprise publique. Contacté par Sika Finance, le groupe suisse a formellement confirmé avoir soumis une proposition au gouvernement camerounais, sans préciser l'enveloppe qui accompagne cette offre.

"Nous confirmons avoir soumis une proposition au gouvernement camerounais visant à accompagner la relance d'Alucam. Bien que nous ne puissions pas commenter les termes détaillés dans le cadre de discussions en cours, nous pouvons affirmer clairement que notre proposition n'implique pas la cession par l'État d'une participation majoritaire. Alucam resterait un actif national", a révélé Andreas Schwarz, CEO de Bathco.

Au-delà de la question de l'actionnariat, Bathco insiste sur les objectifs industriels et sociaux de son offre, dans un contexte où la survie de la fonderie dépend autant d'investissements lourds que d'un repositionnement stratégique sur les marchés internationaux. "Notre proposition est conçue pour protéger et créer des emplois, préserver des savoir-faire industriels essentiels et positionner la production camerounaise sur des marchés où la demande en aluminium bas carbone connaît une croissance rapide. L'investissement vise à renforcer la base industrielle du Cameroun et à revitaliser Alucam en tant qu'actif d'importance stratégique et pilier central de la chaîne de valeur intégrée de l'aluminium du pays."

Sur la question sensible du financement, alors que l'État camerounais est confronté à de fortes contraintes budgétaires, le groupe suisse affirme que son projet ne ferait pas appel à des ressources publiques. "Bathco et ses partenaires industriels sont prêts à mobiliser les ressources techniques, financières et opérationnelles nécessaires à une relance réussie. L'ensemble du financement provient de partenaires privés, sans recours à des subventions publiques. La structure proposée est transparente et fondée sur les mécanismes du marché, afin de garantir la discipline financière et la viabilité à long terme."

Enfin, Andreas Schwarz replace cette initiative dans le positionnement global de Bathco, en mettant en avant son expertise industrielle et son orientation vers l'aluminium à faible empreinte carbone, un segment en forte croissance à l'échelle mondiale. "Bathco est un leader mondial dans les matières premières, les solutions technologiques et l'aluminium bas carbone, agissant comme partenaire stratégique de fonderies à travers le monde. Nous proposons des solutions sur mesure permettant d'améliorer la performance opérationnelle, de soutenir une croissance durable et d'accroître la production d'aluminium bas carbone. Bathco entretient un partenariat de longue date avec Alucam et continue de soutenir la fonderie à travers diverses initiatives."

Une relation industrielle déjà engagée

Avant même ces discussions autour d'une éventuelle prise de participation, Bathco était déjà présent aux côtés d'Alucam. Depuis 2024, le groupe collabore avec la fonderie camerounaise via sa branche technologique Metsol. Cette coopération porte sur la modernisation du processus d'électrolyse, qui constitue le cœur de la production d'aluminium primaire.

Le dispositif mis en place, connu sous le nom de système " APC+ ", vise à améliorer le pilotage des cuves d'électrolyse. Il permet notamment de réduire la consommation d'électricité — principal poste de coûts dans l'industrie de l'aluminium — tout en diminuant les émissions de CO₂. Cette orientation s'inscrit dans une stratégie dite " bas carbone ", c'est-à-dire une production d'aluminium générant moins d'émissions polluantes, un critère de plus en plus déterminant pour les clients industriels internationaux.

Eagle Eye, une autre offre sur la table
L'intérêt confirmé de Bathco intervient dans un contexte où Alucam suscite déjà l'attention d'autres investisseurs étrangers. Fin 2025, Eagle Eye, un véhicule d'investissement basé à Singapour et affilié au groupe Arise IIP, a, selon des médias locaux, soumis une offre portant sur l'acquisition de 70 % des actifs d'Alucam.

Selon les informations rendues publiques, cette proposition repose sur un investissement initial de 475 millions de dollars, soit environ 271,3 milliards de FCFA. Le projet prévoit la stabilisation financière de l'entreprise, la relance progressive des opérations industrielles et l'augmentation des capacités de production, notamment à travers la construction d'une nouvelle fonderie d'une capacité de 100 000 tonnes par an.

L'offre d'Eagle Eye inclut également la mise en place d'une ligne de transport d'électricité entre le barrage hydroélectrique de Nachtigal, d'une puissance de 420 MW, et le site d'Édéa. Cette infrastructure est présentée comme indispensable pour sécuriser l'approvisionnement énergétique d'une activité fortement consommatrice d'électricité. Le projet évoque enfin une possible connexion avec le gisement de bauxite de Minim-Martap, ouvrant la perspective d'une chaîne intégrée bauxite–alumine–aluminium.

Sika Finance a contacté Eagle Eye afin d'obtenir une réaction. À ce stade, aucune réponse n'a été reçue.

Fondée en 1957, Alucam demeure l'unique producteur d'aluminium primaire du Cameroun. Sa capacité nominale est estimée à environ 100 000 tonnes par an. Cette capacité théorique est toutefois loin d'être atteinte.

Les états financiers arrêtés à fin 2024 font apparaître une perte nette de 23,7 milliards de FCFA, un niveau quasiment identique à celui de 2023, où le déficit s'élevait à 23,6 milliards de FCFA. Le chiffre d'affaires s'est établi à 94,4 milliards de FCFA en 2024, en baisse d'environ 10 % sur un an.

Sur le plan opérationnel, la situation s'est encore dégradée début 2025. Au premier trimestre, la production d'aluminium a reculé de 40,8 %, conséquence directe de l'arrêt de plus de la moitié des cuves d'électrolyse pour des raisons techniques. Chaque cuve immobilisée réduit mécaniquement les volumes produits et alourdit les charges fixes de l'entreprise.

Perton Biyiha

La Rédaction

Publié le 15/12/25 13:05

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