SN
CM
Dans un contexte de recomposition du paysage minier malien, marqué par des tensions ouvertes avec le géant Barrick Gold, l'État malien franchit un pas stratégique en consolidant ses intérêts dans cinq sociétés minières opérant sur son territoire. Le gouvernement a annoncé, le 19 septembre, la conclusion d'accords inédits garantissant à l'État des parts " non diluables et non contributives aux investissements " dans le capital de ces entreprises, tournant ainsi une page importante dans l'application du nouveau code minier, adopté en 2023.
Une doctrine désormais assumée
Ces accords interviennent alors que Bamako poursuit sa volonté affirmée de revoir les termes de l'exploitation minière sur son sol, en imposant un " partage plus équitable des revenus miniers ". Et les lignes semblent avoir bougé.
Premier à se plier à cette nouvelle exigence : B2Gold, groupe canadien exploitant la mine géante de Fekola. Un protocole d'accord vient d'amender la convention d'exploitation de 2017, introduisant le principe que la participation de l'État ne pourra plus être diluée, même en cas d'augmentation de capital. L'État n'aura pas à injecter de fonds supplémentaires pour conserver sa quote-part en cas par exemple d'augmentation du capital pour de nouveaux investissements.
Outre cette disposition, la nouvelle convention introduit une série de mesures visant à renforcer la souveraineté économique malienne : révision " raisonnable " des taux d'imposition, intégration du contenu local, et élargissement du rôle de l'État dans la gouvernance des sociétés concernées.
Quatre autres sociétés dans la même dynamique
Outre B2Gold, quatre autres compagnies minières ont accepté de se conformer à cette nouvelle orientation stratégique des autorités maliennes.
Il s'agit d'abord de SEMOS SA, filiale du groupe Allied Gold, qui exploite la mine d'or de Sadiola, puis de SOMISY-S.A., contrôlée par la société australienne Resolute Mining, en charge de la mine de Syama.
À ces acteurs de l'or s'ajoutent deux opérateurs dans le secteur du lithium, ressource désormais jugée stratégique pour l'avenir du pays. Il s'agit de Lithium du Mali, qui développe le gisement de Torakoro, et des Mines de Lithium de Bougouni, en charge du site de Foulaboula, toutes deux situées dans la région de Bougouni, au sud du pays.
Les deux dernières sociétés représentent les nouveaux espoirs du pays dans le secteur des métaux stratégiques, notamment le lithium, ressource-clé de la transition énergétique mondiale.
Une stratégie nationale affirmée
En consolidant des participations fixes dans les projets miniers – sans obligation de participation financière additionnelle – Bamako envoie un signal fort : l'exploitation des ressources naturelles doit désormais servir directement les intérêts nationaux, au-delà des recettes fiscales classiques.
Le Mali, deuxième producteur d'or du continent, entend faire de ses ressources minières un véritable levier de développement, dans un contexte où ses finances publiques restent soumises à de fortes contraintes. Le lancement, fin 2024, de la première mine de lithium d'Afrique de l'Ouest symbolise cette nouvelle ambition.
En optant pour une approche plus souveraine, l'État malien espère ainsi consolider ses recettes, renforcer la gouvernance de son secteur extractif et créer davantage de valeur ajoutée locale. Un changement de paradigme que d'autres pays de la région observent certainement de près.
Pour rappel, en 2023, les autorités militaires maliennes ont adopté un nouveau code minier portant les redevances de 6,5 % à 10 % et renforçant la participation de l'État et des acteurs locaux dans les projets miniers, désormais portée à un minimum de 35 %, contre 20 % auparavant. Les accords récemment conclus s'inscrivent dans la continuité d'engagements préliminaires signés avec les mêmes compagnies entre septembre et novembre 2024.
La Rédaction
Publié le 22/09/25 16:32