Nicolas KAZADI, ministre des Finances de la RDC : "Le secteur minier est le moteur de la croissance congolaise"

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Nicolas KAZADI, ministre des Finances de la RDC :

Le secteur minier est le moteur de la croissance congolaise

Lors de sa visite à Abidjan, à l'occasion de la 9ème édition de Makutano, qui se tient cette année au bord de la lagune Ebrié, Nicolas KAZADI, le ministre des Finances de la République Démocratique du Congo, a pris le temps de s'entretenir avec Sika Finance au sujet de l'économie de son pays. Au cours de cette interview exclusive, le ministre a analysé en profondeur divers aspects, tels que les moteurs de la croissance, le climat des affaires, ainsi que les défis et les perspectives qui façonnent l'avenir économique de la RDC.

Comment va aujourd'hui l'économie de la République Démocratique du Congo (RDC) ?

L'économie congolaise se porte bien. En 2022, la croissance du PIB réel a atteint 8,9%, dépassant les prévisions et faisant de notre économie l'une des plus dynamiques du continent, alors que la croissance mondiale et continentale a ralenti.

En 2022, la croissance du PIB réel a atteint 8,9%, dépassant les prévisions et faisant de notre économie l'une des plus dynamiques du continent, ...

Ce bilan s'appuie sur une série de réformes phares et emblématiques, mises en œuvre de manière progressive et méthodique depuis plusieurs années, incluant notamment (i) la réforme de la politique monétaire conformément aux normes internationales, en assurant une coordination forte avec la politique budgétaire, (ii) le renforcement de la performance budgétaire avec un accent mis sur la mobilisation des recettes et la sanctuarisation des dépenses d'investissement, (iii) les réformes dans le secteur du climat des affaires.

Ces dernières années, la forte croissance que nous avons connue a été largement menée par le secteur minier, dont la performance a été remarquable l'année dernière. C'est à la fois une aubaine et un défi : il nous appartient de nous assurer que notre croissance et notre économie ne dépendent pas de ce seul secteur, notamment au regard des fluctuations de cours des matières premières. Cela sera d'ailleurs tout l'enjeu du prochain forum Agribusiness qui vise à concrétiser notre vision de "la Revanche du sol sur le sous-sol", qui sera organisé à Kinshasa les 4 et 5 octobre 2023.

Enfin, rappelons que les agences de notation ont reflété ces évolutions positives en 2022, la RDC ayant vu sa notation réhaussée par S&P en début d'année 2022, puis par Moody's en octobre de la même année. La RDC se livre avec rigueur à cet exercice, qui est pour le pays l'opportunité de faire des points d'étape fréquent, et d'ainsi mesurer les accomplissements réalisés. Cette volonté de transparence et de discussion se reflète également par les efforts de dialogue entre le public et le privé, comme le montre l'organisation de conférences risque pays, dont la deuxième édition a eu lieu cette année.

Pouvez-vous nous parler des avancées et réalisations majeures enregistrées par le pays au cours de ces dernières années ?

L'économie de la RDC a été particulièrement résiliente lors des crises sanitaire et géopolitique de 2020- 2022, affichant l'une des plus fortes croissances du continent en lors de cette période. Ces bonnes perspectives devraient se maintenir grâce à la diversification économique en cours appuyée par un plan de développement ambitieux et concret visant une croissance durable et inclusive sur l'ensemble du territoire.

Nous avons réalisé des avancées majeures et structurelles sur l'ensemble des fronts identifiés par SEM le Président de la République. A titre d'exemple, plusieurs avancées peuvent être mises en exergue sur les plans des infrastructures, de la gouvernance macroéconomique et de l'éducation :

  • Sur le plan des infrastructures, le Programme de développement local des 145 territoires, dont la mise en œuvre de la phase 1 s'est fortement accélérée en 2023, est une réussite importante, avec la construction d'infrastructures de services de base sur l'ensemble des territoires, assurant une plus grande équité territoriale et permettant à l'Etat de jouer son rôle. Au-delà des impacts directs, le PDL 145-T a également un impact positif sur les secteurs économiques impliqués dans sa mise en œuvre et pour les opérateurs économiques qui vont bénéficier des infrastructures.
  • Par ailleurs, nous avons procédé à un renforcement important de la gouvernance de la BCC, assurant une meilleure gouvernance, son indépendance et une plus grande efficacité de son action. A titre illustratif, nous pouvons notamment évoquer :

o       La convention signée entre la BCC et le Trésor reconnaissant le passif de ce dernier envers la banque centrale

o       L'opérationnalisation du conseil d'administration de la banque centrale

La nouvelle loi bancaire, qui renforce les pouvoirs de la BCC en matière de surveillance et supervision bancaire

  • Enfin, une réussite clé de la politique de SEM le Président de la République, Felix Tshisekedi, est l'amélioration du système éducatif, avec :

o       La politique de gratuité dans l'enseignement primaire

o       La progression du financement de l'éducation

o       La sensibilisation en faveur de l'enseignement national.

Grâce à cette politique, nous avons obtenu des avancées phares depuis 2019 :

  • Augmentation du nombre d'écoles de 23 000
  • Augmentation du nombre d'élèves dans les écoles primaires de 3,6 millions
  • Augmentation du nombre d'agents de 260 000
  • Augmentation de l'enveloppe salariale mensuelle de 233%
  • Augmentation du salaire moyen des enseignants maternelle et primaire pouvant aller jusqu'à 174%

Quand on parle de la RDC, on ne peut s'empêcher d'évoquer les importantes ressources minières dont recèle le pays. Qu'est-ce qui a changé ces dernières années afin d'améliorer la gouvernance du secteur dans son ensemble et renforcer sa contribution aux recettes publiques ?

A ce jour, le secteur minier est le moteur de la croissance congolaise. Nous avons des ressources naturelles uniques au monde. Nous avons donc la responsabilité de mettre en place un cadre de gouvernance robuste, ce à quoi nous avons procédé au cours des années récentes, notamment à travers notre implication avec l'ITIE. En octobre 2022, nous avons obtenu un score général élevé (de 85,5) dans la mise en œuvre de la norme ITIE 2019, notamment grâce à nos efforts en termes de publication des contrats miniers et des états financiers de la Gécamines.

Nous avons des ressources naturelles uniques au monde.

Nous renforçons également le cadre institutionnel et de gouvernance, avec la création, en avril 2023, d'une Inspection Générale des Mines pour lutter contre la fraude et la contrebande minière.

Enfin, nous renforçons par ailleurs la contribution du secteur aux recettes publiques en multipliant les efforts pour assurer la bonne application du code minier et la perception effective des redevances minières.

Mais au-delà, quels sont les secteurs prioritaires dans lesquels l'Etat congolais souhaite attirer le plus les investisseurs ?

Au-delà du secteur minier, que nous voulons utiliser comme levier pour l'industrialisation de notre économie, un secteur prioritaire de la politique de SEM le Président de la République est évidemment le secteur agricole, que nous souhaitons transformer. Nous souhaitons ainsi attirer les investissements nationaux et internationaux pour faire de cette transformation une réussite.

Le pays dispose de 51 millions d'hectares de terres non cultivées sur 80 millions d'hectares de terres arables et de près de 4 millions d'hectares de terres irrigables.

Quelques chiffres parlants : Le pays dispose de 51 millions d'hectares de terres non cultivées sur 80 millions d'hectares de terres arables et de près de 4 millions d'hectares de terres irrigables. Nous avons également un potentiel hydroélectrique, une diversité climatique et une main d'œuvre jeune et dynamique. Nous avons donc une opportunité unique de transformer le secteur, l'industrialiser, en faire un levier de croissance, d'industrialisation, de décentralisation, de désenclavement et de développement social.

Pour cela, nous avons, en collaboration avec nos partenaires, élaboré une stratégie visant à transformer le secteur, avec 7 filières stratégiques et à haut-potentiel : le riz, le poisson, le soja, les haricots, le manioc, la noix de palme, le maïs, qui présentent d'excellentes opportunités pour les investisseurs.

Par ailleurs, nous organisons les filières autour des Entités Territoriales Décentralisées, ce qui permet d'améliorer la chaine de valeur plus rapidement en regroupant les centres de formation avec le développement d'une agro-industrie de proximité. A titre d'exemple, nous avons obtenu des résultats rapides dans la production de manioc sur notre territoire national : la RDC est désormais le second producteur de manioc en Afrique.

Ainsi, le forum Agribusiness, qui sera organisé à Kinshasa les 4 et 5 octobre 2023, réunira opérateurs économiques nationaux et internationaux, partenaires techniques et financiers internationaux et bilatéraux et acteurs publics pour attirer les investissements et créer des partenariats qui vont nous permettre de transformer le secteur.

Pour un opérateur intéressé d'investir sur le marché congolais, à quel environnement des affaires doit-il s'attendre en termes de facilités ?

Le climat des affaires est une priorité pour nous. Nous avons, sous le leadership de Son Excellence Monsieur le Président de la République, ouvert un dialogue public-privé pour identifier les réformes prioritaires :

-        Une initiative cadre de notre gouvernement a été le Baromètre National du Climat des Affaires, par lequel nous mesurons la perception de l'environnement des affaires par les opérateurs économiques congolais, afin d'informer notre dialogue

-        Un autre exemple est la Conférence Risque Pays : la deuxième édition, que nous avons organisé en juin 2023, nous permet d'échanger à propos du profil de risque de notre pays avec des acteurs nationaux et internationaux, des secteurs public et privé

Nous avons donc entamé des actions prioritaires pour améliorer le climat des affaires, notamment suite à l'appel par SEM le Président de la République en Conseil des ministres du 14 avril dernier d'accélérer l'amélioration du climat des affaires, en appelant à mettre en place une feuille de route d'urgence, composée de mesures prioritaires. La mise en œuvre de cette feuille de route vient s'ajouter à des réformes stratégiques entreprises par notre gouvernement :

-        La création d'un guichet unique de délivrance des permis et autres autorisations

-        La promulgation de la loi sur le crédit-bail, qui permet de faciliter l'accès au financement pour les entrepreneurs

-        La promulgation de la nouvelle loi bancaire, qui permet d'avoir un système financier plus stable

-        La suppression de 14 taxes à l'importation et l'exportation jugées arbitraires

En prenant part à la 9ème édition du Makutano qui se tient en terre ivoirienne, quelles sont vos attentes ?

Je suis ravi de participer à cette 9ème édition du Makutano, dite "hors les murs", qui a vocation à être panafricaine et à maintenir ouvert notre dialogue avec le secteur privé national, régional et continental. Nous avons tout à gagner à développer la coopération entre opérateurs africains, afin d'apprendre de nos expériences mutuelles et de nouer des partenariats de longue durée, avec une compréhension commune des enjeux qui feront le futur du continent.

Ce que j'espère de cette édition du Makutano est que nous aboutissions sur des partenariats concrets, porteurs de projets qui accompagneront le développement de nos pays et leur essor vers l'émergence.

Quels sont aujourd'hui les principaux défis que doit relever votre pays en matière de gouvernance des finances publiques afin de le maintenir sur le sentier d'une croissance plus forte ?

Notre stratégie de réforme des finances publiques est ambitieuse, et nous la mettons en œuvre de manière déterminée. Nous avons, en 2022, élaboré une stratégie de réforme des finances publiques à l'horizon 2028, avec un plan d'action concret à l'horizon 2024. Dans ce cadre, nous avons multiplié les réformes :

  • Sur le plan de la digitalisation, nous avons doté nos régies financières de logiciels adaptés à leurs besoins spécifiques : LOGIRAD, SYDONIA, GESIMPOT, ISYS-REGIES. Ces efforts ont été réalisés en parallèle de la mise en place des factures normalisées qui permettent d'optimiser davantage le travail de nos régies financières et d'assurer un suivi clair et transparent.
  • Sur le volet des pratiques de bonne gouvernance, nous avons récemment :

o       Adopté un décret sur la gestion des investissements publics

o       Élaboré une feuille de route sur le renforcement de la gouvernance des investissements

o       Signé un arrêté portant modification de l'organisation du fonctionnement de la cellule de suivi des projets et des programmes du ministère des Finances

o       Signé un décret sur la gouvernance budgétaire qui a été élaboré avec l'assistance technique du FMI

o       Créé et opérationnalisé la direction générale du Trésor et de la comptabilité publique ;

L'ensemble de ces réformes va singulièrement renforcer la gouvernance de notre administration publique, assurant une meilleure collecte des recettes, une meilleure fourniture de services aux citoyens, une plus grande transparence et une plus grande efficacité dans l'utilisation des ressources publiques.

En termes de perspectives, comment voyez-vous évoluer l'économie congolaise au cours de la prochaine décennie ?

Nous devons poursuivre sur notre lancée, en continuant la dynamique insufflée depuis plusieurs années en termes de réformes. Notre objectif demeure la croissance soutenable et inclusive, qui permet à notre population jeune et dynamique de trouver un emploi, tout en bénéficiant des services sociaux essentiels. C'est pourquoi les politiques éducatives et sociales sont si chères à notre gouvernement, dans la mesure où elles assurent la réussite de demain.

L'enjeu de la diversification est central. Nous avons travaillé et continuons de travailler encore à la diversification au sein du secteur minier, ainsi qu'à sa formalisation graduelle. C'est un effort considérable, qu'il faut soutenir, pour renforcer notre résilience face à d'éventuelles instabilités des matières premières. Par ailleurs, notre objectif de diversification horizontale nous impose de travailler à renforcer notre secteur agricole, qui contribuera à renforcer la souveraineté alimentaire de la RDC, élément incontournable d'une croissance durable. Enfin, n'oublions pas que notre pays est un pays "solution", dans la mesure où la RDC a un rôle crucial à jouer dans la lutte contre le changement climatique.

Notre pays est un pays d'avenir, dont le rôle ne cessera de grandir, sur les plans économique, environnemental, démographique et social. Ce sont tant d'enjeux pour lesquels j'ai la conviction que nous saurons être à la hauteur.

La Rédaction

Publié le 20/09/23 12:57

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