Avec une dette publique centrale estimée à 119% du PIB en 2024 et un déficit budgétaire qui s'aggrave, le Sénégal traverse une zone de turbulences financières critiques. Entre urgences de financement, arriérés croissants et incertitude sur le programme avec le FMI, le pays joue sa crédibilité budgétaire à quitte ou double.
La dette sénégalaise requalifiée
L'agence Moody's a lancé, le 1er juillet 2025, une alerte sur le fait que le Sénégal est exposé à des risques budgétaires et de liquidité accrus. Cette mise en garde intervient après l'adoption par le Parlement d'une loi de finances rectificative qui porte le déficit budgétaire de 7,1% à 7,8% du PIB, dans un contexte où la dette réelle du pays s'avère bien plus lourde qu'annoncé.
Une révision choc des chiffres a révélé une dette publique centrale estimée à 23 300 milliards FCFA, soit 119% du PIB fin 2024, l'un des ratios les plus élevés parmi les pays émergents et frontières. Cette révélation fragilise sérieusement la trajectoire budgétaire de Dakar et met en lumière d'importantes lacunes dans la gouvernance financière passée, notamment en matière de transparence des engagements financiers internes et externes.
Les charges d'intérêts devraient représenter 27% des recettes publiques en 2026
Ce dépassement massif du seuil des 100% du PIB n'est pas anodin. D'une part, il réduit la marge de manœuvre budgétaire du pays face aux chocs exogènes. D'autre part, il renforce la pression sur la liquidité, dans un contexte où le service de la dette devient de plus en plus contraignant.
En 2026, les charges d'intérêts devraient représenter 27% des recettes publiques, contre 20,5% en 2024, selon les prévisions de Moody's.
À cela s'ajoutent 501 milliards FCFA d'arriérés budgétaires liés à des subventions, à l'investissement et à la commande publique. Or, l'accumulation d'arriérés est souvent le symptôme d'une trésorerie en tension, et surtout un signal négatif pour les créanciers. Le gouvernement priorisant les remboursements de dette au détriment d'autres engagements essentiels.
Une dépendance critique au soutien du FMI
Autre source d'inquiétude, la lenteur des négociations pour un nouveau programme avec le FMI. Prévu initialement pour juin, l'accord n'a toujours pas été finalisé. Or, sans l'appui du FMI, le Sénégal reste suspendu à des financements de marché de plus en plus coûteux, accentuant sa vulnérabilité.
Moody's note que tout nouveau retard avec le FMI accroîtrait la dépendance du Sénégal au marché relais, plus volatil et exigeant en termes de taux d'intérêt.
Ce flou autour du programme du FMI nuit également à la capacité du pays à accéder à des financements concessionnels et restructurer sa dette sans pression immédiate. Si le scénario de base exclut une restructuration, la persistance de l'incertitude pourrait modifier la donne.
Des besoins de financement abyssaux à court terme
Les chiffres parlent d'eux-mêmes, le budget 2025 prévoit 5 700 milliards FCFA de besoins de financement brut, soit 26,4% du PIB. À cela s'ajoutent des remboursements massifs : 3 400 milliards FCFA en 2025 (15,7% du PIB) et 3 900 milliards FCFA en 2026 (16,9% du PIB).
Même si le marché régional de l'UEMOA reste une source clé de financement, sa capacité d'absorption est limitée. Il ne pourra pas à lui seul couvrir les besoins de financement du Sénégal, surtout dans un contexte de défiance croissante des investisseurs.
Sortir de l'impasse
Le gouvernement mise sur une trajectoire de réduction du déficit à 5% en 2026, puis 3% en 2027, pour se conformer au critère de convergence de l'UEMOA. Mais cette ambition se heurte à une réalité budgétaire brutale : sur la période 2019-2023, le déficit moyen s'est établi à 11,1%, selon la Cour des comptes.
Autrement dit, le Sénégal doit réussir un ajustement budgétaire d'au moins 8 points de PIB en quatre ans, dans un environnement économique incertain. Cela suppose une amélioration rapide des recettes fiscales ; un meilleur ciblage des dépenses publiques ; une réduction progressive des subventions coûteuses, notamment dans le secteur énergétique ; et surtout, une gouvernance budgétaire renforcée pour restaurer la confiance.
La Rédaction
Publié le 08/07/25 15:31
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