À Casablanca, la 5ᵉ édition de l'Africa Financial Industry Summit (AFIS) consacre la montée en puissance d'un mot d'ordre commun : la souveraineté financière. Un concept qui s'impose désormais comme le levier clé du développement africain face à la raréfaction des capitaux internationaux, pas toujours accessibles et dont le flux est volatile selon les conjonctures économique et politique.
Plus qu'un sommet, c'est une déclaration d'intention : l'Afrique veut financer son propre avenir. Réunis à Casablanca pour la 5ᵉ édition de l'Africa Financial Industry Summit (AFIS), plus de 1 200 dirigeants, ministres, gouverneurs de banques centrales et décideurs publics africains ont placé la souveraineté financière au cœur de leurs débats. L'AFIS 2025 s'est en effet ouvert sur un thème fédérateur : "Notre capital, notre puissance". L'objectif viser : transformer la finance africaine en moteur de développement autonome, capable de mobiliser ses propres ressources face à un environnement mondial plus restrictif.
Le contexte donne le ton. Les économies africaines, confrontées à la contraction des flux financiers internationaux et à la hausse des coûts d'emprunt, doivent miser sur leurs leviers domestiques : épargne locale, fonds souverains, marchés de capitaux régionaux et partenariats public-privé. Selon la Banque africaine de développement, le continent épargne plus de 500 milliards de dollars par an, mais moins de 10 % de ces capitaux sont investis localement.
"L'Afrique ne manque pas de capital : il est dans nos banques, nos fonds de pension, nos assurances et jusque dans nos téléphones. Ce qui lui manque encore, c'est une régulation ambitieuse et des passerelles solides pour faire circuler ce capital au service du développement", a souligné Amir Ben Yahmed, président de l'AFIS.
Ce dernier a insisté sur la nécessité de bâtir une architecture financière panafricaine capable d'orienter ces flux vers les projets structurants du continent. "L'Afrique doit cesser d'être une destination de capitaux, pour devenir une puissance d'investissement", a-t-il ajouté.
“La souveraineté financière n'est pas un slogan, c'est un devoir collectif”
Nadia Fettah, ministre marocaine de l'Économie et des Finances, a donné le ton d'une Afrique en quête de confiance et d'autonomie. " La souveraineté financière n'est pas un slogan, c'est une exigence, un devoir collectif, un passage de témoin entre les générations africaines ", a-t-elle affirmé, ajoutant : " L'Afrique ne veut pas s'isoler ni ériger de murs, mais reprendre la main sur son destin économique. "
La ministre a rappelé que, malgré les chocs mondiaux, la croissance africaine reste robuste – autour de 4 % en 2025, selon la BAD – et que le Maroc illustre cette trajectoire avec une croissance attendue de 4,8 % et une inflation contenue à 1 %. Mais, a-t-elle averti, cette performance " ne sera durable que si nous apprenons à transformer notre épargne en investissement productif ".
Pour y parvenir, Nadia Fettah plaide pour une stratégie continentale articulée autour de trois leviers : la confiance, l'interopérabilité des systèmes financiers et l'innovation adaptée aux besoins africains. Elle a également mis en avant le PAPSS (Pan-African Payment and Settlement System) et le African Exchange Linkage Project, deux initiatives clés pour fluidifier les échanges et renforcer les marchés régionaux.
Une mobilisation collective des institutions financières africaines
La vision d'une souveraineté financière partagée a trouvé écho auprès des grands acteurs du secteur. Makhtar Diop, directeur général de l'IFC, a rappelé que " la mobilisation des ressources domestiques est la clé d'une croissance durable ".
" Libérer la puissance financière de l'Afrique, c'est reconnaître que notre avenir dépend de notre capacité à orienter nos propres capitaux vers les bons investissements ", a-t-il affirmé.
Autour de lui, des figures du secteur comme Aigboje Aig-Imoukhuede (Access Holdings), ou encore Edoh Kossi Amenounvé (BRVM) ont débattu des moyens de renforcer la régulation, d'intégrer les marchés et de créer de nouveaux instruments financiers africains.
De la parole à l'action
L'AFIS 2025 s'articule autour de six grands axes : stabilité macroéconomique, marchés de capitaux, finance durable, assurance, numérique et intégration régionale. L'ambition est de passer du diagnostic à la coordination, en bâtissant un agenda panafricain de la souveraineté financière.
" L'Afrique n'a pas besoin d'être sauvée. Elle doit simplement mobiliser sa propre force ", a rappelé Nadia Fettah, reprenant la formule du roi Mohammed VI : " L'Afrique doit faire confiance à l'Afrique. "
La Rédaction
Publié le 04/11/25 10:27


                        
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