Bouaké : La renaissance de la grande ville du centre ivoirien

Le Stade de la Paix de Bouaké, réhabilité à la faveur de la dernière CAN. 

Laurent Gbagbo, ancien président de la République de Côte d'Ivoire, disait : " On ne sort pas d'une guerre comme on sort d'un dîner-gala ". À cet égard, Djibo Nicolas, maire de la commune de Bouaké entre 2013 et 2023, confiait début octobre 2024 : " En 2013, j'ai hérité d'une ville exsangue où tout était à reconstruire, voire à construire ". Située au cœur de la Côte d'Ivoire, à environ 345 km d'Abidjan par l'autoroute du Nord, Bouaké, autrefois capitale de l'industrie textile et carrefour commercial stratégique, émerge d'une décennie de turbulences militaro-politiques. Après des années de crise armée, la ville, peuplée d'environ 900 mille habitants, retrouve progressivement son lustre d'antan, grâce à d'importants investissements publics et à la détermination des habitants. Cette renaissance redonne à la capitale régionale son statut de deuxième grande ville du pays, avec des infrastructures modernisées et un secteur économique revigoré.

Des infrastructures rénovées pour une ville moderne

À la sortie de la crise armée de 2002, sanctionnée par l'élection d'Alassane Ouattara en 2010, Bouaké, ex-capitale rebelle, s'est transformée à coups de grands projets d'infrastructures. L'université, rebaptisée et réhabilitée, des routes élargies et nouvellement bitumées, ainsi que des bâtiments administratifs modernes, témoignent de cette métamorphose. La devise de la ville, "De nombreux peuples, une seule cité", s'illustre à travers des autoroutes et boulevards illuminés qui rendent la circulation plus fluide, facilitant l'accès aux quartiers les plus reculés. Bouaké retrouve ainsi son atmosphère d'antan, résonnant des refrains de l'Orchestre de la Fraternité Ivoirienne (OFI), qui célébrait autrefois "Bouaké et sa piscine, ses belles rues bien éclairées". " Aujourd'hui, on peut circuler facilement à Bouaké. Grâce à l'autoroute, on peut aller vers Yamoussoukro et Abidjan aisément, mais aussi vers le nord. Cela attire même des gens d'autres régions ", confie Mamadou Traoré, chauffeur de transport interurbain.

En matière de santé, un nouveau Centre Hospitalier Régional (CHR), ouvert en janvier 2024 à l'occasion de la Coupe d'Afrique des nations (CAN 2023), s'ajoute au Centre hospitalier universitaire (CHU) en attente de réhabilitation. Ce CHR, d'une capacité de 150 lits, a vu le jour grâce à un financement de 40 milliards de francs CFA. Doté d'équipements modernes (scanner, soins intensifs, bloc opératoire, maternité, etc.), cet établissement permet aux habitants de Bouaké et des localités voisines de bénéficier de soins sans devoir se rendre à Abidjan. " Dans un passé récent, on devait faire des kilomètres pour des soins de base. Aujourd'hui, tout est à portée de main avec ce CHR ", témoigne Kouadio Jean, un paysan venu soigner son fils malade de Brobo.

En parallèle, plusieurs écoles ont été rénovées et de nouvelles ont ouvert leurs portes, illustrant une ambition pour l'éducation de la jeunesse locale. En janvier 2012, l'Université de Bouaké, créée en 1992 et rebaptisée Université Alassane Ouattara (UAO), a retrouvé ses infrastructures modernisées. Comptant aujourd'hui plus de 25 000 étudiants, elle ouvre de nouvelles filières (science politique, mathématiques, informatique, biologie), tandis qu'une antenne de l'École normale supérieure (ENS) en construction et celle de l'Institut national de formation des agents de santé (INFAS) ont également été rétablies. Concernant l'enseignement secondaire et technique, de nombreux établissements ont été créés avec le soutien du programme Millennium Challenge Account, fruit de la coopération ivoiro-américaine, pour un investissement de 112 milliards de francs CFA.

Une économie qui se redynamise

Paul Dakuyo, président régional de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire (CCI-CI), affirme que la ville de Bouaké connaît une embellie économique. " L'embellie économique dans une région s'apprécie en fonction de l'activité industrielle, commerciale, des BTP, et de l'activité hôtelière. Au vu de ces éléments, nous pouvons dire que la région du Gbêkê connaît une embellie ", note-t-il. Bien que le tissu industriel textile de Bouaké, autrefois dominé par la Compagnie ivoirienne pour le développement textile (CIDT) et d'autres usines comme Gonfreville et Trituraf, souffre encore, la ville semble prête pour une diversification économique, notamment dans l'agro-industrie et les PME locales. " Ce serait bien de voir les anciennes usines textiles redémarrer. Les autorités nous ont donné des assurances dans ce sens ", espère Tuo N'klo de la Centrale syndicale UGTCI.

Le transport et le commerce ne sont pas en reste, ils prospèrent également, consolidant le rôle de Bouaké en tant que carrefour régional. L'avènement de la Société de transport abidjanais (SOTRA), avec 77 autobus et ses 8 lignes, a significativement amélioré les options de mobilité, tandis que des compagnies de transport privées élargissent les liaisons interurbaines, facilitant ainsi les échanges avec d'autres villes et attirant des investisseurs. Pour Paul Dakuyo, " Quand le bâtiment va bien, c'est que tout va bien ". Aujourd'hui, la ville compte 27 banques, 10 supermarchés, et de nombreuses entreprises actives, un nombre sans précédent pour la région de Gbêkê.

Une continuité politique pour maintenir la dynamique

En 2023, Nicolas Djibo, maire emblématique, a passé le relais à Amadou Koné, actuel ministre des Transports. Ensemble, ils ont insufflé un nouvel élan à Bouaké. L'ex-maire et sénateur Djibo Nicolas a créé un cadre favorable aux investissements, illustré par la construction de l'hôtel de ville, d'une valeur de plus de 6 milliards de francs CFA, le stade de la Paix a connu une touche d'extension et de modernité passant de 20 000 places à 40 000 dans le cadre de la CAN 2023, et le marché central en reconstruction pour 39 milliards de francs CFA.

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La Rédaction

Publié le 12/05/25 16:35