Cameroun : SEMRY, le géant public du riz bientôt privatisé?

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Face à une crise financière profonde qui menace son existence, le Cameroun s'est résolu à ouvrir le capital de la Société d'expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (SEMRY). Les autorités viennent de consacrer deux jours, les 12 et 13 novembre 2025, à un atelier crucial à l'Hôtel United de Mbankomo pour examiner les modalités de mise en concession des usines de transformation de paddy (riz non décortiqué) de Yagoua et de Maga.

Les discussions entre la SEMRY et le Conseil d'Appui à la Réalisation des Contrats de Partenariat Privé (CARPA) "ont porté sur le périmètre des missions à déléguer au privé, l'état de maturité institutionnelle du projet, ainsi que la définition d'un plan d'actions pour mener cette opération à terme."

L'opération de mise en concession évoquée supra, consiste à confier à un partenaire privé la gestion, la maintenance ou l'exploitation d'un actif public, tout en en conservant la propriété. Le concessionnaire assume les investissements, réhabilitations ou modernisations nécessaires, en échange d'un droit d'exploitation limité dans le temps.

Cette démarche n'est pas anodine. Elle s'inscrit dans un plan de restructuration plus large, déjà suggéré par la Chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun. Dans un rapport d'audit rendu public en 2025 et couvrant la période 2018-2021, la juridiction financière avait tiré la sonnette d'alarme sur la viabilité de la SEMRY.

L'institution soulignait qu'une entreprise incapable de fournir à ses clients des services dont le coût de revient dépasse le prix de vente est vouée à disparaître. Le même rapport indiquait que les prestations rizicoles, cœur de métier de la SEMRY depuis sa création en 1971, génèrent un déficit structurel chronique que le budget de l'État ne peut plus absorber.

Selon les données financières publiées par la Chambre des comptes, la situation de l'entreprise est proche du point de rupture. En 2021, la SEMRY a dépensé 2,8 milliards de FCFA pour ses activités agricoles sur les 10 348 hectares de Yagoua et Maga, comprenant le travail mécanisé, l'alimentation en eau d'irrigation, l'entretien du réseau hydraulique, la maintenance des pistes et la production de semences de base. 

Le coût moyen s'élève ainsi à 276 547 FCFA par hectare, alors que la redevance rizicole réglée par les exploitants reste fixée à 102 000 FCFA par hectare depuis 2003. Même en y ajoutant la subvention étatique de 40 588 FCFA par hectare, la SEMRY enregistre encore une perte de 133 959 FCFA par hectare, soit environ 1,3 milliard de FCFA à l'échelle de 10 000 hectares.

L'entreprise doit aussi faire face à un très faible recouvrement des redevances. Pour la campagne de saison sèche 2023/2024 dans le secteur de Maga, la direction indique que seulement 32 % des riziculteurs avaient payé avant la date butoir du 31 octobre 2023, et plus de 20 % n'avaient toujours rien réglé malgré l'utilisation effective des parcelles préparées par l'entreprise.

Pour compenser ces pertes, l'État a versé 1 milliard de FCFA en 2018, décaissé en 2019, puis 300 millions de FCFA en 2020, payés en 2021, soit 1,4 milliard de FCFA injectés entre 2018 et 2022. Ces appuis sont jugés irréguliers et insuffisants tant par la Chambre des comptes que par la direction de la SEMRY.

Face à cette impasse financière, la Chambre des comptes recommande de réduire le périmètre d'activités, notamment en abandonnant le labour et la gestion directe des parcelles. La mise en concession des usines, actuellement en étude, constitue ainsi une première étape de cette transformation. 

À la suite de l'atelier de Mbankomo, un plan d'actions opérationnel doit être élaboré. Il définira le champ d'intervention du concessionnaire, ses obligations d'investissement, le mécanisme de partage des risques ainsi que le calendrier de transfert technique et institutionnel. 

Perton Biyiha

La Rédaction

Publié le 25/11/25 12:05

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