Côte d’Ivoire : ''Ajustement tarifaire'' et polémique sur les nouveaux tarifs de l’électricité

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En Côte d'Ivoire, l'''ajustement tarifaire'' de l'électricité décidé par le gouvernement est entré en vigueur avec l'objectif de maintenir la dynamique d'un secteur en pleine expansion. Toutefois, l'application de la mesure suscite déjà bien d'incompréhensions ...

Annoncé depuis le 8 juin dernier, l'ajustement du prix de l'électricité en Côte d'Ivoire est entré en vigueur depuis ce 1er juillet. Une mesure qui, selon les autorités, vise à préserver la viabilité d'un secteur électrique qui fait face depuis quelques années à une hausse significative de ses coûts de production dans le sillage de la crise de la Covdi-19 et de la guerre en Ukraine.

Après avoir développé les barrages hydroélectriques pour assurer ses besoins en électricité dès l'indépendance, la Côte d'Ivoire a amorcé à partir de la deuxième moitié des années 1990 une nouvelle stratégie en misant sur les centrales thermiques. Un choix qui visait à attirer des capitaux privés dans la production électrique alors assurée exclusivement par les barrages hydroélectriques, de garantir la régularité de la production et surtout de monétiser la production nationale de gaz naturel.

Ces investissements privés ont eu pour effet une hausse de l'offre d'électricité. Depuis 2011, la production électrique a quasiment doublé avec une capacité installée passée de 1 391 MW à 2 548 MW à fin 2022 ; une croissance essentiellement portée par la production thermique. Une évolution qui a été accompagnée avec la mise en place, par l'État ivoirien, de programmes visant l'accès universel à l'électricité d'ici 2030.

Ces investissements privés massifs engagés dans le secteur ont pu se faire avec la garantie, offerte aux opérateurs privés (détenant les centrales thermiques), de vendre leur production à un prix rémunérateur, et donc de pouvoir rentabiliser leurs actifs. Un engagement qui pose la question de la capacité de la filière électrique à pouvoir générer suffisamment de revenus pour assurer la rémunération de l'ensemble de ses acteurs, de la production jusqu'à la distribution aux consommateurs.

Une viabilité financière en jeu

Pour l'État ivoirien, le grand enjeu pour maintenir la dynamique d'investissement et préserver son modèle est de veiller au minimum à l'équilibre financier du secteur, autrement dit, que les recettes qu'il génère puissent rémunérer les acteurs de la chaîne.

D'après les données de l'ANARE, le régulateur du secteur électrique ivoirien, le coût de revient de l'électricité (89 F CFA/kWh) est supérieur de plus de 22% au tarif moyen de vente au niveau national (73 FCFA) le kWh. Un écart qui s'explique par la hausse des coûts de production induite par plusieurs facteurs en lien avec la crise de la Covid-19 et la guerre en Ukraine. Il s'agit, par exemple, de la perturbation des chaînes logistiques mondiales avec pour effet une hausse des coûts du fret, ou encore la flambée des coûts d'intrants comme le gaz naturel. Une situation qui fait peser une menace sur la viabilité financière des acteurs en raison de l'accumulation des arriérés de paiement qui devraient inévitablement, à terme, dégrader la qualité de service et la sécurité de l'alimentation en électricité du pays. En 2022, le gouvernement chiffrait le déficit financier dans le secteur électrique à 33 milliards FCFA, soit un peu plus de 50 millions d'euros.

L'"ajustement tarifaire" s'est donc imposé comme une mesure nécessaire pour maintenir la viabilité d'une filière électrique ivoirienne souvent citée en exemple sur le continent, et surtout son attractivité pour les investisseurs.

Un ajustement qui concerne 11% des abonnés

Cet ajustement induit de nouveaux tarifs pour seulement 11% des abonnés qui sont dans les faits les gros consommateurs d'électricité, chiffrés à 412 000, selon le gouvernement. Il s'agit d'une part d'abonnés utilisant des compteurs de plus de 15 ampères, y compris les professionnels, qui subiront une hausse de 10% de leurs factures, et d'autre part d'abonnés à la moyenne et à la haute tension, dont les factures augmenteront de 15%.

Ainsi, sur les 3,752 millions d'abonnés à l'électricité en Côte d'Ivoire à fin mai 2023, 89%, soit 3,340 millions, ne sont pas touchés par cette mesure, relèvent les données officielles.

En dépit de ces évolutions, la Côte d'Ivoire peut malgré tout encore se vanter d'offrir les coûts de l'électricité les plus compétitifs dans la zone UEMOA. On notera par exemple que pour le tarif social de base (5 ampères), à 42 FCFA/kWh, le pays présente un coût 50% inférieur à celui du Sénégal et 65% inférieur à celui du Bénin. De même, pour le tarif des abonnés de plus de 15A, le coût en Côte d'Ivoire est 28% inférieur à celui du Sénégal et 38% inférieur à celui du Bénin.

Polémique

Si le gouvernement a fait le choix de préserver les populations les plus modestes, l'entrée en vigueur de l'ajustement ne suscite pas moins la controverse chez ces derniers. En effet, une polémique enfle depuis ces derniers jours à propos d'une hausse de tarifs qui concernerait bien cette catégorie de consommateurs. Une polémique qui, selon nos informations, n'a pas lieu d'être.

D'après les documents consultés par Sika Finance, le gouvernement ivoirien accorde une subvention aux abonnés au "Tarif social domestique de base (5 ampères)", des abonnés dont la consommation ne doit pas excéder 200 kWh par bimestre (tous les deux mois) et qui appartiennent, en principe, aux couches les plus modestes de la société.

Toutefois, lorsque la consommation d'un client de cette catégorie dépasse, sur une période de trois bimestres (6mois), la limite de 200 kWh, il est automatiquement basculé et tarifé vers l'abonnement au ‘'Tarif domestique général'' (5A). Dans cette tranche, les tarifs sont un peu plus élevés que la précédente, entre 58 et 67 FCFA le kWh (contre une fourchette de 29 à 50 FCFA le kWh pour le Tarif social domestique de base).

" Cette mesure, qui est appliquée depuis 2013, concerne aussi bien les abonnés basse tension domestique prépayés et post-payés. Les basculements automatiques qui interviennent chaque 6 mois, lorsque que la limite de consommation est dépassée sur la période, peut donner l'impression d'une hausse de facture alors qu'il n'en est rien ", a fait savoir un spécialiste du secteur électrique ivoirien approché par Sika Finance.

Jean Mermoz Konandi

Publié le 05/07/23 10:06

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