Alors que les vulnérabilités de la dette s'accumulent dans les pays en développement, le Fonds monétaire international (FMI) intensifie ses efforts pour bâtir un cadre plus équitable de restructuration des dettes souveraines. La semaine dernière à Londres, une rencontre confidentielle entre le FMI et des créanciers privés, révélée par Bloomberg, a mis en lumière les lignes de faille du système actuel et les innovations en discussion.
Pourquoi parler de restructuration ?
La restructuration de dette souveraine, c'est un processus par lequel un État, en difficulté pour rembourser ses emprunts, renégocie ses engagements financiers avec ses créanciers. Cela peut passer par un étalement des paiements, une réduction des montants dus (appelée ‘'décote'') ou l'émission de nouveaux titres.
Le but est d'éviter un défaut de paiement brutal, qui peut entraîner une perte d'accès aux marchés internationaux, une dégradation de la notation du pays et des conséquences sociales dramatiques (coupures budgétaires, inflation, perte de confiance).
Dialogue privé à huis clos
Le 9 juin dernier, des responsables du FMI ont rencontré à Londres des créanciers privés, dont des fonds spéculatifs et des gestionnaires d'actifs, pour recueillir leur expérience sur les restructurations menées depuis 2020. Ces échanges s'inscrivent dans le cadre de la préparation d'un nouveau rapport de référence, attendu lors des prochaines réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale en octobre 2025.
Cette initiative vise à actualiser les bonnes pratiques dans un contexte où les crises de dette deviennent plus fréquentes et plus complexes.
Des instruments financiers plus flexibles
L'une des principales pistes explorées concerne les instruments de dette indexés sur les performances économiques. Appelés State-contingent debt instruments (SCDI), ces titres rendent les remboursements flexibles dans le sens où un pays peut rembourser davantage quand sa croissance est bonne, et moins quand elle ralentit. Certains sont aussi indexés sur les prix des matières premières, comme le pétrole.
Cette innovation a été testée dans les restructurations récentes de la Zambie, du Sri Lanka et de l'Ukraine, ainsi qu'au Suriname, qui a émis des obligations assorties d'un ‘'instrument de recouvrement de valeur'' (VRI), lié aux revenus pétroliers.
Pour les pays dépendants des exportations de matières premières ou exposés aux chocs climatiques, ces instruments apportent une respiration bienvenue, en réduisant le risque de nouvelle crise en cas de revers économique.
L'Afrique en première ligne
Plusieurs pays africains ont déjà expérimenté, parfois douloureusement, les mécanismes de restructuration de dette.
La Zambie, premier pays d'Afrique à faire défaut pendant la pandémie en 2020, a conclu un accord avec ses créanciers bilatéraux (dont la Chine) en 2023, après trois années d'âpres négociations.
Un autre exemple est celui du Ghana, qui après avoir suspendu ses paiements sur la dette extérieure fin 2022, est toujours en discussions avec ses créanciers privés, dans le cadre du programme du FMI entamé en 2023.
L'Éthiopie, confrontée à une guerre civile et une économie exsangue, attend également une restructuration intégrale de sa dette après un défaut de paiement en décembre 2023.
Enfin, le Tchad, lui, a été le premier à négocier sous l'égide du Cadre commun du G20, sans aboutir à un véritable allègement de dette.
Ces cas montrent à quel point le mécanisme actuel de restructuration est lent, fragmenté et souvent déséquilibré, notamment lorsque les créanciers sont multiples (États, banques privées, fonds, institutions multilatérales).
Clause du “créancier le plus favorisé”
Autre thème discuté à Londres celui des clauses contractuelles visant à harmoniser les conditions entre tous les créanciers. La clause du créancier le plus favorisé (Most-Favoured Creditor Clause) garantit que si un groupe de créanciers accepte de renoncer à une partie de la dette, les autres bénéficieront des mêmes conditions.
C'est une façon d'éviter les litiges et d'encourager une restructuration plus globale, équitable et cohérente.
Vers un nouveau guide global ?
Le FMI entend publier, en octobre prochain, un nouveau document d'orientation sur les restructurations de dette souveraine. Le dernier en date remonte à 2020 et s'appuyait sur les cas de l'Argentine et de l'Équateur, deux pays qui ont restructuré leur dette avec les marchés obligataires.
Cette nouvelle édition devrait tirer les leçons des échecs de coordination, des délais excessifs et des manques de transparence constatés dans plusieurs dossiers, en particulier africains.
Dans un monde post-Covid où les pays du Sud font face à une accumulation des dettes, des taux d'intérêt élevés, des chocs climatiques et des besoins d'investissement massifs, la question n'est plus de savoir si des restructurations auront lieu, mais comment les rendre plus efficaces, plus rapides et plus équitables.
La réforme de l'architecture de la dette souveraine mondiale est devenue une nécessité urgente. Le FMI, souvent critiqué pour son formalisme, semble vouloir jouer les catalyseurs du changement.
Reste à voir si l'alignement entre les intérêts des créanciers privés, des pays débiteurs et des institutions multilatérales pourra enfin sortir de l'impasse.
Dr Ange Ponou
Publié le 18/06/25 09:05
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