Interview/Jean-Louis MENANN, DG de Orange Bank Africa : ‘’Nous avons déjà un potentiel de 4 millions de clients sur le marché ivoirien’’

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Après avoir construit sa carrière professionnelle au sein du prestigieux groupe bancaire français PNB Paribas dont il a notamment dirigé la filiale ivoirienne BICICI entre 2014 et 2019, Jean-Louis Menann-Kouamé s'est lancé un nouveau défi cette fois-ci aux côtés du géant du télécom Orange en prenant la direction de son pôle bancaire Orange Bank Africa.

A l'occasion de la mise en route de ce nouveau-né du paysage bancaire ivoirien le 23 juillet dernier, il revient dans cet entretien donné à la faveur de la conférence de presse de lancement, sur les particularités de cet établissement qui démarre ses activités avec déjà un potentiel de 4 millions de clients.

 

Comment appréhender le partenariat avec NSIA Banque Côte d'Ivoire qui peut être à priori considéré comme un concurrent à Orange Bank Africa ?

La première question concerne la concurrence qu'il pourrait y avoir entre Orange Bank Africa et NSIA Banque. En réalité, il n'en est rien. Le taux de bancarisation en Côte d'Ivoire est de 20%. Par définition donc, il y a 80% de personnes qui n'ont pas de compte bancaire. Et ce sont les 80% de non bancarisés que nous ciblons prioritairement, alors que NSIA Banque fait partie des 20%. Les offres d'Orange Bank Africa s'adressent donc aux personnes qui n'ont pas accès aux services bancaires classiques telles la vendeuse d'Attiéké de Blockhauss (village moderne situé dans la ville d'Abidjan, ndlr) ou l'étudiant de Korhogo (grande ville du nord ivoirien, ndlr).

Voir aussi - Orange Bank se lance sur le marché ivoirien

 

Qu'est-ce qui fonde le choix du partenaire NSIA Banque ? Quel est son rôle dans le développement de Orange Bank ?

Lorsqu'on va demander un agrément bancaire à la BCEAO et qu'on s'appelle Orange et qu'on n'a pas d'historique, qu'on n'a pas d'expérience bancaire dans l'UEMOA, on fait preuve d'un peu d'humilité et on se fait accompagner par quelqu'un qui connaît le domaine d'activité.

Ce sont les 80% de non bancarisés que nous ciblons prioritairement

C'est ce que le groupe Orange a fait en disant au patron de NSIA Banque, Jean Kacou Diagou, qui lui-même avait déjà indiqué qu'il était intéressé par une banque digitale. Le groupe Orange n'a donc pas eu du mal à convaincre le président Diagou en lui disant qu'il a besoin d'un partenaire technique qui va lui permettre de toucher une masse de client tout de suite plutôt que de commencer une banque digitale avec zéro client ou prospect. Les deux entités se sont entendues, l'un apportant à l'autre ce qu'il n'a pas. La conjonction a donc été faite, le groupe NSIA détenant 25% d'Orange Bank Africa et 75% sont détenus par le groupe Orange.

 

Orange Bank Africa va faire des offres de crédit, ce qui pose la problématique du remboursement. Comment comptez-vous faire face au risque de défaut ?

Concernant la question relative au défaut de remboursement, c'est-à-dire à échéance d'un crédit Tik Tak de 50 000 FCFA, le client a un mois pour finir de rembourser. Il faut indiquer que notre décision d'octroyer un prêt repose sur un puissant système qui va interroger le comportement du client plusieurs mois à l'avance grâce notamment à l'historique de ses transactions sur Orange money.

Le groupe NSIA détenant 25% d'Orange Bank Africa et 75% sont détenus par le groupe Orange.

En cas de non remboursement, le client verra son compte Orange money bloqué en émission, c'est-à-dire qu'il ne pourra plus faire de transfert. Il pourra continuer à recevoir de l'argent mais qui sera automatiquement ponctionné pour rembourser ce qu'il nous doit.

Enfin, nous souhaitons travailler avec les autres acteurs du secteur pour définir une blackliste pour mauvais payeurs qui existe déjà pour le pool bancaire classique.

Nous souhaitons être pionniers dans la conception de la première blackliste du secteur qui va dissuader les mauvais payeurs qui seraient tentés d'aller ouvrir un compte chez les opérateurs concurrents sans avoir rembourser leurs emprunts chez Orange Bank Africa.

A la base il y a une analyse précise du profil de risque de nos clients avant de leurs octroyer le premier centime.

 

Aurez-vous accès au Bureau d'information sur le crédit qui agrège les données des clients des établissements financiers ?

Nous avons en Côte d'Ivoire comme dans l'UEMOA un BIC (Bureau d'information sur le crédit, ndlr) qui a pour vocation de recueillir des informations auprès des banques sur leurs productions de crédit et les défauts auxquels elles font face.

Il se trouve que nous Orange Bank Africa, banque agréée, nous devons également être affiliés au BIC et donc au moment où je vous parle, cette affiliation est en cours au point de pouvoir recueillir les informations sur les éventuels mauvais payeurs.

 

Après avoir passé votre carrière à la BICICI, filiale ivoirienne de BNP Paribas, qu'est-ce qui vous a poussé à sauter le pas pour prendre la direction d'une banque digitale ?

 J'ai passé 21 ans de ma carrière au sein du groupe BNP Paribas et ça été un privilège de passer autant de temps dans un groupe de grande renommée. En sortant de l'Université, de l'école de commerce, je n'ai connu que PNB Paribas.

Je suis animé d'un enthousiasme et d'une volonté sans précédent pour porter ce projet sur le marché et en faire un succès tel que les actionnaires nous le demande, le groupe Orange et le groupe NSIA.

Mais en même temps et à un moment donné donc après 21 ans, il y a un challenge que nous a offert Orange Bank Africa et là on se pose la question de savoir si on continue l'aventure passée ou on a envie d'embrasser un nouveau challenge. Mon choix a été plutôt pour la deuxième option au regard du caractère sans précédent du projet Orange Bank tel qu'il m'a été présenté. C'était également un privilège de pouvoir depuis Abidjan superviser l'ensemble du dispositif West Africa dont le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso. J'ai donc la responsabilité de tout cet ensemble depuis Abidjan. Et donc très clairement j'ai opté pour ce choix et aujourd'hui je suis animé d'un enthousiasme et d'une volonté sans précédent pour porter ce projet sur le marché et en faire un succès tel que les actionnaires nous le demande, le groupe Orange et le groupe NSIA.

 

Peut-on comparer Orange Bank à une microfinance ?

On peut dire que nous sommes une " Pico finance ". Nous nous adressons à des populations qui sont intéressées par des crédits plus bas que ceux qu'offrent les institutions de la microfinance. Mais la différence fondamentale entre notre modèle et celui d'une microfinance ou celui d'une banque classique c'est que nous utilisons un canal de distribution qui est aujourd'hui connu de plusieurs millions de personnes. C'est cela la différence fondamentale entre notre canal et l'autre canal, le canal Orange Money.

Nous nous adressons à des populations qui sont intéressées par des crédits plus bas que ceux qu'offrent les institutions de la microfinance.

Orange c'est plus de 12 millions de clients en Côte d'Ivoire et Orange Money (OM, ndlr) c'est à peu près 10 millions de clients. Les clients OM actifs c'est-à-dire ceux qui font les transactions cash in (dépôts, ndlr), cash out (retraits, ndlr) ou de paiements de factures, etc., sur les trois derniers jours, sont au nombre de 4 millions.

La différence fondamentale entre Orange Bank Africa et une institution de microfinance, c'est qu'au moment où on ouvre nos portes aujourd'hui on a 4 millions de prospects. Il n'y a aucune banque qui a tel un potentiel !

Au moment où nous ouvrons, nous avons un potentiel de 4 millions de clients.

On a 4 millions de prospects pour en faire des clients s'ils décident d'ouvrir un compte chez Orange Bank Africa. Mais avant, il faut qu'ils donnent leur consentement pour que nous puissions avoir accès à leurs informations chez Orange money et chez Orange Côte d'Ivoire. Notre objectif est d'être suffisamment attrayant pour que les 6 millions de clients Orange money dormants deviennent des clients actifs pour devenir ensuite des clients Orange Bank pour pouvoir bénéficier d'un prêt.

Au niveau de l'épargne, il est possible de la placer directement sur son compte Orange Bank pour percevoir des intérêts au taux de 3,5%.

 

Au départ du projet, il était question qu'Orange Bank s'appuie sur Diamond Bank qui a été entretemps absorbé par NSIA Banque. Cela a-t-il eu un impact sur le projet ?

Diamond Bank a vu son réseau d'Afrique francophone racheté par le groupe NSIA et effectivement dans les discussions initiales il était question que ce réseau de Diamond Bank dans les pays d'implantation d'Orange puisse servir comme base de démarrage d'Orange Bank Africa. Très vite, il s'est avéré que le portefeuille de clientèle de Diamond Bank n'était pas celui qui était en conformité avec le business modèle d'Orange Bank Africa tel qu'il a été pensé par le groupe Orange.

C'est ainsi que le réseau de Diamond Bank a été purement et simplement absorbé par le groupe NSIA Banque. Toutefois, certains membres de l'effectif de Diamond Bank Côte d'Ivoire ont intégré en tant que pionniers le projet Orange Bank Africa. Aujourd'hui, le secrétaire général d'Orange Bank Africa, le directeur de l'audit, le directeur de la conformité, le directeur des ressources humaines, sont des anciens du staff de Diamond Bank qui ont été intégrés dans le projet.

 

A l'avenir est-ce qu'il y aura une fusion entre Orange Bank et Orange money ? Quel est l'agenda de déploiement dans les autres pays de l'UEMOA ?

Il n'y a pas de projet de fusion mis sur la table actuellement. En effet, Orange Bank est par exemple la structure qui peut vous prêter de l'argent et Orange money est la structure avec laquelle on fait usage de cet argent.

En termes de déploiement dans la zone UEMOA, nous avons l'ouverture en juillet 2020 en Côte d'Ivoire. Nous ambitionnons l'ouverture de la filiale sénégalaise au 3ème trimestre 2021 et 4ème trimestre 2021 pour le Burkina Faso et le Mali.

Les premiers résultats d'Orange Bank en Côte d'Ivoire vont être déterminants pour la stratégie future d'expansion au-delà même de la zone UEMOA.

 Au-delà de ces 4 pays, Orange est également présent dans les pays non-UEMOA (la Guinée, la Sierra Leone, le Libéria) où nous n'avons pas encore de projet de déploiement.

Mais très clairement les premiers résultats d'Orange Bank en Côte d'Ivoire vont être déterminants pour la stratégie future d'expansion au-delà même de la zone UEMOA.

Voir aussi - Côte d'Ivoire : Un an après, la banque en ligne de Standard Chartered revendique plus de 18 000 nouveaux clients

 

Combien avez-vous investi pour ce projet ?

Les actionnaires, le groupe Orange et NSIA Banque, ont investi 14,5 milliards FCFA pour former le capital de cette banque. Comme vous le savez, la réglementation exige un capital minimum de 10 milliards FCFA.  

En termes de création d'emploi, on commence notre activité avec 55 emplois, il y a quelques personnes qui vont nous rejoindre dans les prochains jours et à fin décembre nous serons 70. Quand vous comparez cet effectif avec celui des banques commerciales classiques, vous vous rendez compte que nous sommes loin des 400, 800 personnes qu'on retrouve souvent dans les banques. Si les banques classiques ont autant de personnes sur leurs sites, c'est principalement à cause du réseau d'agences.

Nous allons investir sur la technologie, sur la sécurité informatique pour que vous soyez confiants dans le trafic que vous allez faire avec nous.

Nous n'allons pas investir dans un déploiement de réseau d'agences pour des raisons évidentes, nous voulons une banque digitale. Nous allons investir sur la technologie, sur la sécurité informatique pour que vous soyez confiants dans le trafic que vous allez faire avec nous. Nous avons également de nombreux prestataires avec qui ont signé des conventions, qu'on paie, qui travaillent pour nous, qui viennent nous aider dans la conduite de la marche de la banque.

 

Le niveau d'épargne au sein de votre établissement sera-t-il plafonné ?

Vous pouvez épargner autant que vous le voulez ; seulement, la réglementation oblige les banques à rémunérer les clients sur les comptes épargne à hauteur de 10 millions FCFA. Au-delà de 10 millions la rémunération n'est pas obligatoire.

Nous avons donc fait le choix de rémunérer l'épargne jusqu'à 10 millions FCFA au taux d'intérêt de 3,5%.

 

Quel est le taux d'intérêt que vous appliquez aux crédits que vous proposez ?

En Côte d'Ivoire et dans l'UEMOA, le taux d'usure tel que décidé par la BCEAO est de 15% annuel pour les banques. Orange Bank va tarifer son crédit à un taux de 15% annuel. Lorsque vous ramenez ce taux à un taux mensuel ça vous fait 1,15% hors taxe. Autrement dit, si vous empruntez 10 000 FCFA via notre offre de prêt Tik Tak vous allez rembourser 10 115 FCFA au bout d'un mois.

 

Existe-t-il des frais de transactions entre Orange money et Orange Bank ?

La réponse est non. C'est-à-dire le crédit qu'on vous prête (Orange Bank) et qui va être logé sur votre compte Orange money, ne donne pas lieu à facturation. De la même façon, quand vous avez votre compte Orange money qui est alimenté et que vous souhaitez le placer en épargne, il n'y a pas de frais de transfert ni de frais de placement. Les seuls frais additionnels qui sont prélevés sur les clients, en plus des intérêts sur le crédit dont j'ai parlé toute à l'heure, ce sont les frais dits de tenue de compte qui sont de 1 000 FCFA par an.

Chaque client Orange Bank via l'offre Tik Tak paiera 1 000 FCFA par an hors taxe (1 100 FCFA TTC) au titre de ses frais de tenue de compte. Vous voyez que nous avons une transparence et une lisibilité précise sur les frais qui sont associés à nos services.

 

Propos recueillis par 

Dr Ange Ponou

Publié le 06/08/20 12:30

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