Le Cameroun lance BankCompar, une plateforme publique de comparaison des tarifs bancaires

Avec la mise en ligne de BankCompar, le Cameroun se dote d'un outil de comparaison des tarifs bancaires inédit dans la zone CEMAC. Objectif : rétablir la transparence, redonner du pouvoir aux consommateurs et forcer les banques à la conformité.

Dans un paysage bancaire encore peu transparent et souvent jugé peu lisible par les usagers, le lancement de BankCompar constitue une petite révolution. Cette plateforme de comparaison des tarifs bancaires, officiellement dévoilée le 20 juin 2025 à Yaoundé par le Comité national économique et financier (CNEF), ambitionne de rééquilibrer les rapports de force entre les établissements de crédit et leurs clients. À terme, elle pourrait même devenir un catalyseur de transformation pour le secteur financier camerounais tout entier.

Accessible gratuitement (via le site www.bankcompar.cm) et une application mobile déjà disponible sur Playstore, BankCompar permet à tout utilisateur de comparer les prix de 17 services bancaires courants — retraits, virements, cartes, frais de tenue de compte — ainsi que de consulter la liste des 22 services gratuits définis la reglémentation.

Mais l'innovation la plus attendue réside dans le simulateur de crédit intégré à la plateforme. Il offre un calcul automatisé du Taux effectif global (TEG), ce fameux " coût réel du crédit " souvent nébuleux pour les emprunteurs, surtout les plus modestes. Comme l'a rappelé Pierre-Emmanuel Nkoa Ayissi, secrétaire général du CNEF et directeur national de la BEAC au Cameroun, ce taux agrège non seulement les intérêts visibles mais aussi l'ensemble des frais cachés : dossiers, assurances, garanties, frais notariés, commissions diverses…

Transparence

Le lancement de BankCompar intervient dans un contexte de tensions récurrentes entre usagers et établissements bancaires, notamment autour de la tarification et de l'opacité des contrats. En 2020 déjà, une enquête du CNEF pointait de graves irrégularités dans la communication et le calcul du TEG. Plusieurs banques ne respectaient ni les seuils réglementaires d'usure, ni la méthodologie de calcul imposée par la BEAC. Pire encore, nombre d'entre elles ne communiquaient pas ce taux aux clients, particulièrement dans les cas de crédits non amortissables comme les découverts ou les cautions.

Un autre point de friction concerne la rémunération des comptes d'épargne. En 2022, seules deux banques – la BICEC et la SCB – respectaient pleinement les règles en vigueur sur les intérêts créditeurs. Dans les autres cas, les contrats ne précisaient ni les modalités de calcul ni les conditions d'application, empêchant les épargnants d'anticiper ou de vérifier les intérêts perçus.

BankCompar se pose ainsi en outil correctif, en rendant visibles et comparables les offres et les pratiques des banques. Un mécanisme de pression douce, mais potentiellement puissant : " désormais, les banques savent que leurs tarifs sont publics, évalués et susceptibles d'être jugés ", commente un expert du secteur. Une incitation à la transparence, mais aussi à la modération tarifaire, dans une région où les taux de crédit restent élevés — le TEG moyen en zone CEMAC est passé de 8,40 % à 10,45 % entre début 2023 et début 2024, selon la BEAC.

Un outil au service de la régulation et de l'éducation financière

Au-delà de la fonction de comparaison, le CNEF veut faire de BankCompar un instrument d'inclusion financière et d'éducation du grand public. Pour cela, la plateforme mise sur une interface intuitive et la personnification de son assistant virtuel " MOYO ", un personnage convivial chargé de vulgariser les notions financières complexes.

L'outil n'est pas figé. À partir de 2026, BankCompar sera élargi aux secteurs de la microfinance et des assurances, une fois les nomenclatures de services harmonisées. Un simulateur d'intérêts sur les produits d'épargne est également attendu d'ici la fin de l'année 2025, comblant un autre vide critique dans la compréhension des produits bancaires par les clients.

Soulignons que aucun pays de la zone UEMOA, qui a un marché bancaire plus dynamique, ne dispose encore d'une telle plateforme.

La Rédaction

Publié le 24/06/25 12:57