Quels impacts économiques d’une probable fermeture du détroit d’Ormuz ?

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Le détroit d'Ormuz, long d'à peine 161 kilomètres, est plus qu'un simple passage maritime, c'est l'artère vitale de l'économie énergétique mondiale. Chaque jour, environ 16,5 millions de barils de brut, soit près d'un quart de la consommation mondiale, transitent par cette voie étroite, encadrée au nord par l'Iran et au sud par les Émirats arabes unis et Oman. C'est aussi un couloir majeur du commerce de gaz naturel liquéfié (GNL), essentiel pour l'Asie et l'Europe. Or, les menaces croissantes de l'Iran de fermer ou de perturber cette voie stratégique pourraient redessiner l'équilibre géoéconomique mondial.

Un levier de pression géopolitique

En réaction à des frappes américaines conjointes avec Israël sur ses sites nucléaires, l'Iran agite une fois de plus le spectre d'une fermeture du détroit. Le Guide suprême, seul habilité à en donner l'ordre, n'a encore rien décidé. Pourtant, les avertissements tels que brouillage GPS, harcèlement de navires marchands, saisies ponctuelles…, se multiplient. Autant de signaux faibles d'un scénario qui n'a plus rien de théorique.

Selon Bloomberg, même une fermeture temporaire d'Ormuz provoquerait une flambée immédiate des prix du pétrole. Muyu Xu, analyste chez Kpler Ltd, évoque un baril grimpant à 120 voire 150 dollars, un choc qui rappellerait les tensions du canal de Suez en 2024 ou la guerre des pétroliers dans les années 1980.

Une onde de choc mondiale…

Dans une économie mondiale encore convalescente, cette crise serait un catalyseur de turbulences avec comme conséquences l'inflation énergétique, la volatilité boursière, et les tensions sur les devises, pour ne citer que celles-là.
La Banque mondiale alerte déjà sur les risques systémiques d'un choc pétrolier généralisé. En cas de rupture d'approvisionnement, les États-Unis et l'Europe seraient contraints de puiser dans leurs réserves stratégiques, mais cela ne suffirait qu'à contenir l'impact à court terme.

Du côté de l'Asie, la Chine, principal client du pétrole iranien et partenaire diplomatique de Téhéran, se retrouverait dans une impasse géostratégique. Une fermeture du détroit pourrait également fissurer son pacte de non-ingérence et forcer Pékin à arbitrer entre ses besoins énergétiques et ses alliances politiques.

…et un contrecoup brutal pour l'Afrique

Moins évoqué dans les analyses globales, le continent africain serait loin d'être épargné par ce séisme énergétique. La dépendance au pétrole importé est criante dans des pays comme le Sénégal, le Bénin, la Côte d'Ivoire ou encore le Kenya, où la facture énergétique pèse lourdement sur la balance commerciale.

‘'Une hausse brutale du baril alourdirait mécaniquement le coût de production, des transports et des biens de consommation. C'est toute l'architecture macroéconomique de l'Afrique de l'Ouest qui vacillerait'', prévient un économiste ouest-africain.

Le Fonds monétaire international estime que pour chaque augmentation de 10 dollars du prix du baril, les pays importateurs nets d'hydrocarbures en Afrique pourraient perdre jusqu'à 0,5% de croissance annuelle. Et comme en 2022, lorsque la guerre en Ukraine a fait bondir les prix de l'énergie, les conséquences sociales seraient immédiates, en termes d'inflation alimentaire, de tensions budgétaires, de regain des subventions sur les carburants et de hausse du risque d'instabilité politique.

Pétrole cher, dette chère

Mais l'effet domino ne s'arrête pas là. Une envolée des prix du pétrole signifie aussi un resserrement monétaire global, les banques centrales des pays développés, notamment la Réserve fédérale américaine, réagiraient pour contenir l'inflation. Cela entraînerait un renchérissement du coût de la dette pour les économies émergentes, déjà fragilisées par un accès restreint aux marchés internationaux depuis la pandémie.

‘'Si Ormuz se ferme, ce ne sont pas seulement les tankers qui s'arrêtent, c'est toute la machine du financement international qui se grippe pour l'Afrique'', analyse Hippolyte Fofack, ancien économiste en chef d'Afreximbank.

Peut-on contourner Ormuz ?

Certains pays producteurs ont déjà mis en place des alternatives. L'Arabie saoudite dispose d'un oléoduc vers la mer Rouge, les Émirats arabes unis ont un pipeline vers Fujaïrah. Mais ni l'Irak, ni le Koweït, ni le Qatar ne peuvent se passer du détroit. L'Iran lui-même est pris à son propre piège, il dépend de ce passage pour exporter une grande partie de son brut.

En Afrique, le retour en grâce de certaines zones de production, comme le golfe de Guinée ou le bassin de Rovuma au Mozambique, pourrait à long terme offrir une certaine résilience régionale, mais pas dans l'immédiat.

La fermeture du détroit d'Ormuz ne serait pas seulement une provocation militaire ou un acte de désespoir géopolitique. Ce serait un risque systémique global dont les répercussions seraient brutales, en particulier pour les économies africaines les plus vulnérables à la volatilité énergétique. Pour les dirigeants du continent, ce scénario plaide en faveur d'une diversification énergétique urgente, d'une meilleure souveraineté énergétique régionale et d'une stratégie de couverture contre les chocs extérieurs.

Dr Ange Ponou

Publié le 24/06/25 09:26

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