Face à des besoins de financement annuels dépassant les 130 milliards de dollars et à un déficit criant d'infrastructures, l'Afrique a décidé de prendre son destin financier en main. Réunis à Dakar les 25 et 26 septembre pour la première édition du Structured Finance Africa (SFA) Forum 2025, banquiers, régulateurs, assureurs et investisseurs ont appelé à une rupture avec les mécanismes de financement classiques pour bâtir une architecture financière souveraine.
L'événement, organisé par Invictus Capital & Finance, KF Titrisation et Development Finance Advisory (DFA), portait sur le thème central : "Innovations financières et transformation structurelle des économies africaines : Titrisation, finance durable et souveraineté".
L'urgence d'une ingénierie financière adaptée
Le forum a mis en lumière l'ampleur du défi continental. Selon Isaac Mbaye, directeur général d'Invictus Capital & Finance, le continent aurait besoin de 4 000 milliards de dollars par an pour atteindre ses objectifs de développement. Ce chiffre colossal est aggravé par un déficit de financement des infrastructures estimé entre 130 et 170 milliards de dollars par an.
Le ministre sénégalais des Finances et du Budget, Cheikh Diba, a insisté sur l'urgence de "concevoir de nouvelles approches" pour sortir de la dépendance. Un sentiment partagé par Badanam Patoki, président de l'Autorité des marchés financiers de l'UEMOA (AMF-UEMOA), qui a martelé que "les mécanismes classiques de financement sont à bout de souffle. L'Afrique doit inventer ses propres solutions."
La Titrisation et la Finance Verte comme leviers souverains
Face à ce constat, le financement structuré incluant la titrisation, les Partenariats Public-Privé (PPP) et la finance durable est apparu comme l'alternative stratégique incontournable. Ces instruments permettent de mutualiser les risques, d'allonger les maturités et de mobiliser l'épargne privée et locale.
Titrisation : Cet outil permet de transformer des actifs peu liquides (comme des créances futures ou des flux de revenus) en titres négociables, mobilisant ainsi du capital privé pour des projets à long terme. La réussite du Kenya en juillet 2024, avec une émission de titrisation de créances futures de 150 millions de dollars intégrant une dimension ESG, a été citée comme une preuve que "l'Afrique peut innover et séduire les investisseurs d'envergure".
Finance Durable : Le continent dispose d'un potentiel considérable en matière de financement vert. L'adoption d'une taxonomie et la première émission labellisée en Côte d'Ivoire en septembre 2023 marquent des avancées significatives dans ce domaine.
Mobiliser l'épargne locale : la clé de la souveraineté
Le potentiel de financement se trouve en grande partie sur le continent. L'AMF-UEMOA estime que l'Afrique dispose de près de 4 000 milliards de dollars dans des institutions comme les fonds de pension et les fonds souverains.
"L'Afrique doit trouver en elle-même les voies et moyens pour répondre à ses défis financiers et économiques." Cheikh Diba, Ministre des Finances et du Budget du Sénégal
La finance islamique régionale a d'ailleurs déjà permis de mobiliser plus de 1 400 milliards FCFA avant même l'adoption de son cadre réglementaire officiel en 2022, témoignant de l'appétit du marché local. Le forum a insisté sur la nécessité de renforcer les synergies entre les fintechs et la structuration financière pour mieux financer les PME et TPE, le véritable tissu économique africain.
Le Forum SFA 2025 s'est conclu sur une note d'engagement ferme : transformer l'ambition d'une souveraineté financière africaine en réalité concrète, en s'appuyant sur l'innovation, la transparence et un alignement des actions entre acteurs publics et privés.
Diao Mamadou Barry
La Rédaction
Publié le 26/09/25 16:07