UEMOA : L’ECO, une nouvelle monnaie sans la France et la CEDEAO

C'est une annonce historique qu'a faite ce 21 décembre le président ivoirien Alassane Ouattara à la faveur de la visite de son homologue français Emmanuel Macron à Abidjan. Si la question de l'Eco dont le lancement annoncé quelque mois auparavant en 2020 laissait perplexe, l'idée d'une rupture d'avec le trésor français via le rapatriement des fonds du compte d'opération dans la zone a surpris plus d'un, même si le président béninois Patrice Talon en avait fait cas il y a quelques semaines.

" (…) en ma qualité de président en exercice de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UEMOA et en vertu du mandat que mes pairs m'ont donné, je suis heureux d'annoncer, qu'en accord avec les autres Chefs d'État de l'UEMOA, nous avons décidé de faire une réforme du Franc CFA " a annoncé Alassane Ouattara.

Une réforme qui intégrera trois changements majeurs à savoir " le changement du nom de la monnaie, de Franc CFA à ECO, l'arrêt de la centralisation de 50% de nos réserves de changes au Trésor Français et la fermeture du compte d'opérations " ainsi que " le retrait des représentants de la France de tous les organes de décision et de gestion de l'UEMOA " a expliqué Alassane Ouattara !

Cette déclaration vient montrer une volonté commune des deux parties (France et UEMOA) d'avancer sur un sujet qui suscitait la polémique dans les opinions africaines. Un pas important est ainsi officiellement franchi dans le sens de la gestion autonome du Franc CFA par les Etats concernés, sans ingérence extérieure du moins sur le plan théorique.

Cette orientation peut être considérée comme une satisfaction à minima pour les frondeurs anti Franc CFA, même si leurs attentes vont bien au-delà.

La parité fixe maintenue avec l'Euro

Mais dans le même temps, le cordon du Franc CFA avec l'Euro restera intact du moins " dans cette étape de la réforme " d'après l'expression du chef de l'exécutif ivoirien.  " (…) les Chefs d'Etat de l'UEMOA ont également décidé de maintenir la parité fixe de notre monnaie avec l'Euro et convenu du maintien de la garantie de convertibilité " a ainsi précisé Alassane Ouattara. Une option qui prend en compte " notre volonté de construire notre futur, de manière responsable, afin d'attirer les investissements privés, de créer des emplois et de poursuivre le développement économique de nos pays ".

Ainsi, dans le fond, l'Eco sera un Franc CFA bis mais géré de manière plus autonome par les Etats de la région. Il s'agit bien là d'une étape intermédiaire qui laisse entrevoir la perspective de la mise en place d'un ECO dans une version commune aux Etats de la CEDEAO.

L'ECO oui, mais sans le Ghana et le Nigéria pour le moment

La question de la monnaie unique a été au centre d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO qui s'est également tenue ce 21 décembre. Faisant le point de la situation, le président nigérien Mahamadou Issoufou a relevé que la plupart des 14 Etats de la région ne respectent pas encore les critères de convergence économique, le préalable à la monnaie unique rassemblant l'ensemble des pays.

Ce dernier a en effet fait remarquer que seul 7 pays respectaient l'ensemble des quatre critères de premier rang et 6 pays sont à jour sur trois des quatre derniers critères. Un constat qui vient conforter l'idée d'une mise en œuvre progressive de l'ECO, à mesure que les Etats se conformeront aux exigences minimales, ce qui voudra dire que les deux principales économies de la région, le Nigéria et le Ghana, attendront de remplir les conditions requises.

Quid de la CEMAC ?

Si des avancées sont notées dans la zone UEMOA, qu'en est-il de la CEMAC, l'autre zone monétaire du Franc CFA ? Moins dynamique sur le plan économique que sa consœur d'Afrique de l'ouest, la CEMAC avait jusque-là bénéficié d'une sorte de " couverture " de cette dernière qui lui avait évité une dévaluation il y a quelques années selon certains spécialistes.

Aussi, avec des Etats relativement plus fragiles sur le plan économique, la question reste de savoir si la CEMAC revendiquera elle aussi de prendre ses distances avec le trésor français ou de continuer sa coopération monétaire avec la France.

Jean Mermoz Konandi

Publié le 22/12/19 13:43