La dégradation, le 4 juin 2025, de la notation de la Banque africaine d'import-export (Afreximbank) par Fitch Ratings de BBB à BBB avec perspective négative a fait l'effet d'une onde de choc dans les milieux financiers africains. L'institution panafricaine, au cœur du financement du commerce sur le continent, voit sa réputation entachée par une évaluation que l'Union africaine, par le biais du MAEP, qualifie d'''erronée'' et ''juridiquement infondée''.
Fitch invoque une détérioration du portefeuille de prêts, avec un ratio de prêts non performants (NPLs) qu'elle évalue à 7,1 %, bien au-dessus du seuil de 6 % associé à un niveau de risque '' élevé''. Ce chiffre, selon l'agence, justifie une révision à la baisse de la qualité de gestion des risques de la banque, désormais classée comme ''faible''.
Le cœur du désaccord : la méthodologie Fitch vs. les réalités africaines
Mais pour Afreximbank comme pour le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP), la grille d'analyse de Fitch ignore les spécificités juridiques et institutionnelles qui encadrent les relations financières entre la Banque et ses États membres.
Au centre de la controverse : la classification de créances sur le Ghana (2,4 %), le Soudan du Sud (2,1 %) et la Zambie (0,2 %) comme étant en défaut. Or, fait valoir le MAEP, aucun de ces pays n'a officiellement manqué à ses obligations vis-à-vis d'Afreximbank, ni même exprimé une volonté de répudier sa dette. En vertu du traité constitutif de la Banque un accord intergouvernemental juridiquement contraignant les relations sont fondées sur un engagement mutuel entre actionnaires, ce qui exclut une lecture purement commerciale du risque de crédit.
La Banque souligne d'ailleurs que son propre ratio de NPLs, calculé selon les normes IFRS 9, s'élève à seulement 2,3 %, et que les provisions constituées sont jugées suffisantes pour atténuer tout choc éventuel.
Une notation aux conséquences politiques et stratégiques
La perspective ''négative'' attribuée par Fitch ajoute une couche d'inquiétude. L'agence estime que certains prêts souverains pourraient être restructurés dans le cadre de processus plus larges, ce qui, selon elle, réduirait la ''pertinence stratégique'' d'Afreximbank. Une hypothèse catégoriquement rejetée par l'institution basée au Caire : elle ne participe à aucune négociation de restructuration, ce qui serait, selon ses termes, ''incompatible avec son traité constitutif''.
Cette remise en question par Fitch a également réactivé un débat plus large et plus politique : celui de la représentation déséquilibrée des réalités africaines dans les notations financières internationales, accusées de véhiculer des biais structurels.
Vers une agence panafricaine de notation ?
La controverse tombe à point nommé pour relancer le projet d'une agence de notation panafricaine, porté de longue date par l'Union africaine. Le MAEP insiste sur l'urgence de disposer d'outils d'évaluation plus sensibles au contexte africain, capables de distinguer les risques réels des perceptions exogènes.
Dans un monde où la note conditionne l'accès aux marchés internationaux et les coûts de financement, la fiabilité mais surtout la légitimité des agences de notation devient un enjeu de souveraineté économique.
Une institution solide, malgré les turbulences
Il reste que, même selon Fitch, Afreximbank demeure bien capitalisée, avec une structure de garantie robuste, une liquidité notée 'a' et des mécanismes de couverture de risques solides. Des éléments que l'agence elle-même qualifie de facteurs de résilience.
Mais cette reconnaissance ne suffit pas à faire oublier le désaccord de fond : comment évaluer, à leur juste mesure, les institutions financières africaines, sans leur imposer des modèles inadaptés ?
En somme : derrière une décision technique, c'est un débat de fond sur l'équité et la gouvernance mondiale du crédit qui ressurgit et que l'Afrique semble plus déterminée que jamais à porter sur la scène internationale.
La Rédaction
Publié le 10/06/25 10:03
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