Au Cameroun, le casse-tête des véhicules d’occasion

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Financer l'achat d'un véhicule à usage personnel au Cameroun est un réel défi pour les ménages dans un pays où le taux d'accès au crédit bancaire reste relativement faible. Une situation qui fait émerger l'industrie de la seconde main, de moins en moins fiable.

Ce 17 août au siège de Vichi Technologies au quartier Odza à Yaoundé, Tchoungui Auréole (36 ans) est venu faire expertiser un véhicule qu'il souhaite acquérir en seconde main auprès d'un vendeur trouvé sur Internet. Le véhicule de marque Toyota semble en bon état, mais le trentenaire souhaite s'en assurer avant de prendre le risque de l'acheter. ‘‘Mon dernier véhicule, je l'ai acquis croyant faire une bonne affaire, mais j'ai eu beaucoup de soucis par la suite. J'essaye de faire attention maintenant'', lance-t-il, d'une voix monocorde, avant de se rapprocher plus près du mécanicien qui examine son bolide. 

Comme lui, beaucoup de Camerounais recourent à l'avis d'un spécialiste avant d'acquérir leurs véhicules de seconde main. Le marché de l'occasion a certes la cote, mais il est surtout le théâtre de nombreuses arnaques. ‘‘Nous vérifions plusieurs paramètres. Le moteur, la pompe, le système de freinage … ce sont des éléments à prendre en compte avant d'acquérir un véhicule d'occasion'', explique Vidal Delli, le patron de ce garage qui a bonne réputation dans la capitale politique camerounaise. ‘'Nous ne pouvons pas détecter 100% des problèmes d'un véhicule, mais on peut limiter la casse, car sur le marché de l'occasion, il y a tout et n'importe quoi'', tranche-t-il sentencieux. 

Un parc auto à renouveler

Le Cameroun ne dispose pas d'usines de fabrication de véhicules automobiles. Tous les véhicules en circulation sont donc importés. Les développements ergonomiques et démographiques ont conduit à l'accroissement du nombre de véhicules sur les routes du pays. Le parc automobile est passé de 210 000 en 2010 à 675 000 véhicules en 2014, selon un rapport des Nations unies réalisé en 2018. La même source indique que 80% des voitures importées dans le pays sont âgées de plus de dix ans par rapport à leur première mise en circulation et moins de 5% sont acquises neuves auprès de concessionnaires locaux.

Quoique plus accessibles pour les ménages moyens, les voitures d'occasion d'un certain âge arrivent avec de nombreuses défaillances. " Ces véhicules sont parfois dépourvus de kits de sécurité tels que les ceintures de sécurité et les airbags, et présentent des taux de pollution de l'environnement non-conformes aux normes européennes " pointe le rapport. 

Pour rendre les véhicules plus sûrs, le gouvernement camerounais, dans la loi de finances de 2017, encourage l'importation des véhicules de moins de 10 ans d'ancienneté avec un abattement de 30% et une exemption des droits d'accises, et pénalise par une fiscalité plus lourde l'importation des véhicules anciens. Mais pour Vidal Delli, il faut davantage de mesures dissuasives. ‘'C'est capital de limiter l'âge de certains véhicules à l'importation. Ça va renouveler le parc automobile, polluer moins et ça va aider les gens à stabiliser leurs économies''. Sur le marché intérieur, le spécialiste plaide pour une meilleure structuration du marché de l'occasion. " Une réglementation sur le marché de l'occasion est nécessaire pour protéger les consommateurs. Nos autorités peuvent mettre en place des bureaux de contrôle obligatoire ou prescrire des contrôles précis à des endroits spécifiques. Ça permettra de mieux organiser cette filière qui est en plein essor ".

Au-delà de la qualité, le casse-tête du financement

L'acquisition de véhicules personnels au Cameroun reste une affaire d'élite (fonctionnaires et commerçants) car, selon les Nations unies, il faut au moins l'équivalent de 5 000 euros pour posséder une voiture de 15 ans d'âge. Selon notre spécialiste, qui cumule plus de deux décennies d'expérience au Cameroun, il en faut un peu plus. " Pour acquérir un bon véhicule d'occasion, il faut tabler sur un budget allant de 7 millions à 10 millions FCFA (15 245 euros) ; en deçà, c'est possible, mais c'est à vos risques et périls ", prévient-il. La facture devrait être plus élevée pour les véhicules neufs, soit à partir de 21 343 euros.

Pour un pays où le SMIG mensuel tourne autour de 64 euros, acquérir un véhicule relève presque du luxe. Avec un taux d'accès au crédit bancaire encore faible, les ménages se lancent dans des mécanismes informels (tontines) pour financer l'achat de leurs véhicules. " Le problème est que ceux qui veulent passer par le circuit bancaire pour acheter ce bien n'ont pas de garantie. Nous finançons particulièrement l'achat des véhicules par les entreprises auprès des concessionnaires qu'il s'agisse du leasing ou de la location longue durée ", souffle un banquier. " Pour les particuliers, nous recommandons souvent de passer par leurs entreprises pour qu'elles se portent garantes mais avec le taux élevé d'informalité de notre économie, ce mécanisme est moins courant ".

Les ménages disposent donc d'options très limitées pour financer l'achat de leurs véhicules, un manque qui nécessite des solutions précises de l'ingénierie financière face à un marché de l'occasion en pleine croissance. Selon l'INS, le Cameroun a importé 60 000 véhicules en 2021 pour un coût total de 214 milliards FCFA. Ces importations proviennent essentiellement de l'Europe. Les marques les plus sollicitées sont les japonaises (Toyota, Nissan), les coréennes (Hyundai, KIA), françaises (Peugeot, Renault) et allemandes (Mercedes, Volkswagen).

Cédrick Jiongo 

La Rédaction

Publié le 20/11/24 12:11

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