Le Cameroun doit mobiliser près de 75 milliards FCFA (134,4 millions USD) pour régler des factures d'électricité émises par Nachtigal Hydro Power Company (NHPC), la société qui exploite le barrage de Nachtigal. L'information figure dans une annexe à la loi de finances 2026 consacrée à l'évolution des grands projets d'investissement.
À l'origine de cette contrainte financière se trouve un engagement contractuel pris par l'État camerounais dans le cadre d'un partenariat public-privé. Concrètement, depuis la mise en exploitation de Nachtigal le 18 mars 2025, Yaoundé s'est engagé à se substituer à Eneo, concessionnaire de la production et de la distribution d'électricité, si celui-ci se révélait incapable de payer l'énergie achetée à NHPC.
"En vue de réaliser le projet selon une approche PPP de type concessif, l'Etat s'est formellement engagé auprès de NHPC à se substituer au concessionnaire ENEO en cas d'incapacité de ce dernier à acheter l'énergie produite par le barrage de Nachtigal. A cet effet, l'Etat supporte ainsi le risque commercial " Take or Pay " (ce mécanisme repose sur une clause qui oblige l'acheteur à régler l'électricité mise à disposition, qu'elle soit effectivement consommée ou non, ndlr), du projet à travers un engagement financier mensuel initial de FCFA 10 Milliards (réhaussé à FCFA 15 Milliards) dans l'hypothèse où ENEO serait dans l'incapacité d'honorer le paiement des factures de son fournisseur NHPC", peut-on lire dans l'annexe.
D'après ce document, NHPC a déjà adressé à Eneo des factures cumulées de 64 milliards FCFA. Sur cette somme, l'opérateur n'a pu s'acquitter que de 12,5 milliards FCFA, laissant un solde de 51,5 milliards FCFA. Ce reliquat a été couvert par l'État camerounais via une lettre de crédit ouverte auprès de Société Générale Paris.
Mais cette ligne de garantie est désormais épuisée, ce qui prive l'État de son principal mécanisme de sécurisation des paiements au profit de NHPC. Les factures émises pour les mois d'août, septembre, octobre, novembre et décembre n'ont, elles, toujours pas été réglées par Eneo. Ce sont ces impayés qui génèrent le besoin financier de 75 milliards FCFA mentionné plus haut.
Face à cette situation, le ministère des Finances a engagé des discussions avec Société Générale Cameroun et plusieurs banques locales. L'objectif, tel que présenté dans l'annexe à la loi de finances 2026, est de mettre en place une nouvelle garantie financière pérenne afin d'assurer le paiement régulier des factures émises par NHPC, et d'éviter que ces engagements ne se traduisent par des à-coups budgétaires répétés.
Cette fragilité financière intervient alors même que Nachtigal est présenté comme un pilier de la stratégie énergétique du pays. Avec une capacité installée de 420 MW, le barrage est censé couvrir environ 30 % des besoins électriques nationaux. Le projet, porté par NHPC — une coentreprise réunissant EDF, la Société financière internationale (SFI) et l'État camerounais — représente un investissement total de 786 milliards de FCFA.
Dans les faits, toutefois, une partie significative de l'électricité produite ne peut pas être acheminée vers les zones de forte consommation. La ligne de transport de 225 kV reliant Nachtigal à Yaoundé est fonctionnelle, mais celle destinée à Douala, principal centre industriel du pays, n'est pas encore achevée.
Ce déséquilibre n'avait pas échappé aux institutions financières internationales. Dans son rapport de la septième revue du programme économique et financier, publié en juin 2025, le Fonds monétaire international avait explicitement mis en garde contre les risques budgétaires associés au dispositif de Nachtigal.
Le FMI soulignait que les charges liées au fonctionnement de la centrale étaient appelées à exercer de nouvelles pressions sur les finances publiques, rappelant qu'en cas de défaillance d'Eneo, l'État camerounais est juridiquement tenu d'assurer le paiement.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 19/12/25 12:24


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