Le Cameroun va débourser 46 milliards FCFA pour racheter des parts de la Société de développement de coton (Sodecoton) détenu par le français Geocoton. L'opération est formellement consignée dans le Document de programmation économique et budgétaire à moyen terme (2026-2028), transmis au Parlement en juillet 2025, dans le cadre du débat d'orientation budgétaire. Officiellement, il s'agit d'une opération visant à préserver un acteur clé de la filière cotonnière. Officieusement, la manœuvre porte une ambition bien plus poussée. Celle d'établir de fortes relations commerciales entre Geocoton – " futur actionnaire de Corsair " –et Camair-Co, et ainsi permettre la création d'une co-entreprise susceptible d'ouvrir à la compagnie camerounaise l'accès à la ligne Paris.
Cette motivation a été explicitée, par le ministre camerounais des Finances, Louis Paul Motaze, le 18 novembre devant les députés. " Le rachat des actions de Geocoton. Je ne sais pas si j'ai le droit de tout dire. Mais ce que vous devez savoir c'est qu'un actionnaire dans Sodecoton, qu'on appelle Geocoton, a décidé de partir. Il a proposé à l'État ses parts pour un rachat. Le Chef de l'État a marqué son accord. "
A en croire le ministre camerounais des Finances, le feu vert du président de la République répond à une logique beaucoup plus stratégique que la simple recomposition du capital de la Sodecoton. Toujours devant les parlementaires, Louis Paul Motaze a souligné que " dans l'idée du Chef de l'État, son accord a été donné parce que Geocoton a l'ambition de racheter des actions dans une compagnie aérienne qu'on appelle Corsair. Geocoton se disait qu'avec ces ressources, il peut rapidement réaliser l'opération "
Selon les explications du ministre, les discussions entre Geocoton, Corsair et Camair-Co étaient déjà avancées : " Geocoton a engagé des négociations avec Camair-Co pour devenir son partenaire. Cela devait entraîner comme conséquence que Camair-Co ait des vols sur Paris, sans avoir besoin d'investir dans l'achat ou la location des avions pouvant faire ces lignes".
L'arrangement envisagé repose sur un modèle de joint-venture. Corsair apporterait les appareils long-courrier et l'expertise opérationnelle, Camair-Co commercialiserait les vols sous son propre label. " Il était prévu une joint-venture entre Camair-Co et la compagnie Corsair qui pouvait faire des vols Douala-Yaoundé-Paris, sous le label Camair-Co. Camair-Co n'a pas d'investissements à faire, si ce n'est un investissement commercial… Les investissements sont supportés par Corsair. Mais Camair-Co vend des vols ", a révélé Louis Paul Motaze.
Dans ce schéma, la desserte de Paris – marché hautement stratégique dominé aujourd'hui par Air France – deviendrait enfin accessible à la compagnie camerounaise, dont les difficultés financières et opérationnelles se sont accumulées ces dernières années. " Comment se fait le partage des bénéfices, ça c'est autre chose, " glisse le ministre, indiquant que les détails restent à finaliser, mais que le potentiel de l'opération a convaincu la présidence.
L'opportunité semblait suffisamment viable pour justifiercson inscription dans la loi de finances rectificative adoptée au parlement. " Quand une opération comme ça arrive, le ministre n'a pas prévu cette dépense quand on fait le budget, mais la dépense est là : 46 milliards FCFA, il faut payer. "
Du côté français, Corsair a déjà manifesté un vif intérêt pour l'axe Douala–Paris. Des représentants de la compagnie figuraient dans la délégation de l'aviation civile française reçue à Yaoundé en mai dernier. Si les négociations aboutissent, Corsair deviendrait un concurrent frontal d'Air France, tout en offrant à Camair-Co une exposition internationale inédite.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 20/11/25 14:58


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