Goudet ABALÉ, spécialiste des actifs numériques : ''L’Afrique est bien devenue la nouvelle terre d'adoption des cryptomonnaies ...''

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Goudet ABALÉ, spécialiste des actifs numériques : 

L'Afrique est bien la nouvelle terre d'adoption des cryptomonnaies

Consultant en communication spécialisé sur le continent africain et les actifs numériques, Goudet ABALÉ est un bon connaisseur des monnaies numériques qui ont trouver en Afrique une improbable terre d'adoption. Dans la première partie cette interview, il explique pourquoi ces actifs enregistrent un tel essor sur le continent.

 

Pouvez-vous vous présenter et revenir sur votre parcours pour nos lecteurs ? 

Je m'appelle Goudet ABALÉ, consultant en communication franco-ivoirien spécialisé sur le continent africain et les actifs numériques. Je suis dans le secteur depuis 2017, à la suite d'un séjour d'un an à Séoul (Corée du Sud). Par la suite, j'ai rédigé deux mémoires de recherche sur la Blockchain et la géopolitique (250 pages, Sciences Po Lille) ; ainsi que sur son impact dans les transferts de fonds en Afrique de l'Ouest (80 pages, Johns Hopkins University). J'ai également été le collaborateur du député français Jean-Michel Mis qui fut le Co-rapporteur de la mission parlementaire sur les usages des chaînes de bloc (blockchains) et autres technologies de certification de registres. Ensemble, et aux côtés de l'entrepreneur Remy André Ozcan, nous avons cofondé la Fédération française des Professionnels de la Blockchain (FFPB). J'en suis le Trésorier et nous comptons des membres éminents de l'industrie française tels qu'Orange, EDF, Suez ou encore Iznes et Tessi. 

L'année 2021 a été marquée par un véritable essor des crypto-actifs sur le continent – pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

 

En effet, le continent africain figure aujourd'hui parmi les régions du monde les plus dynamiques en termes de volume de transactions en crypto-actifs. Par exemple, du 10 octobre au 10 novembre 2021, ce sont 78 millions de dollars qui ont été échangés entre les utilisateurs africains et avec l'extérieur. Par ailleurs, l'Afrique est la troisième région la plus rapide en matière d'adoption des crypto-actifs, avec une croissance de +1 200% en valeur reçue de juillet 2020 à juin 2021 d'après Chainanalysis.

Le continent africain figure aujourd'hui parmi les régions du monde les plus dynamiques en termes de volume de transactions en crypto-actifs. 

Dans le classement de cette plateforme d'analyse de données sur Blockchain, le Kenya arrivait même à la 5ème position mondiale, avec le score le plus élevé en matière de transactions de pair à pair. Premier pays africain en la matière, il est suivi de près par le Nigéria (1er pays au monde en termes de détenteurs de crypto-actifs selon l'étude 2021 Statista Global Consumer Survey), l'Afrique du Sud, le Ghana ou encore le Maroc. Vous noterez qu'il y'a encore peu de pays d'Afrique subsaharienne francophone... C'est, à mon sens, dommageable.

 

En effet et nous y reviendrons. Pour l'heure, comment expliqueriez-vous cet essor ?

Pour comprendre cet essor, il faut revenir aux fondamentaux de Bitcoin, historiquement la première cryptomonnaie fonctionnelle à voir le jour. En effet, dans une note fondatrice publiée en 2008, Satoshi Nakamoto – son créateur – souhaitait en faire un système de paiement purement pair-à-pair qui permettrait de réaliser des paiements en ligne directs d'une partie à l'autre, sans passer par une institution financière.

 

Pourtant, aujourd'hui, il est plutôt question de spéculation... 

Tout à fait, mais c'est plus nuancé justement. Ce que l'on constate, c'est que les économies occidentales (Europe et Amérique du Nord) furent les premières à s'emparer de cette technologie. Cependant, dans leurs mains, elle a rapidement perdu de vue sa visée initiale pour devenir un objet majoritairement spéculatif. Au contraire, en Afrique comme en Asie du Sud et du Sud-Est (deux régions en phase de développement et d'émergence), on observe que les crypto-actifs sont principalement utilisés pour renforcer l'autonomie économique et la souveraineté des individus par rapport à des organisations jugées illégitimes, inefficientes ou liberticides. Raison pour laquelle, toujours selon Chainanalysis, le continent africain est la première région au monde en matière de transactions pair-à-pair de bitcoins – avec 1,2% du volume de transactions en Afrique, et 2,6% du volume de transactions en bitcoins.

En Afrique comme en Asie du Sud et du Sud-Est, on observe que les crypto-actifs sont principalement utilisés pour renforcer l'autonomie économique et la souveraineté des individus par rapport à des organisations jugées illégitimes, inefficientes ou liberticides.

 

Comment cela se traduit-il dans les cas d'usages ? Dans votre introduction, vous mentionniez les transferts de fonds, c'est bien ça ?

En effet, les utilisateurs utilisent les crypto-actifs pour réduire les coûts de leurs envois de fonds – ce que l'on nomme familièrement le " mandat cash ". Il s'agit du média de financement du développement le plus utile et le plus " pur " car il provient du revenu de travailleurs migrants de l'étranger ou en zones urbaines et va directement dans la poche des populations en besoin – généralement en zones rurales. Ils sont donc d'une importance capitale pour les bénéficiaires.

Les crypto-actifs pour réduire les coûts de leurs envois de fonds – ce que l'on nomme familièrement le " mandat cash ".

Pour autant, les coûts qui sont appliqués aux transferts depuis et vers l'Afrique sont aux alentours de 10% en moyenne. Un coût largement prohibitif ! Au contraire, vous avez des plateformes comme Binance P2P, Stellar, Ripple qui œuvrent à proposer des coûts de l'ordre de 2-3% grâce à la Blockchain. S'il existe encore certaines barrières à la démocratisation de ces outils, on observe leur expansion progressive au sein des sociétés africaines.

 

Quel autre usage pouvons-nous citer ? 

Vous savez sans doute mieux que moi que l'inflation – qui a fait son grand retour dans les économies dites " développées " – s'inscrit, depuis des années, dans le quotidien de plusieurs de nos pays africains. Elle est frise généralement les 6-10%, voire plus selon que l'on réside au Ghana, au Nigéria, au Zimbabwe ou encore à Madagascar comme le rappelait l'entrepreneur Yann Kasay dans vos pages, en août dernier. Or, l'inflation réduit le pouvoir d'achat et rogne l'épargne des ménages lorsque les salaires n'augmentent pas proportionnellement. Dès lors, de nombreux ménages se sont orientés vers les crypto-actifs pour protéger leur épargne.

(...) de nombreux ménages se sont orientés vers les crypto-actifs pour protéger leur épargne.

 

Oui mais le bitcoin, ce sont des fluctuations de prix qui sont régulièrement décriées... 

Certes, les crypto-actifs affichent une volatilité qui a tendance à effrayer. Mais pour les utilisateurs africains, un placement en bitcoin est toujours plus rentable et moins incertain. 

Je vous donne un exemple récent, en 2021 la Banque centrale nigériane (BCN) a dévalué de 7,6% le naira par rapport au dollar américain, la monnaie de référence pour les exportations de pétrole (90% des recettes d'exportations du pays et 80% de ses sources devises étrangères). En guise de réponse, nous avons vu une véritable hausse des volumes de transactions issus du Nigéria ... – alors qu'en parallèle, le cours du bitcoin est passé d'environ 8 000€ (+5 000 000 XOF) à environ 31 000€ (+20 000 000 XOF) entre mai 2020 et mai 2021. +300% en un an ! 

D'autant plus qu'aujourd'hui, des stablecoins existent. Elles se nomment Tether, DAI, Trustoken ou encore Paxos et leurs cours est arrimé au dollar ou à l'euro, pour plus de stabilité.

Jean Mermoz Konandi

Publié le 01/04/22 20:06

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