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Tribune : Changeons le paradigme africain sur les cryptomonnaies pour une autonomie économique effective !

Par Yann Kasay, CEO & fondateur de la société malgache Jirogasy (Tech) et crypto-investisseur.*

À l'imparfaite connexion des économies africaines au système financier mondial et aux risques de dévaluation et d'illiquidité de certaines monnaies nationales, les cryptomonnaies offrent de nouvelles solutions en tant que réserves de valeur et instruments d'échange. De plus en plus plébiscitées par les consommateurs africains, elles sont encore perçues à tort comme dangereuses par les pouvoirs publics. Il est désormais crucial de faire évoluer ce paradigme.

En mai dernier, la banque centrale nigériane (BCN) a dévalué de 7,6% le naira par rapport au dollar américain. En parallèle, et pour faire face à la perte de valeur de leur monnaie nationale, de nombreux nigérians (30% de la population) se sont orientés vers le bitcoin en tant que réserve de valeur – mais également d'instrument de transfert. Au point où la BCN a interdit aux banques opérant au Nigérian de traiter avec les plateformes " exchanges " proposant des crypto-actifs et a fait clôturer les comptes utilisés pour acheter des crypto-actifs.

(...) pour faire face à la perte de valeur de leur monnaie nationale, de nombreux nigérians (30% de la population) se sont orientés vers le bitcoin en tant que réserve de valeur – mais également d'instrument de transfert.

Si cette situation illustre l'utilité des cryptomonnaies pour les agents économiques africains dans un contexte d'instabilité monétaire, elle symbolise également la relation conflictuelle qu'entretiennent les pouvoirs publics africains avec ces nouvelles technologies – notamment en Afrique francophone. Comme l'indiquaient déjà en 2018 les avocats au barreau de Paris Fortuné B. Ahoulouma et Fabien Lawson dans les pages de la Tribune Afrique, la plupart des États d'Afrique francophone ont interdit l'usage des crypto-monnaies ou entretiennent un flou juridique concernant leur légalité.

En ce sens, la posture de ces derniers – effrayés par la volatilité de certaines d'entre elles, dont le bitcoin – contraste avec celle d'une part croissante de leurs administrés qui voient dans les cryptomonnaies un outil d'autonomisation économique. Car s'il est difficile pour les populations d'Europe ou des États-Unis d'envisager une dévaluation annuelle de leur patrimoine de 6% ou plus, c'est malheureusement une réalité pour les habitants du Ghana, Nigeria, Zimbabwe ou encore de Madagascar. En comparaison, et sans nier le risque associé à une telle volatilité, les cryptomonnaies représentent une véritable opportunité de placement pour les épargnants africains. Par exemple, entre juin 2020 et 2021, le cours du bitcoin est passé de $9,000 à $34,000. En 10 ans le bitcoin n'a jamais cessé de prendre en valeur.

(....) s'il est difficile pour les populations d'Europe ou des États-Unis d'envisager une dévaluation annuelle de leur patrimoine de 6% ou plus, c'est malheureusement une réalité pour les habitants du Ghana, Nigeria, Zimbabwe ou encore de Madagascar ...

À l'heure où les cryptomonnaies s'imposent au Nord comme au Sud, avec l'entrée en bourse de plateformes d'échange comme Coinbase, l'envolée des capitalisations boursières des principales cryptomonnaies telles Ethereum et Bitcoin ou encore le déploiement de monnaies digitales de banques centrales (CBDC) en Chine, dans la zone Euro ou encore en Iran, qu'attendons-nous pour prendre les mesures qui feront de l'Afrique le continent le plus avancé dans ce secteur ?

(...) les cryptomonnaies représentent une véritable opportunité de placement pour les épargnants africains.

L'exemple récent du Salvador est parlant puisque le 18 juin 2021, le Parlement salvadorien a voté à une large majorité l'adoption du bitcoin comme devise officielle du pays – avec une feuille de route sur trois mois pour une intégration complète dans l'économie. Parmi les raisons invoquées : la lutte contre l'inflation, l'imparfaite bancarisation du pays, la volonté d'attirer plus d'investissements directs étrangers et de créer de nouvelles activités économiques en lien avec les cryptoactifs. Par cette invitation, le Salvador vise à devenir une terre d'accueil pour un secteur Blockchain (1400 milliards de dollars à l'international) encore en manque de légitimité malgré son fort potentiel.

(...) le Salvador vise à devenir une terre d'accueil pour un secteur Blockchain (1400 milliards de dollars à l'international) encore en manque de légitimité malgré son fort potentiel.

Pourquoi les États africains ne suivraient pas cette stratégie en capitalisant sur les opportunités générées par les décisions stratégiques de leurs homologues asiatiques, américains ou européens ? Par exemple, le ban de la République de Chine sur la plupart des activités liées aux cryptomonnaies, dont notamment le minage[1], devrait inciter les États africains à attirer une partie de l'industrie sur leur sol. Abondamment dotée en ressources hydrauliques ou solaires, la République Démocratique du Congo, le Maroc ou encore Madagascar pourraient, par exemple, contribuer à la production de bitcoins à un moindre coût énergétique via un minage alimenté en énergie durable.

Ainsi, un pays économiquement modeste comme Madagascar par exemple, qui dispose d'un produit intérieur brut (PIB) annuel de 15 milliards de dollars, aurait l'opportunité de doubler ce dernier en quelques années en figurant parmi les premiers pays à conférer au bitcoin un cours légal sur son territoire. Il suffirait pour cela de capter 1% du secteur, ce qui demeure relativement " aisé " alors qu'un seul pays s'est pour l'heure engagé sur cette voie.

 

* Yann Kasay est un entrepreneur franco-malgache, cofondateur et CEO de la startup Jirogasy qui édite une gamme de kits solaires et d'objets connectés entièrement conçus à Madagascar. La startup a notamment inventé le Jirodesk, un ordinateur doté d'une alimentation solaire autonome " made in Madagascar " garantissant non seulement l'accès à l'électricité mais aussi à l'informatique et internet.

Spécialiste des enjeux liés à l'innovation, l'accès à l'énergie, l'accès au digital et à l'éducation, Yann Kasay est diplômé de la Paris School of Business et de l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN). Ingénieur autodidacte, Yann Kasay a été sélectionné en 2019 parmi les 30 Young Leaders de la French African Foundation.

 

[1] Le minage désigne la validation d'une transaction réalisée en devise virtuelle en en cryptant les données et l'enregistrement de celle-ci dans la blockchain – en échange d'une compensation pécuniaire. L'action du minage a pour conséquence une création monétaire (par exemple : de nouveaux bitcoins).

Communiqué

Publié le 03/08/21 12:59

2 commentaires sur cet article. Participez à la discussion.
folly


03/08/21 14:05
A QUAND UNE RÉSOLUTION DÉFINITIVE SUR LA CRYPTOMONNAIE? QUELS SERONT LES REVERS POUR NOS ECONOMIES?
Fady Diabagate


03/08/21 15:21
Tribune intéressante mais en ce qui concerne le minage et la consommation électrique. Dans les états cités, est-ce que toute la population a accès à l’électricité si c'est le cas; c'est une bonne initiative

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