Habitat abordable : Le Cameroun face à la crise du logement

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Le déficit en logements estimé par les autorités à 2,5 millions d'unités a favorisé la prolifération de constructions anarchiques dans les grandes métropoles camerounaises avec de graves conséquences pour les populations. Sika Finance explore ces facteurs qui rendent difficile l'accès à un logement décent dans la première économie de la CEMAC.

Le 29 octobre 2019, le réveil était brutal pour les populations de la ville de Bafoussam, chef-lieu de la région de l'Ouest au Cameroun. La veille, aux alentours de 22h, les habitants du quartier Gouache ont été surpris par un glissement de terrain et une coulée de boue qui a emporté 11 maisons et enseveli leurs occupants. 43 personnes y ont trouvé la mort, selon les autorités, dont des femmes et des enfants.  Cette catastrophe naturelle qui s'est déroulée après de fortes pluies était plus que prévisible car la zone en question, située sur le flanc d'une colline avec en contrebas un marécage, était classée comme "zone à risque".  Comment comprendre donc que, conscients des risques, les populations aient quand même aménagé les lieux, sous le regard passif des autorités ?

Gouache n'est pourtant pas un cas isolé. Le 08 octobre 2023 au quartier Mbankolo à Yaoundé, la capitale politique du Cameroun, 30 personnes trouvent la mort dans un éboulement de terrain. Un peu plus tôt, en juillet 2023, l'effondrement d'un immeuble à Douala arrachait brutalement la vie à 34 Camerounais. Selon les autorités de la ville, cet immeuble n'avait pas de permis de construire.

L'accès au foncier en question

Tous ces drames sont, en effet, la conséquence d'une forte pénurie du logement. Selon le ministère de l'Habitat et du Développement Urbain (Mindhu), le déficit du logement au Cameroun est estimé à 2,5 millions d'unités en 2020 contre 1,5 million en 2015. Ce creusement qui traduit une augmentation plus rapide de la demande par rapport à l'offre est aussi corrélé à une urbanisation galopante et non maîtrisée. Dans ce contexte, les ménages pauvres sont presque contraints de s'installer partout où ils peuvent trouver de l'espace et souvent au péril de leur vie.

Cela est favorisé par les difficultés à accéder à un titre foncier. Dans un rapport intitulé " Le financement du logement au Cameroun - Vers un logement abordable pour tous ", la Banque mondiale estime qu'"obtenir un titre prouvant la propriété d'un bien ou d'un terrain reste une procédure longue et coûteuse au Cameroun". Les délais de réception des titres fonciers peuvent prendre plusieurs années tandis que les démarches d'obtention coûtent en moyenne près de 20 % du prix final du bien.

Du coup, plusieurs ménages construisent leurs logements sans même avoir obtenu ce document. Selon l'Institut national de la statistique (INS), la proportion des ménages camerounais en possession d'un titre foncier ou d'occupation reste faible. En 2014, seulement 13,6% des ménages propriétaires disposaient d'un titre foncier. Les projections pour l'année 2020 estiment un pourcentage de ménages propriétaires avec titre foncier de l'ordre de 25%.

 

Du côté des pouvoirs publics, on accuse de véritables lacunes en matière d'aménagement des terrains pour les projets de construction de logements. Ce rôle revient, en principe, à la Mission d'aménagement des terrains urbains et ruraux (MAETUR) qui malheureusement "manque de ressources financières et de capacités techniques". Résultat des courses, conclut l'institution basée à Washington, "les promoteurs immobiliers sont contraints de mobiliser leurs fonds propres afin d'aménager et de viabiliser les terrains face au manque d'investissement de la part de l'État".

Crédit au logement

Un autre facteur qui favoriserait le développement des constructions anarchiques dans les métropoles camerounaises, c'est le faible déploiement des promoteurs immobiliers. Ceux-ci sont astreints au respect de certaines règles liées à la construction d'un logement mais ne contribuent qu'à hauteur de 3% dans le parc national de logement selon la Banque mondiale. D'après le Rapport Urbain d'Habitat III pour le Cameroun, plus de 90% de la construction de l'habitat relèvent de l'autoproduction et sont assurés par le secteur informel et donc passibles de ne pas toujours respecter les règles de construction.

Toutefois, le plus difficile reste l'accès aux financements nécessaires pour construire un logement décent. D'abord, parce que le taux de bancarisation du pays reste encore très faible (33,1% en 2022), mais aussi parce que les taux d'intérêts hypothécaires sont jugés prohibitifs pour les ménages ayant accès aux services financiers. Selon les données du Comité national économique et financier (CNEF) du Cameroun, le coût moyen du crédit immobilier pour les particuliers était de 13,59% en 2021. Les banques commerciales s'aventurent très peu sur ce segment faute d'accès à des ressources à long terme.

De son côté, le Crédit foncier du Cameroun (CFC), l'instrument de soutien de la politique de l'habitat du Gouvernement, ne semble pas assez outillé pour répondre à toute la demande du secteur compte tenu des ressources limitées dont il dispose. En 2016, l'établissement n'a accordé que 9,6 milliards de FCFA (environ 14,5 millions d'euros) de prêts immobiliers. Cela pousse donc la plupart des Camerounais à utiliser des sommes modiques pour construire des logements indécents et dans des zones dangereuses.

Selon le Center for Affordable Housing in Africa (CAHF), moins de 5 % de la population camerounaise peut se permettre d'acquérir la maison la moins chère disponible sur le marché du logement formel en contractant un crédit hypothécaire.

La Rédaction

Publié le 10/09/24 11:20

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