La République démocratique du Congo (RDC) a décidé de prolonger de six mois l'interdiction du commerce des minéraux provenant de dizaines de sites miniers artisanaux situés dans l'Est du pays, une région dévastée par les conflits et devenue l'un des épicentres mondiaux du trafic de ressources stratégiques. L'annonce, faite par le ministère congolais en charge des Mines, vient renforcer les contraintes de conformité pesant sur les industries internationales dépendantes de l'étain, du tantale et du tungstène, trois métaux indispensables à l'électronique, à l'automobile et à l'aéronautique.
L'interdiction, initialement instaurée en février, a été reconduite en raison d'éléments attestant que des réseaux d'approvisionnement illégaux continuent d'alimenter les groupes armés opérant dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Selon l'arrêté signé le 3 novembre dernier, par le ministre des Mines, Louis Watum Kabamba, et rendu public quelques jours plus tard, 38 sites produisant du coltan, de la cassitérite et de la wolframite, précurseurs de l'étain, du tantale et du tungstène, sont directement concernés, rapporte Reuters.
Ces zones minières, situées notamment dans les territoires de Masisi et de Kaléhé, sont depuis longtemps sous l'influence de factions armées, dont les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, qui ont conquis d'importantes portions de territoire au cours de l'année écoulée. Leur offensive a provoqué des milliers de morts et de nouveaux déplacements massifs de population. Un rapport des Nations unies publié en décembre 2024 rappelait que les revenus tirés du trafic de minerais constituent une ressource essentielle pour financer les opérations militaires, alimenter une économie de guerre et prolonger un cycle de violences qui perdure depuis plus de deux décennies.
L'arrêté du ministère va au-delà d'une simple interdiction. Il prévoit la possibilité d'audits indépendants menés par des agences nationales ou internationales, dont l'ONU et l'OCDE, afin de renforcer la traçabilité et d'assainir des chaînes d'approvisionnement notoirement opaques. Cette démarche intervient alors que plusieurs partenaires internationaux et ONG dénoncent les failles persistantes dans les mécanismes de certification, souvent contournés par des réseaux clandestins qui transportent les minerais à travers les frontières régionales.
Impact sur les géants technologiques : Apple au cœur de nouvelles controverses
La prolongation de l'interdiction intervient dans un contexte où Kinshasa intensifie ses actions judiciaires contre des entreprises multinationales accusées de bénéficier indirectement de minerais issus de zones de conflit. En 2024, le gouvernement congolais a déposé des plaintes pénales en France et en Belgique contre des filiales d'Apple, les accusant d'avoir utilisé dans leurs chaînes d'approvisionnement des minéraux ‘'pillés'' dans l'Est du pays, en contradiction avec les obligations déclaratives de l'entreprise au titre de la loi américaine sur les minerais de conflit.
Apple a fermement rejeté ces accusations, affirmant avoir ordonné à ses fournisseurs de cesser tout achat en provenance du Congo et du Rwanda. Mais l'affaire met de nouveau en lumière la difficulté, pour les géants du numérique, de démontrer une traçabilité complète dans des chaînes d'approvisionnement où interviennent des intermédiaires multiples. Les tribunaux américains ont par ailleurs été saisis de plaintes visant Apple, Google, Tesla, Dell et Microsoft au sujet de leur dépendance présumée au cobalt congolais extrait dans des conditions abusives. Ces poursuites ont été rejetées, mais elles ont contribué à renforcer la pression internationale sur les pratiques d'approvisionnement de ces entreprises.
Narcisse Angan
Publié le 18/11/25 14:35


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