L'appréciation du franc congolais (CDF) face au dollar américain rebat les cartes de la politique économique en République démocratique du Congo. Portée par une coordination plus étroite entre la Banque centrale du Congo (BCC) et le gouvernement, la monnaie nationale a gagné environ 9% depuis la mi-septembre 2025, une évolution que les autorités veulent désormais inscrire dans la durée.
Réuni le 3 octobre, le Conseil des ministres a ouvertement salué ce mouvement de redressement du CDF, y voyant le fruit d'une politique monétaire plus disciplinée et d'une meilleure gestion budgétaire. Le président Félix Tshisekedi a félicité la BCC pour la stabilité retrouvée sur le marché des changes, tout en appelant à ‘'aller plus loin'' pour ancrer la confiance dans la monnaie nationale. Selon les données officielles, cette appréciation s'explique par la hausse de la demande de francs congolais liée au renforcement des réserves obligatoires des banques, le retrait temporaire de liquidités opéré par le Trésor au moment des échéances fiscales, et des interventions ciblées de la BCC sur le marché interbancaire par la vente de devises.
Dans la foulée de ce constat, la BCC a modifié de façon significative les paramètres de sa politique monétaire. Lors de la réunion de son Comité de politique monétaire (CPM) le 7 octobre, l'institution a abaissé son taux directeur de 25% à 17,5%, soit le coût auquel les banques commerciales se refinancent auprès d'elle. Le taux des facilités de prêt marginal — utilisé pour les besoins urgents de liquidité — passe, lui, de 30% à 21,5%. Il s'agit du plus fort assouplissement depuis 2021.
Cette orientation vise à rendre moins onéreux le crédit en monnaie nationale et à relancer la circulation du CDF dans un pays où plus de 90% des transactions demeurent libellées en dollars. La BCC justifie ce changement par une amélioration du cadre macroéconomique. L'inflation annuelle est passée de 15,1% en septembre 2024 à 7,8% un an plus tard, tandis que le franc congolais s'est apprécié de plus de 11% sur le marché officiel, autour de 2 548 CDF pour un dollar.
Au-delà des indicateurs, la démarche traduit une volonté politique : réhabiliter le franc congolais dans les échanges domestiques. Le dollar, massivement utilisé depuis des décennies, réduit la marge de manœuvre des autorités dans la gestion de la masse monétaire et expose le pays aux décisions de politique américaine, comme d'éventuelles restrictions sur les flux de billets verts. En incitant entreprises et ménages à recourir davantage à la monnaie locale, la BCC cherche à limiter cette dépendance et à renforcer la souveraineté financière du pays.
L'institution monétaire entend aussi ajuster progressivement le taux de conversion utilisé pour le calcul des réserves obligatoires sur les dépôts en devises, une mesure technique qui pourrait accroître la demande de francs congolais dans les bilans bancaires. Les coefficients de réserve, eux, restent inchangés : 12% pour les dépôts à vue et 0% pour les dépôts à terme en monnaie nationale.
Théoriquement, la baisse du taux directeur devrait stimuler le crédit en francs congolais et alléger le coût du financement pour les entreprises comme pour l'État. Le Trésor public pourrait ainsi refinancer ses emprunts à des conditions plus favorables, réduisant la charge d'intérêt sur la dette intérieure. Mais la transmission de cette politique vers l'économie réelle dépendra de la capacité du système bancaire à mobiliser des ressources en monnaie locale. Dans un secteur encore largement dollarisé, les effets d'un tel assouplissement pourraient rester limités à court terme.
Le président Tshisekedi a par ailleurs relevé l'existence d'écarts de taux de change entre différentes zones du pays, notamment à Kinshasa, où ces disparités alimentent la spéculation. Il a demandé à la BCC et au gouvernement d'harmoniser rapidement le fonctionnement du marché des changes et de contrer les pratiques d'arbitrage qui fragilisent le franc congolais.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 08/10/25 18:16