L'administration Trump a opéré ce mois de novembre 2025 un virage aussi inattendu que stratégique en supprimant les droits de douane imposés quelques mois plus tôt sur le cacao et plusieurs produits agricoles.
Derrière cet ajustement tarifaire, décidé rétroactivement au 13 novembre, se joue une recomposition des équilibres commerciaux entre les États Unis et les grands exportateurs africains, dans un contexte mondial de tensions inflationnistes et de fragilisation des chaînes d'approvisionnement.
Un revers assumé de la politique tarifaire américaine
Le décret signé le 14 novembre modifie les tarifs réciproques instaurés en avril, dont le taux de base de 10% pouvait grimper à 40 selon les pays ciblés. Présentée comme un instrument de réduction des déficits commerciaux, cette politique avait rapidement suscité un tollé chez les industriels américains. Les prix du chocolat et du café s'envolaient, alimentant une inflation déjà élevée, au moment même où les géants agroalimentaires alertaient sur l'alourdissement de leurs coûts. The Hershey Company anticipait 180 millions de dollars de charges additionnelles, tandis que Mondelez International réclamait un allègement immédiat.
Le cacao n'étant pas produit en quantités suffisantes aux États Unis, hormis une production marginale à Hawaï, il a été requalifié comme produit indisponible sur le marché domestique. Une liste élargie incluant café, thé, épices ou fruits tropicaux a également été exemptée, actant la nécessité de sécuriser l'approvisionnement alimentaire du pays. Cette décision traduit un infléchissement politique assumé, sans renier pour autant la rhétorique protectionniste de l'administration Trump.
Accra en première ligne d'une détente commerciale profitable
Le Ghana est l'un des principaux gagnants de ce revirement. Deuxième producteur mondial, le pays exporte chaque année près de 78 000 tonnes de fèves de cacao vers les États Unis. Avec un prix spot avoisinant 5 300 dollars la tonne, la levée des 15% de droits de douane représente une bouffée d'oxygène estimée à 60 millions de dollars pour les finances ghanéennes. Le ministre des Affaires étrangères, Samuel Okudzeto Ablakwa, a salué le 24 novembre dernier une évolution positive qui s'étend également au cacao semi transformé, aux noix de cajou et à plusieurs produits tropicaux.
Cette décision américaine est interprétée au Ghana comme un signal diplomatique, récompensant la coopération d'Accra sur les expulsions de migrants et son soutien au prolongement de l'African Growth and Opportunity Act. Elle renforce surtout la position du pays dans la bataille menée avec la Côte d'Ivoire pour garantir un revenu décent aux producteurs.
Abidjan bénéficie aussi de l'ouverture américaine
Premier producteur mondial, la Côte d'Ivoire devrait également tirer profit de la mesure, même si les estimations n'ont pas encore été quantifiées. Dans un contexte de récoltes perturbées par le changement climatique et de prix d'achat aux planteurs historiquement élevés pour la campagne 2025-2026, cette ouverture commerciale représente un soulagement pour les finances publiques. Elle consolide aussi l'influence des deux géants ouest-africains au sein des négociations internationales sur la rémunération des cacaoculteurs.
Le Brésil, frappé en juillet par des surtaxes allant jusqu'à 40% sur le cacao, le café et la viande bovine pour des raisons politiques, voit cette fois ses produits largement réhabilités sur le marché américain. La Colombie, exportatrice de cacao et de café, bénéficie également d'une baisse de ses tarifs, améliorant sa compétitivité. Plusieurs pays comme l'Équateur, le Guatemala, le Salvador ou l'Argentine profitent aussi de nouvelles exemptions obtenues dans le cadre d'accords bilatéraux.
Outre les producteurs africains et latino-américains, les consommateurs américains figurent parmi les grands gagnants du retrait tarifaire. Les prix du chocolat, qui avaient bondi de 40% en 2025, devraient se stabiliser grâce à la baisse des coûts d'importation. L'Association nationale des confiseurs et la Consumer Brands Association rappellent que 90% des ingrédients utilisés par l'industrie agroalimentaire américaine proviennent déjà de fournisseurs domestiques. La dépendance résiduelle vis à vis de produits tropicaux rendait ces surtaxes économiquement contre productives.
L'annonce américaine a entraîné un léger repli des prix du cacao et du café sur les marchés internationaux, où la demande pourrait repartir à la hausse. Toutefois, le cadre juridique demeure incertain. La Cour suprême examine la légalité du dispositif tarifaire au regard de l'International Emergency Economic Powers Act, tandis que l'administration Trump élabore des plans de contingence en cas de revers judiciaire.
La Rédaction
Publié le 26/11/25 22:00


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