Assemblées annuelles 2025 : Akinwumi Adesina quitte la présidence de la BAD sur un bilan élogieux

Sous les voûtes solennelles du Palais des congrès du Sofitel Hôtel Ivoire d'Abidjan, l'émotion était au rendez-vous. Ce 27 mai 2025, le président sortant du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), Dr Akinwumi A. Adesina, a prononcé son dernier discours à la tête de cette institution qu'il quitte avec un bilan qui force le respect. Ce moment symbolique a marqué l'ouverture officielle des assemblées annuelles 2025 de la BAD.

Un moment marqué par l'unanimité des hommages, à commencer par celui du président ivoirien Alassane Ouattara, qui a salué ‘'un engagement exceptionnel au service de l'Afrique'' et ‘'des performances guidées par les High 5, piliers d'un développement inclusif''.

Une décennie de chantiers, une Banque transformée

Adesina n'a pas seulement dirigé une institution : il en a redéfini la mission, la posture et la portée. En dix ans, la BAD a approuvé 102 milliards de dollars de financements – représentant 46% de tous ceux accordés par la banque depuis sa création en 1964.

Grâce à cette accélération 565 millions de personnes ont vu leur vie transformée ; 28 millions ont accédé à l'électricité ; 104 millions ont été sécurisées sur le plan alimentaire ; 128 millions ont bénéficié de soins de santé renforcés et ; 121 millions ont accédé à de meilleurs moyens de transport.

Une transformation que le président ivoirien a qualifiée de ‘'recentrage stratégique sur les leviers essentiels du développement inclusif'', saluant au passage ‘'la coopération exemplaire entre la BAD et la Côte d'Ivoire''.

La décennie Adesina a traversé des crises majeures : pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, inflation globale, changement climatique. Pourtant, la BAD n'a jamais reculé. Elle a été la première à émettre une obligation sociale de 3 milliards de dollars, mis en place un mécanisme d'urgence de 10 milliards de dollars, et lancé des programmes structurants pour la santé, l'industrie pharmaceutique et la sécurité alimentaire.

Alassane Ouattara, lucide sur le contexte global, l'a rappelé : ‘'Les fondements du multilatéralisme sont fragilisés. L'Afrique doit plus que jamais compter sur ses institutions les plus fortes''. C'est dans ce contexte que la BAD s'est révélée comme pivot stratégique continental.

De la sécurité alimentaire à la souveraineté productive

Akinwumi Adesina l'a martelé : ‘'Notre plan Nourrir l'Afrique a fonctionné !'' Face à la menace de pénurie alimentaire provoquée par la guerre russo-ukrainienne, la BAD a injecté 1,5 milliard de dollars pour soutenir la production vivrière. Résultats : 14 millions d'agriculteurs soutenus dans 30 pays ; 44 millions de tonnes de nourriture produites ; 17,3 milliards de dollars de valeur générée ; 116% de l'objectif initial dépassé.

A titre d'illustration, l'Éthiopie est devenue autosuffisante en blé. Une réussite saluée dans toute l'Afrique comme un modèle de souveraineté économique.

Avec la Mission 300, la BAD ambitionne de connecter 300 millions de personnes à l'électricité d'ici 2030, grâce à 55 milliards de dollars déjà mobilisés.

3,6 milliards d'euros accordés à la Côte d'Ivoire depuis 2015

En Côte d'Ivoire, les financements octroyés par l'institution panafricaine ont bondi de 157% en dix ans, passant de 2,3 milliards d'euros sur la période 1964-2014 à 3,6 milliards d'euros de 2015 à aujourd'hui et finançant des projets phares : ponts emblématiques, autoroutes modernes, infrastructures sportives. Il s'agit notamment du pont Henri Konan Bédié, le 4^e pont d'Abidjan long de 1 400 mètres reliant Yopougon à Adjamé à travers projet de transport urbain de la ville d'Abidjan (PTUA), ainsi que 88 km d'autoroutes et 89 intersections.

‘'La BAD reste un partenaire clé dans la transformation de notre pays'', a insisté le président Ouattara, tandis que la ministre Nialé Kaba, présidente du Conseil des gouverneurs, évoquait ‘'une fierté nationale d'accueillir une édition aussi stratégique dans le pays hôte du siège de notre Banque''.

Une Banque au sommet de sa crédibilité mondiale

Sous la gouvernance d'Adesina, la BAD a vu son capital tripler de 93 à 318 milliards de dollars, tout en conservant une notation AAA pendant 10 années consécutives. Ses innovations (titularisation synthétique, capital hybride de 750 millions de dollars) ont fait école.

Elle a été sacrée institution financière multilatérale la plus transparente du monde (Publish What You Fund) ; meilleure institution multilatérale de financement (Global Finance) et ; deuxième meilleur bailleur de fonds concessionnel mondial, derrière une seule organisation bilatérale de l'OCDE.

Adesina, un héritage plus grand qu'un mandat

La reconnaissance est unanime. Pour Nialé Kaba, ‘'le leadership du président Adesina a permis de hisser la Banque au rang d'acteur de premier plan sur la scène internationale''. Pour Alassane Ouattara, ‘'il s'agit maintenant de poursuivre et d'amplifier cette dynamique stratégique dans les années à venir''.

Au moment où s'ouvre l'élection du prochain président de la BAD, l'enjeu est clair : faire fructifier un héritage structurant, surtout dans un contexte où cette institution est devenue plus qu'une banque – un pilier géopolitique et stratégique du continent.

Le mandat d'Adesina aura également été marqué par la création de nouvelles institutions structurantes : Africa50 (portefeuille de 7 milliards de dollars), le Mécanisme africain de stabilité financière, Alliance pour les infrastructures vertes (AGIA), les banques d'investissement pour les jeunes entrepreneurs.

Il laisse derrière lui une Banque plus solide, plus visible, plus crédible. Son émotion, palpable en clôture de discours, résume l'intensité d'un mandat qu'il qualifie non de fonction, mais de mission.

‘'J'ai sincèrement donné à l'Afrique mon cœur, mon esprit et tout ce que j'avais. Je me suis battu pour ce que je croyais être l'intérêt supérieur de l'Afrique, chaque jour et à chaque tournant de mes dix années de présidence''.

Dr Ange Ponou

Publié le 28/05/25 01:22