Basile TCHAKOUNTE, Secrétaire Général du FAGACE :
L'intelligence artificielle n'est plus une option, c'est une urgence pour l'Afrique
Face à la révolution numérique en marche, l'Afrique cherche son modèle d'intégration technologique. Au Rebranding Africa Forum 2025, le FAGACE se positionne comme un acteur clé de cette transformation, en misant sur la garantie publique, le financement de l'innovation et l'intelligence artificielle pour stimuler la croissance et l'inclusion. Son Secrétaire Général, Basile TCHAKOUNTE, partage ici une vision lucide et ambitieuse d'une Afrique prête à “précéder” plutôt qu'à “suivre”.
Sur une échelle de 1 à 5, comment évalueriez-vous le rôle actuel du FAGACE dans la transformation numérique et l'adoption de technologies innovantes (IA, fintech, blockchain) au sein des pays membres ?
Depuis plusieurs décennies, il accompagne activement le développement des infrastructures technologiques à travers l'Afrique. À ce titre, il a contribué à l'installation et au déploiement de la fibre optique dans la plupart de ses Etats membres. Il a aussi contribué au financement de sociétés de télécommunications, des fournisseurs d'accès Internet, et des plateformes numériques dans plusieurs pays membres.
Le Fonds Africain de Garantie et de Coopération Économique (FAGACE) que j'ai l'honneur de représenter joue un rôle notable dans la transformation numérique de ses États membres.
Depuis plusieurs décennies, il accompagne activement le développement des infrastructures technologiques à travers l'Afrique. À ce titre, il a contribué à l'installation et au déploiement de la fibre optique dans la plupart de ses Etats membres. Il a aussi contribué au financement de sociétés de télécommunications, des fournisseurs d'accès Internet, et des plateformes numériques dans plusieurs pays membres.
De plus, le FAGACE travaille en collaboration avec des partenaires de renom comme la Banque mondiale pour appuyer l'innovation technologique, en particulier dans les secteurs fintech et numérique. Son partenariat étroit avec les incubateurs des centres de recherches et universités technologiques sur le continent, des acteurs de la télécommunication et des fournisseurs de solutions numériques vise notamment à promouvoir l'inclusion financière à travers le développement de crédits digitaux.
Il faut également souligner que le FAGACE s'intéresse de plus en plus aux technologies émergentes comme l'intelligence artificielle et la blockchain, et envisage des mécanismes pour les intégrer dans ses stratégies d'intervention à moyen terme.
Malgré ces efforts, il reste des marges de progression notamment dans la vulgarisation de ces technologies et l'accompagnement ciblé des start-ups technologiques. D'où une évaluation à 4 sur 5, reconnaissant les acquis tout en appelant à un engagement plus proactif dans les années à venir.
A l'ère de l'intelligence artificielle, quelles sont les priorités qui devraient, selon vous, guider le futur positionnement du FAGACE ?
C'est une question fondamentale qui m'amène à rentrer dans certains détails. Le FAGACE a initié plusieurs chantiers que je ne peux pas tous aborder ici, mais je voudrais en relever quelques-uns. L'institution entend ainsi renforcer l'accompagnement des start-ups et des PME technologiques en mettant en place des mécanismes de financement adaptés à leurs besoins spécifiques, un processus déjà amorcé en partenariat avec des institutions de haut niveau comme la Banque mondiale, la BADEA et bien d'autres.
Elle ambitionne également de nouer des partenariats stratégiques avec des centres de recherche et des entreprises spécialisées en intelligence artificielle, afin de favoriser la diffusion des compétences et technologies dans les pays membres, certaines entreprises de renommée internationale, notamment italiennes et marocaines, étant déjà en discussion avec elle. Le FAGACE œuvre par ailleurs à intégrer l'IA dans ses propres outils de gestion du risque et d'analyse financière, dans l'objectif de gagner en efficacité et en pertinence dans ses prises de décision ; un ERP englobant ces aspects a d'ailleurs été acquis et est en cours d'implémentation.
À travers l'Institut FAGACE, l'organisation souhaite aussi promouvoir une culture de l'innovation numérique dans ses États membres en organisant des forums, ateliers et programmes de formation autour de l'intelligence artificielle, de la blockchain et de la fintech. Enfin, elle entend agir comme catalyseur régional pour inciter les gouvernements et acteurs privés à adopter des politiques numériques ambitieuses, centrées sur la jeunesse, la formation et l'emploi.
Selon vous, quels freins majeurs limitent aujourd'hui la capacité des institutions financières africaines à intégrer l'IA dans leurs modèles économiques ?
Comparé aux autres continents, l'Afrique accuse depuis plusieurs décennies des retards importants dans de nombreux secteurs d'activité, une situation qui freine malheureusement l'intégration de l'intelligence artificielle dans son modèle économique.
Parmi les principaux défis à relever figurent le déficit d'information et de formation spécialisée, car peu de professionnels financiers africains disposent aujourd'hui des compétences nécessaires pour comprendre et appliquer ces technologies. À cela s'ajoute la lenteur du changement organisationnel, souvent entravée par une culture du risque limitée et des structures hiérarchiques rigides.
L'accès restreint à des données de qualité constitue un autre obstacle majeur, celles-ci représentant pourtant le véritable carburant de l'IA. L'absence d'un cadre réglementaire adapté limite également les initiatives de transformation numérique au sein des institutions financières. Enfin, le financement de l'innovation demeure encore timide, en particulier pour les projets à fort contenu technologique portés par de jeunes entreprises.
Comment le FAGACE pourrait-il renforcer son impact dans la dynamique du Rebranding Africa Forum (RAF) en particulier autour du thème de l'IA et du financement du développement ?
Le contexte actuel africain appelle à une synergie des atouts des différents acteurs. C'est dans cette perspective que le FAGACE envisage de signer un accord formel de partenariat avec le RAF, accord qui intégrera des objectifs concrets, des indicateurs de performance précis ainsi qu'une évaluation annuelle de son impact.
L'institution prévoit également de promouvoir activement le RAF auprès de ses partenaires financiers, en mettant en valeur les thématiques innovantes qui y sont débattues et en mobilisant des ressources destinées à soutenir les projets issus du Forum. Elle entend par ailleurs organiser ou parrainer des sessions spécifiquement dédiées à l'intelligence artificielle et au financement de l'innovation, afin d'affirmer son rôle de référence dans le domaine de la finance technologique en Afrique.
Le FAGACE se propose aussi d'accompagner la création d'un incubateur de projets numériques panafricain, en collaboration avec le RAF et d'autres institutions financières, pour encourager l'émergence de solutions locales face aux défis du développement. Enfin, il mettra à disposition ses outils d'analyse et d'intervention pour identifier et financer des projets structurants dans le champ de l'intelligence artificielle.
Enfin, si vous deviez formuler un message fort à l'adresse des décideurs africains présents au Forum, quel serait-il ?
Je dirai juste que “le monde d'avant l'intelligence artificielle est révolu et ne reviendra pas. Il est urgent de nous réveiller et de saisir les opportunités qu'offre cette révolution technologique. Investissons dans la jeunesse, pour que sa formation et ses connaissances soient en phase avec les réalités du monde d'aujourd'hui. L'Afrique ne peut plus se contenter de suivre : elle doit maintenant précéder.''
Dr Ange Ponou
Publié le 09/10/25 19:10