Cameroun : A 92 ans, Paul Biya candidat, sur fond de défiance des agences de notation

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Paul Biya, président du Cameroun depuis 1982, a officialisé sa candidature à l'élection présidentielle prévue pour le 12 octobre 2025, selon le décret convoquant le corps électoral signé en début de week-end. À 92 ans, cette nouvelle candidature va certainement relancer les inquiétudes des agences de notation financière, qui pointent depuis plusieurs mois le risque d'instabilité lié à l'absence de plan de succession clair.

Dans son rapport sur la dette souveraine camerounaise publié le 15 novembre 2024, Fitch Ratings estimait que " l'instabilité politique [sera] un facteur majeur qui influencera sa note souveraine ". L'agence américaine précisait : " L'âge du Président Paul Biya (92 ans), sa longévité au pouvoir (depuis 1982) et l'absence d'un plan de succession [...] exacerbent le risque d'une transition désordonnée du pouvoir ". C'est en partie ce même risque qui a justifié le maintien de la note du Cameroun à B, assortie d'une perspective négative.

Quelques mois plus tard, le 9 mai 2025, Fitch confirmait cette note tout en réitérant ses préoccupations. Elle évoquait à nouveau " des tensions politiques grandissantes à l'approche des élections ", une " gouvernance budgétaire encore fragile ", et " des déficiences dans la gestion des finances publiques ".

La question de la transition politique était déjà au cœur des inquiétudes des créanciers l'année dernière. Pour Moody's, qui a publié son dernier avis en février 2024, " les risques de déstabilisation politique suite à l'absence d'un plan crédible de succession présidentielle " justifient le maintien du Cameroun à la note Caa, malgré des indicateurs macroéconomiques jugés stables à moyen terme. L'agence américaine ajoutait : " Une transition chaotique pourrait mener à des retards de paiements de la dette ".

Même constat chez Standard & Poor's, dans une note du 21 mars 2025, qui a confirmé la notation B-/B du Cameroun avec une perspective stable mais fragile. Dans cette analyse, l'agence soulignait : " Le Cameroun est dirigé depuis 1982 par le président Paul Biya, qui, à 92 ans, devrait se présenter pour un huitième mandat à l'élection présidentielle d'octobre 2025 ". Elle avertissait que le cadre institutionnel centralisé et l'inexpérience du pays en matière de transition politique " accroît l'incertitude ".

Des signaux d'alerte confortés par le comportement des obligations souveraines du Cameroun sur les marchés financiers. Début octobre 2024, la rumeur d'un décès du président, démentie par les autorités, a provoqué une chute des obligations souveraines camerounaises en dollars. Selon Bloomberg, ces titres ont enregistré leur troisième journée consécutive de baisse le 10 octobre 2025, en raison " de l'incertitude concernant la santé du président Biya ". Le média américain expliquait : " Ce mouvement de marché est symptomatique de la crainte des investisseurs face à l'éventualité d'une instabilité politique dans un pays où le pouvoir est extrêmement centralisé depuis plus de 40 ans ".

Interrogés par Bloomberg, plusieurs gestionnaires de portefeuille ont exprimé leurs inquiétudes. Thys Louw, de Ninety One UK Ltd, estimait que " le président Biya a concentré beaucoup de pouvoir autour de lui, et une crise de succession pourrait provoquer une grande volatilité sur les marchés ". De son côté, Sam Singh-Jami, stratège Afrique chez Rand Merchant Bank, ajoutait : " L'incertitude politique pourrait remettre en question la capacité du pays à maintenir sa politique budgétaire et à respecter ses engagements envers ses créanciers internationaux ".

Malgré ces tensions, les fondamentaux économiques restent relativement solides. Dans son rapport du 9 mai 2025, Fitch projette une croissance du PIB de 4 % en 2025 et 4,1 % en 2026, portée par l'agriculture, la construction et les infrastructures. Le ratio dette/PIB devrait reculer de 41,7 % en 2024 à 40 % en 2026, et le solde budgétaire rester excédentaire. Mais l'agence prévient : sans réforme en profondeur du cadre de gestion budgétaire, notamment sur la transparence et le paiement de la dette intérieure (342 milliards de FCFA d'arriérés fin 2024), les vulnérabilités resteront fortes.

A l'approche du scrutin, les agences de notation resteront attentives. Leur évaluation de la stabilité politique pèsera sur le coût de financement du Cameroun sur les marchés. Pour l'instant, tous les regards restent tournés vers la capacité du pays à organiser une transition ordonnée dans un contexte de centralisation extrême du pouvoir.

Perton Biyiha

La Rédaction

Publié le 15/07/25 17:01

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