Dans son bulletin économique et statistiques N°025 de juin 2025, publié le 10 septembre 2025, la Banque des États de l'Afrique centrale (BEAC) appelle à une refonte du cadre fiscal et parafiscal appliqué à l'exportation du cacao camerounais, arguant qu'il rogne excessivement les marges des opérateurs et crée des tensions de trésorerie, malgré des revenus records pour les planteurs.
Le rapport de la banque centrale, consulté par Sika Finance, souligne que la fiscalité actuelle, dans un contexte de hausse des prix d'achat aux planteurs, pèse sur la compétitivité des exportateurs. Selon la BEAC, chaque exportateur paie par kg de cacao exporté 225 F CFA de redevance, auxquels s'ajoutent 200 FCFA de droits de sortie et une avance sur l'Impôt sur les sociétés (IS) prélevée à 2,2% du chiffre d'affaires.
La BEAC estime que ce dernier point, " comme dans tous les autres secteurs formels de l'économie, apparaît très exagéré au vu de la faiblesse des marges des exportateurs ". Sa recommandation centrale est de " revoir la fiscalisation de la filière, en particulier la fixation de l'avance sur IS, pour prendre en compte le taux de marge des opérateurs et leur permettre d'avoir moins de tensions de trésorerie ".
Cette analyse contraste avec la situation financière exceptionnelle des planteurs lors de la campagne 2024-2025. Comme l'a annoncé le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, à la veille du lancement de la campagne 2025-2026 le 7 août 2025, les producteurs ont engrangé un revenu record de 1 200 milliards FCFA. La production commercialisée a, pour la première fois, franchi la barre des 300 000 tonnes, atteignant 309 518 tonnes, soit une hausse de 13% par rapport à la campagne précédente.
Les prix payés aux planteurs se sont situés dans une fourchette de 3 210 à 5 400 FCFA le kilogramme, confirmant leur statut parmi les mieux rémunérés au monde, une situation permise par la libéralisation de la filière depuis 1994 et la récente flambée des cours mondiaux.
La BEAC note que la redevance à l'exportation a été rehaussée par l'arrêté ministériel du 13 janvier 2025, passant de 150 FCFA à 225 FCFA par kilogramme. Ce dispositif vise à renforcer les mécanismes de financement de la filière. Les fonds sont redistribués selon une clé précise : 41 FCFA/kg pour l'Office national du cacao et du café, 32 FCFA/kg pour le conseil international du cacao et du café, 15 FCFA/kg pour la Société de développement du cacao, 2,5 FCFA/kg pour la Chambre d'agriculture, 126,5 FCFA/kg pour le FODECC, 3 FCFA/kg pour le SOWEDA, et 5 FCFA/kg pour la Douane.
Au-delà de la question fiscale, la BEAC formule une série de recommandations aux pouvoirs publics dans son bulletin de juin 2025. Elle préconise d'améliorer les infrastructures routières desservant les bassins de production, d'accroître les rendements via le renouvellement des vergers, et d'améliorer la couverture téléphonique pour assurer le bon fonctionnement du système de traçabilité.
La banque centrale appelle également à intensifier la lutte contre le détournement frauduleux d'une partie de la production vers le Nigeria et à réduire les tracasseries administratives subies par les acteurs. Enfin, la BEAC estime que, compte tenu de son poids, la filière cacao " devrait bénéficier d'un suivi et d'un accompagnement particuliers de la banque centrale ", suggérant que sa stratégie de surveillance des changes intègre une logique de soutien plus active aux secteurs exportateurs.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 12/09/25 16:42