CEMAC : Les entreprises boudent l’appui financier proposé pour entrer à la BVMAC

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La Banque des États de l'Afrique centrale (BEAC) et la Banque africaine de développement (BAD) veulent donner un nouvel élan à la Bourse des valeurs mobilières de l'Afrique centrale (BVMAC). Les deux institutions ont mobilisé une enveloppe de 223 780 dollars américains, soit près de 143 millions de francs CFA, pour soutenir les entreprises désireuses de s'introduire en bourse. Mais, selon un communiqué publié ce 14 octobre 2025 , l'appel à manifestation d'intérêt lancé le 2 juillet 2025 s'est soldé par un échec.

" L'avis à manifestation d'intérêt (…) est déclaré infructueux en raison d'un nombre insuffisant de manifestations d'intérêt ", indique le document signé par la coordonnatrice du projet.

Ce revers intervient dans le cadre du Projet d'appui au marché financier unifié d'Afrique centrale (PAMFUAC), mis en œuvre par l'Unité de gestion des réformes des institutions financières de la CEMAC (UGRIF). L'initiative, soutenue par le Fonds d'aide au secteur privé africain (FAPA), un instrument géré par la BAD, visait à financer une partie des coûts d'introduction en bourse pour quatre entreprises régionales. Les frais concernés incluaient les commissions dues aux régulateurs (COSUMAF et BVMAC), les honoraires juridiques et financiers, ainsi que la rémunération des commissaires aux comptes.

Les promoteurs du programme espéraient ainsi lever l'un des principaux obstacles à la cotation en bourse : le coût initial, souvent jugé prohibitif par les entreprises de la sous-région. Pour bénéficier du financement, les sociétés candidates devaient soumettre leur dossier à l'approbation conjointe de la BEAC, de la BAD, de la COSUMAF et de la BVMAC. Mais, trois mois après le lancement, le quota d'entreprises attendu n'a visiblement pas été atteint.

Les entreprises attendues depuis 2019

Depuis l'unification du marché financier régional en 2019, les six États membres de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) — Cameroun, Gabon, Congo, Tchad, Guinée équatoriale et Centrafrique — avaient pris l'engagement d'ouvrir le capital d'entreprises publiques à la BVMAC. Or, seules deux sociétés, la Société commerciale gabonaise de réassurance (SCG-Ré) et la banque équato-guinéenne Bange Bank, ont franchi le pas en six ans.

Selon les données consolidées par les régulateurs, 17 entreprises publiques avaient pourtant été identifiées dans cinq pays (hors Tchad) pour une éventuelle cotation. Mais la plupart demeurent à l'état de projet. Le directeur général de la BVMAC, Louis Banga Ntolo, expliquait dans un entretien publié en janvier 2024 sur Sikafinance que cette inertie traduisait " la réticence de nombreux dirigeants à soumettre leur gouvernance à l'évaluation publique ", et celle " des autorités nationales à imposer la discipline qu'elles ont elles-mêmes décidée ".

Voir aussi - Louis Banga Ntolo, Directeur Général de la BVMAC : "La BVMAC veut s'inspirer du modèle de la BRVM"

Au Cameroun, cette lecture est nuancée. Les autorités mettent en avant la nécessité de restructurer les entreprises ciblées avant toute ouverture de capital. Des entités comme Aéroports du Cameroun, Sodecoton, le Port autonome de Douala ou encore Cameroon Hotels Corporation font ainsi l'objet d'un accompagnement technique de l'Agence française de développement (AFD).

" L'objectif est de moderniser la gouvernance et le fonctionnement de ces entreprises afin d'assurer une introduction en bourse crédible et durable ", expliquent les équipes de l'AFD, citées dans les documents de projet.

L'approche vise à rendre ces sociétés plus attractives pour les investisseurs institutionnels, souvent méfiants face à l'opacité des entreprises publiques africaines. Mais elle contribue aussi à repousser dans le temps la concrétisation des cotations promises depuis 2019.

La domination du marché des titres publics dans la région peut aussi être considéré comme un obstacle. Géré par la BEAC, ce marché attire la majorité des flux financiers disponibles, tant du côté des investisseurs institutionnels que des États. Plus souple et perçu comme moins risqué, il a connu une croissance spectaculaire ces dernières années.
Fin mars 2025, l'encours total des titres émis par les États de la CEMAC atteignait près de 8 500 milliards de francs CFA, contre moins de 5 000 milliards cinq ans plus tôt.

" Les Trésors nationaux privilégient les émissions de bons et d'obligations publiques, au détriment des mécanismes de financement privé ", note un rapport technique de la BEAC publié au premier trimestre 2025.

Cette orientation freine la montée en puissance du marché boursier régional, pourtant censé canaliser l'épargne locale vers le financement productif.


Perton Biyiha

La Rédaction

Publié le 15/10/25 17:50

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