Commerce africain : Afreximbank a déployé 17,5 milliards USD en 2024, face à un déficit de 100 milliards

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Alors que les chocs géopolitiques fragmentent l'ordre commercial mondial, l'Afrique est appelée à choisir entre rester spectatrice ou saisir l'opportunité de refonder son architecture économique. Le rapport 2025 d'Afreximbank, présenté ce jour à l'ouverture de ses Assemblées annuelles qui se tiennent à Abuja, au Nigéria, tire un constat aussi implacable, à savoir que dans un monde dominé par la reconfiguration des flux financiers et la montée des nationalismes économiques, l'Afrique ne peut plus se contenter d'ajustements techniques, elle doit réécrire les règles du jeu.

En dépit de sa richesse en ressources stratégiques et d'un marché de 1,4 milliard d'habitants, l'Afrique n'a représenté que 3,3% des exportations mondiales en 2024, contre 3,5% en 2009. Loin de former un espace économique intégré, le continent reste tourné vers l'extérieur dans la mesure où le commerce intra-africain ne représente que 14,4% du commerce total. Un déséquilibre amplifié par une dépendance continue aux matières premières brutes et une faible valeur ajoutée locale.

Un déficit de financement structurel

Le talon d'Achille reste le financement du commerce. Le continent fait face à un déficit annuel estimé à 100 milliards de dollars, frappant de plein fouet les PME qui constituent plus de 80% du tissu économique africain. Seuls 18% des portefeuilles de financement du commerce des banques africaines soutiennent le commerce intra-africain, en raison notamment des contraintes imposées par les règles prudentielles internationales (Bâle IV).

Afreximbank, principal levier institutionnel du continent, a injecté 17,5 milliards USD en 2024. Elle ambitionne de doubler cette enveloppe d'ici 2026. L'Alliance des institutions financières multilatérales africaines (AAMFI), créée en 2024, a quant à elle mobilisé 62 milliards USD pour des programmes de développement et d'investissement stratégique.

Une réorientation des flux et un nouveau terrain de jeu

Le rapport met en évidence la redistribution des cartes dans le commerce mondial. Les exportations africaines vers les États-Unis sont passées de 20% en 2000 à seulement 5% en 2023, au profit de l'Asie et du Golfe. Parallèlement, les tensions sur la route du canal de Suez réorientent les flux maritimes vers le cap de Bonne-Espérance, renforçant le rôle stratégique de hubs portuaires africains comme Durban.

Mais cette reconfiguration, qui pourrait jouer en faveur du continent, risque d'être stérile sans une montée en puissance industrielle. La course mondiale aux minerais critiques (cobalt, lithium, nickel) offre à l'Afrique un levier géoéconomique inédit. Encore faut-il éviter le piège du ‘'creuser pour exporter''. Le rapport plaide pour une transformation locale des ressources, appuyée sur des politiques d'origine, des incitations ciblées et l'opérationnalisation effective de la ZLECAf.

La souveraineté financière, l'intégration numérique et la diplomatie coordonnée comme solution

Face à la montée des normes discriminatoires (taxes carbone, barrières réglementaires européennes), l'Afrique est encouragée à s'unir pour infléchir les règles du jeu. L'obtention d'un statut de créancier privilégié pour ses institutions multilatérales, l'accès direct aux fonds climatiques, la réallocation des droits de tirage spéciaux, ou encore des réformes de la notation souveraine figurent parmi les priorités.

Le rapport insiste aussi sur les outils endogènes, tels que le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), déjà adopté par 16 banques centrales, réduit les coûts de transaction de près de 50% et évite le recours systématique au dollar ou à l'euro dans les échanges intra-africains.

L'Afrique doit accélérer la mise en œuvre de la ZLECAf, massifier le financement du commerce, promouvoir des chaînes de valeur industrielles continentales, et renforcer ses institutions financières régionales, sont, entre autres, les principaux enseignements de ce rapport. Le G20, dont l'Union africaine est désormais membre à part entière, offre une tribune géopolitique inédite pour faire entendre cette voix.

Ce rapport ne propose pas une énième réforme technique, mais une stratégie ancrée dans l'autonomie financière, l'innovation et la solidarité continentale. La fragmentation mondiale pourrait bien être l'aube de la souveraineté économique africaine.

Envoyé spécial à Abuja, Nigéria

Dr Ange Ponou

Publié le 25/06/25 17:23

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