Côte d’Ivoire : ‘’L’indécent bras de fer’’ des multinationales du cacao

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Dans ce qui ressemble à bien des égards à un pamphlet publié début avril, une trentaine d'organisations de la société civile (dont Commerce Équitable France et l'ANAPROCI, l'association nationale des producteurs de Café-Cacao de Côte d'Ivoire) se sont dressées contre les multinationales du cacao, accusées de saboter les efforts de la Côte d'Ivoire et du Ghana visant à améliorer durablement les revenus des paysans, le maillon faible de la filière.

Le point d'orgue de cette sortie médiatique est la chute de 25% du prix d'achat bord champ de fèves en Côte d'Ivoire au titre de la campagne intermédiaire, alors que la saison avait démarré avec un prix de 1 000 FCFA pour le kilogramme de cacao, l'un des plus importants de l'histoire du pays.

En octobre dernier, la campagne s'était ouverte en effet sous un vent d'optimisme pour les paysans après la mise en place du DRD, le différentiel de revenu décent, une prime de 400$ appliquée sur le tonne de fèves et facturée aux multinationales avec l'idée d'améliorer le revenu de ceux-ci. Il faut dire les paysans ne touchent que 6% des revenus générés par la filière.

Si au départ le principe du DRD a été salué, " en coulisse, tout le monde ne joue pas le jeu ", dénoncent ces organisations. " Plutôt que de respecter cette décision des États, les multinationales ont préféré freiner leurs achats et puiser dans leur stock et dans les stocks des ventes à terme de la bourse de New-York et de Londres, faisant pression sur les petits producteurs ". Conséquence : des cours en berne et une production qui peine à trouver des débouchés. La Côte d'Ivoire avait été ainsi confrontée, en début d'année, à un important stock de 100 000 tonnes de fèves, pour lequel elle ne trouvait pas d'acheteurs.

Afin de se dédouaner de leur responsabilité quant à la chute des cours, les acteurs du marché mondial ont plutôt mis en avant l'artifice d'une demande mondiale essoufflée et en repli dans le contexte de la crise sanitaire, un argument mis en doute par ces organisations. " (…) à titre d'exemples, les ventes de Nutella ont enregistré des records jusqu'à +50% durant le premier confinement et les tablettes de chocolat et autres produits de confiseries bio ont gagné 20,9% entre 2019 et 2020 ! ".

Il apparaît ici que le déséquilibre du marché du cacao a été bien orchestré, ne laissant d'autre choix au premier producteur mondial de fèves, la Côte d'Ivoire, de baisser le prix d'achat offert à ses paysans. Et de l'autre côté, les multinationales ont de quoi compenser la prime de 400 dollars mine de rien.

" En arguant de la surproduction conjoncturelle du cacao, les acheteurs internationaux ont mis en échec la dynamique de partage de la valeur pourtant indispensable à la résolution des problèmes de durabilité de la filière ", a fustigé Fortin Bley, Vice-président du RICE, le Réseau Ivoirien du Commerce Équitable.

" Si la production dépasse en effet de quelques milliers de tonnes la demande mondiale, les petits producteurs ne peuvent pas continuer à être la seule variable d'ajustement entre l'offre et la demande ", a-t-il ajouté.

Le DRD avait pu être perçu comme une grande victoire pour les pays producteurs et les planteurs qui pouvaient espérer vivre décemment de leur culture. Mais c'était sans compter sur la capacité d'adaptation d'un système mondial libéral où la logique du profit reste le maître-mot.

Jean Mermoz Konandi

Publié le 12/04/21 09:51

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