Côte d’Ivoire/SUTEC : Entre défis et réformes de la filière café-cacao

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Située dans la zone industrielle de Vridi dans la commune de Port-Bouët au sud d'Abidjan, la Société d'usinage, de transformation et d'exportation de café-cacao (SUTEC) est active dans le secteur du cacao en Côte d'Ivoire, premier producteur mondial avec 1,82 million de tonnes de fèves au terme de la campagne 2023/2024. Hadi BEYDOUN, directeur général adjoint de la société, partage les défis auxquels la filière est confrontée, notamment en matière de transformation locale et de conformité internationale.

L'usinage, un passage obligé pour le cacao ivoirien

L'usinage représente l'étape initiale de préparation du cacao brut pour l'export, un processus indispensable avant toute expédition du produit vers les marchés internationaux. ‘'L'usinage est essentiel pour débarrasser le cacao des impuretés, réduire l'humidité et conditionner les fèves dans des sacs d'exportation'', explique Hadi BEYDOUN. Les fèves, qui arrivent des régions rurales parfois dans un état humide et chargées de corps étrangers, subissent un pré-nettoyage rigoureux. Cet usinage permet de calibrer les fèves, de retirer les débris et d'assurer une qualité conforme aux exigences du marché international.

SUTEC dispose d'une station d'empotage sur place, permettant d'emballer en vrac le cacao directement dans des conteneurs prêts à l'export. Ce procédé, combiné à un reconditionnement en sacs marqués et numérotés, assure une traçabilité et un contrôle de qualité répondant aux attentes des clients internationaux.

" Transformer le cacao en Côte d'Ivoire, c'est possible … "

La Côte d'Ivoire aspire à transformer 100 % de sa production de cacao d'ici 2030, contre 35 % actuellement. Cet objectif ambitieux, poussé par le Gouvernement, vise à renforcer la valeur ajoutée locale et à réduire la dépendance aux marchés extérieurs. SUTEC, bien que focalisée sur l'usinage, a déjà fait ses preuves dans la transformation du café avec la création de sa marque de capsule " Café Continent ", visant le segment du café de spécialité. Toutefois, comme l'explique BEYDOUN, la transformation du cacao à grande échelle implique des investissements massifs et des garanties de rentabilité à long terme : ‘'Transformer le cacao en Côte d'Ivoire, c'est possible, mais il faut avoir des clients prêts à acheter les produits semi-transformés, un marché complexe à sécuriser.''

Entre réglementation européenne et compétitivité mondiale

Parmi les défis majeurs du secteur, le Règlement sur la déforestation de l'Union européenne (RDUE), qui entrera en vigueur en janvier 2025, constitue un impératif critique pour les exportateurs ivoiriens. Ce règlement impose aux importateurs de prouver que le cacao importé n'est pas issu de parcelles déforestées après le 31 décembre 2020. Avec 60% du cacao ivoirien exporté vers l'Europe, l'adaptation à cette norme s'avère essentielle. ‘'Les coopératives doivent désormais cartographier leurs parcelles de production, ce qui est complexe et coûteux'', souligne Hadi BEYDOUN. La traçabilité est une priorité, mais elle nécessite des investissements significatifs, particulièrement pour les coopératives locales, encore peu équipées pour répondre à ces nouvelles exigences.

 

La Côte d'Ivoire fait également face à une concurrence internationale accrue. En effet, des pays d'Amérique latine et d'Amérique centrale émergent dans le secteur du cacao et ambitionnent de rivaliser avec l'Afrique de l'Ouest. Cette concurrence croissante, combinée à une baisse globale de la production mondiale en raison des aléas climatiques, interroge la capacité du pays à maintenir sa production à des niveaux records tout en répondant aux standards internationaux.

Malgré ces défis, SUTEC salue l'accompagnement du Gouvernement ivoirien, notamment par le biais du Conseil du café et du cacao (CCC), qui encadre l'exportation et assure un suivi des prix de vente. Le CCC propose des contrats de vente à terme, permettant aux exportateurs de bénéficier d'un cadre stable pour planifier leurs volumes d'exportation. Cependant, Hadi BEYDOUN exprime un souhait : un accompagnement renforcé sur la conformité et la traçabilité. ‘'Nous aimerions un soutien accru en termes de conformité pour faire face aux nouvelles exigences du marché européen.''

Le défi de l'approvisionnement 

Le nombre croissant d'acteurs dans la filière, y compris des coopératives locales désormais habilitées à exporter, crée une pression accrue sur l'offre. En effet, le cacao devient une ressource limitée, partagée entre un nombre grandissant d'exportateurs et de transformateurs. SUTEC a ainsi vu ses volumes annuels fluctuer, passant de 11 000 tonnes, à 6 000 tonnes et 5 000 tonnes certaines années, et à seulement 3 000 tonnes récemment, conséquence directe de cette compétition accrue pour l'approvisionnement en fèves.

Pour les entreprises possédant des infrastructures de tri et de conditionnement, comme SUTEC, cet environnement compétitif représente un défi de taille pour maintenir un niveau d'activité rentable et constant.

Avec une volonté forte de la part de l'État ivoirien de transformer 100 % des fèves produites en Côte d'Ivoire, l'enjeu pour les exportateurs et les transformateurs de cacao est de pouvoir suivre le rythme de cette transformation industrielle tout en assurant un approvisionnement stable. La Côte d'Ivoire, leader mondial, devra conjuguer innovation, investissements et adaptation aux normes internationales pour conserver son rang et affronter les défis d'un marché en pleine mutation.

Dr Ange Ponou

Publié le 22/05/25 15:37

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