C'est ce qui ressort de l'analyse des Lois de finances du Gabon entre 2020 et 2026. Le budget du pays a connu une évolution contrastée, marquée par une phase de stagnation, suivie d'une accélération spectaculaire qui interpelle sur la soutenabilité et l'efficacité de la dépense publique. En 2020, les prévisions s'établissaient à 3 047,1 milliards FCFA, avant de légèrement reculer à 3 043,7 milliards FCFA en 2021, traduisant l'impact des chocs extérieurs liés à la pandémie et à la baisse de la demande mondiale en matières premières.
Dès 2022, la tendance s'est inversée avec une hausse à 3 295,6 milliards FCFA, puis une consolidation en 2023 à 3 602,3 milliards FCFA, portée par le redressement progressif de l'économie nationale et la mise en œuvre de projets structurants dans le cadre du Plan d'accélération de la transformation (PAT). Cette dynamique a été amplifiée en 2024 portée par le Plan national de développement de la transition (PNDT), avec un bond à 4 493,4 milliards FCFA, année où les recettes fiscales ont atteint des niveaux inédits et permis un excédent budgétaire de plus de 539 milliards FCFA.
L'année 2025 marque cependant un repli inattendu, avec un budget ramené à 4 204,9 milliards FCFA. Cette contraction, qui contraste avec la trajectoire précédente, s'explique par un ajustement conjoncturel face à la volatilité des cours pétroliers, à la persistance des déficits publics mondiaux et aux contraintes de trésorerie. Elle montre aussi les limites de la dépendance aux matières premières dans un contexte économique international incertain.
En 2026 c'est la rupture, totale. Avec un budget projeté à 7 233,3 milliards FCFA, soit une progression de près de 72% par rapport à 2025, Libreville franchit un nouveau cap symbolique. Ce niveau record est adossé à la méthode du budget ‘'base zéro'', qui oblige à justifier chaque dépense en fonction de son impact, et à une volonté assumée de faire de l'investissement (fixé à plus de 3 300 milliards FCFA) le moteur de la transformation économique. Pour y arriver le gouvernement table sur une croissance de 7,9%, tirée par le secteur hors pétrole et les grands chantiers d'infrastructures.
Si cette trajectoire traduit une ambition forte de modernisation et de souveraineté économique, elle soulève néanmoins plusieurs interrogations. La soutenabilité d'un besoin de financement supérieur à 3 200 milliards FCFA, le poids du service de la dette (près de 1 700 milliards FCFA en 2026) et la faible capacité d'absorption de l'économie gabonaise pourraient compromettre la réalisation effective de ces prévisions. L'enjeu pour Oligui Nguéma et son gouvernement sera donc de transformer cette explosion budgétaire en leviers tangibles de croissance inclusive et durable, et non en simple gonflement de chiffres soumis aux aléas des marchés.
Issiaka Diakité
La Rédaction
Publié le 10/09/25 12:06