Groupe Ecobank : Rentabilité solide, dividende reporté – une stratégie sous tension

TG0000000132 - ETIT
La BRVM Ferme dans 0h55min

À l'occasion de sa 37e Assemblée Générale Ordinaire suivie d'une session extraordinaire, tenue ce jeudi à Lomé, le groupe bancaire panafricain Ecobank Transnational Incorporated (ETI) a livré un message à double tranchant : des résultats financiers robustes, traduisant l'efficacité de sa nouvelle stratégie de croissance, mais l'absence prolongée de dividendes, qui continue d'attiser la frustration des actionnaires. Un exercice de haute voltige pour la direction du groupe, engagée à consolider ses fondations face à des vents contraires.

L'année 2024 s'est conclue pour Ecobank sur des résultats historiques. Le groupe a généré 658 millions de dollars de résultat avant impôt, en hausse de 13 % par rapport à l'année précédente, et de 33 % à taux de change constant, démontrant une capacité remarquable à surmonter les effets défavorables de la dépréciation monétaire dans plusieurs marchés subsahariens.

Le bénéfice net part du groupe s'élève à 333 millions de dollars, en progression de 16 % (+45 % à taux constant), tandis que le rendement des capitaux propres tangibles atteint 32,7 %, un record pour le groupe. Dans un environnement africain marqué par une inflation élevée, la hausse des taux et des politiques réglementaires plus strictes, cette performance témoigne d'une gestion rigoureuse du capital et d'un pilotage stratégique efficace.

La base de clientèle a franchi un nouveau cap avec 1 million de nouveaux clients, portant le portefeuille à 33 millions à travers les 33 pays d'implantation du groupe. Le total des actifs a atteint 28 milliards de dollars, les dépôts clients s'élevant à 20,4 milliards.

La stratégie GTR (Croissance, Transformation, Rendements) porte ses fruits

Lancée en 2023 sous l'impulsion de Jeremy Awori, directeur général du groupe, la stratégie GTR s'appuie sur trois axes : expansion des activités, transformation digitale et opérationnelle, et amélioration des rendements. Un an plus tard, les premiers résultats valident cette orientation.

Les trois pôles d'activité ont enregistré une croissance solide. La Banque d'Entreprise et d'Investissement a généré 1,1 milliard de dollars de revenus, soutenue par le financement du commerce, la gestion de trésorerie et les paiements. La Banque de Détail a conquis un million de nouveaux clients et vu ses revenus croître de 15 %, tandis que la Banque Commerciale a affiché une progression de 12 %, tirée par le crédit et les services transactionnels.

Sur le plan régional, l'Afrique de l'Ouest francophone et anglophone a été le principal moteur de croissance, suivie de l'Afrique centrale, orientale et australe, notamment dans les solutions de trésorerie. Au Nigeria, bien que l'environnement macroéconomique reste contraignant, les activités de détail et de banque commerciale montrent une dynamique encourageante.

Une gouvernance renforcée et des leviers stratégiques pour l'avenir

Les actionnaires ont approuvé l'ensemble des résolutions soumises, renforçant ainsi la gouvernance du groupe. Parmi les décisions phares : la nomination de Mme Esther Chibesa au conseil d'administration, le renouvellement des mandats de Mme Aichatou Agne Pouye et Dr Aasim Qureshi, et l'approbation d'une levée de fonds de 250 millions de dollars. Une modification statutaire importante a également été validée, imposant une offre publique obligatoire en cas de rachat d'actions.

Dans sa stratégie à long terme, Ecobank mise sur la technologie, l'innovation et la finance durable. Plus de 550 millions de dollars ont été levés en financements durables, et l'initiative Ellevate a permis d'octroyer 265 millions de dollars de crédits à des entreprises dirigées par des femmes. Les investissements dans les plateformes numériques, les paiements transfrontaliers et l'intelligence artificielle positionnent Ecobank comme un acteur de la transformation bancaire sur le continent.

Le dilemme des dividendes : la résilience d'abord

Malgré ces résultats étincelants, la décision du conseil de ne pas distribuer de dividende pour la deuxième année consécutive a cristallisé les tensions. Les actionnaires présents n'ont pas caché leur colère – certains n'hésitant pas à employer un ton acerbe. La direction, consciente du mécontentement, a tenté de justifier ce choix stratégique.

Jeremy Awori a expliqué que la priorité est donnée au renforcement du bilan pour protéger le groupe contre les chocs externes et garantir sa capacité à financer sa croissance future. Papa Madiaw Ndiaye, président du Conseil, a ajouté que la réduction de l'endettement était indispensable pour respecter les clauses restrictives des emprunts existants. Selon lui, cela permettra à terme de verser des dividendes de manière continue et durable, dans une logique de long terme.

Ecobank ressort renforcée de cette assemblée générale, avec des fondamentaux solides, une stratégie cohérente et une gouvernance consolidée. Mais l'absence de dividende, aussi rationnel soit-il, commence à éroder la patience des actionnaires, qui veulent voir les fruits d'une croissance désormais bien ancrée.

Le défi du management dans les mois à venir sera donc d'allier ambition stratégique et politique de retour aux actionnaires, sans compromettre la résilience de l'institution. Un exercice d'équilibriste pour un groupe qui reste, à ce jour, la figure de proue de la banque panafricaine intégrée.

Jean Mermoz Konandi

Publié le 30/05/25 08:48

SOYEZ LE PREMIER A REAGIR A CET ARTICLE

Pour poster un commentaire, merci de vous identifier.

jYdVn3RXKBSw8R5JUWw7eubM-S27MSGGqj8vReo0Ocw False