Interview - Mike COFFI, DG Ecobank Asset Management et président de l’APSGO : ''Les actifs sous gestion ont progressé de 1 600% en 14 ans''

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Mike Coffi, président de l'APSGO et directeur général d'Ecobank Asset Management

" Les actifs sous gestion sont passés à 700 milliards FCFA, en progression de 1 600% en 14 ans "

 

OCPVM, FCP, SICAV ? En dehors des professionnels du marché financier et de quelques initiés, peu de citoyens de l'espace UEMOA ont connaissance de ces sigles qui semblent loin de leurs réalités quotidiennes. Et pourtant, il s'agit d'instruments qui ouvrent à toutes les bourses l'opportunité d'investir sur le marché en toute sécurité avec la perspective de meilleurs rendements pour leur épargne.

L'investissement dans les OCPVM, l'actionnariat populaire, les émissions souveraines, l'évolution et les perspectives du marché, les réformes en cours, etc. : ce sont autant de sujets que Mike Coffi, président de l'APSGO, l'association professionnelle des sociétés de gestion d'OPCVM (Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières) de l'UEMOA, aborde dans cet entretien accordé à Sika Finance.

L'entretien a été réalisé en juin dernier dans le cadre du premier numéro de notre semestriel ''Marché Financier: Bilan et Perspectives".

Pour le grand public, quelle différence peut-on faire entre OPCVM, SGO, FCP ?

Les Sociétés de Gestion d'OPCVM (SGO) sont des sociétés exclusivement dédiées à la gestion collective à travers les OPCVM (Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières) qui regroupent les SICAV (Sociétés d'Investissement à Capital Variable) et les FCP (Fonds Communs de Placement). Ces deux organismes sont de natures juridiques différentes, mais ont la même vocation. Le principe général est la gestion collective.

Un FCP est une copropriété de valeurs mobilières qui n'a pas de personnalité morale. Un FCP est obligatoirement géré par une société de gestion d'OPCVM (" SGO "). Chaque investisseur, appelé " porteur de parts " détient une quote-part du fonds, au prorata des parts qu'il détient.

Une SICAV est une société anonyme de gestion de fonds où les investisseurs deviennent directement actionnaires du fonds et ont ainsi un droit de vote lors des assemblées générales du fond. Une SICAV peut assurer elle-même la gestion financière de son portefeuille d'actifs (SICAV dite " autogérée ") ou la confier à une SGO.

Avec les FCP, toutes les bourses ont accès au marché financier

Par exemple EDC ASSET Management gère aujourd'hui 9 FCP dont l'un est en cours de transformation en SICAV du fait de l'importance de sa taille. La régulation exige en effet que tout OPCVM de taille supérieure à 25 milliards FCFA soit constitué en SICAV.

Pourquoi investir à la bourse via un Fond commun de placement ?

Comme indiqué, un Fonds Commun de Placement (FCP) est géré par une SGO. Les adhérents au FCP délèguent donc la gestion de leur investissement à une équipe de professionnels des marchés financiers pour une gestion optimale de leur épargne (choix des valeurs, achats, ventes, allègements, timing, etc.).

L'avantage ici est que, sans avoir nécessairement une bonne connaissance du marché financier, ces derniers peuvent profiter des opportunités qui s'y présentent et ainsi obtenir de meilleurs rendements pour leur investissement.

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Sur la base de l'objectif d'épargne de l'investisseur, son appétit au risque et la durée de son investissement, la SGO proposera le FCP qui répond le mieux à ses attentes.

De même, avec le FCP, des investisseurs moins nantis peuvent avoir un accès au marché tout en ayant une exposition sur les meilleurs titres. Il faut noter que les tickets d'entrés sur les FCP sont au minimum de 1 000 FCFA sur des fonds qui ont une exposition sur des titres qui valent des fois plus de 50 000 FCFA.

Les OPCVM peuvent-ils être une piste pour promouvoir l'actionnariat populaire ? Comment ?

Définitivement ! L'accessibilité est l'un des atouts premiers d'un FCP. Les tickets d'entrée à un FCP varient entre 1 000 FCFA et 50 millions FCFA, ce qui permet à toutes les bourses d'avoir un accès au marché financier.  

De plus, des produits innovants en collaboration avec les assureurs pour des retraites complémentaires, permettent de toucher un plus grand nombre d'épargnants.

L'exécution du programme Elite dont une résultante sera l'accroissement du nombre, du type et de la qualité des compagnies listées sur la BRVM est l'un des facteurs qui permettra de renverser la tendance baissière du marché.

Nous développons aussi des " Produits d'Epargne Entreprise ", des produits adossés à des FCP afin de permettre aux employés de se constituer une épargne à travers le marché financier avec le concours de leur employeur.

Il faut dire que nous constatons une forte évolution de nos actifs sous gestion, de 40 milliards en 2004 à 700 milliards en 2018. Cela démontre que l'épargne des ménages autrefois passive et confinée à l'intérieur du système bancaire fait place à des placements financiers plus actifs.

Le marché des actions est en baisse depuis bientôt 3 ans. Comment vous l'expliquez et qu'est-ce qui pourrait permettre d'inverser cette tendance ?

Le marché des actions a perdu effectivement plus de 50% de sa valeur depuis le mois de mars 2016. Cette baisse peut être attribuée au désir des investisseurs de capitaliser les gains accumulés entre 2012 et 2015 (rendement cumulé de plus 80%), mais aussi au profil boursier des investisseurs qui, soit sont généralement averses au risque, soit misent sur la spéculation plutôt que sur l'investissement long-terme et une stratégie Buy & Hold.

Ce dysfonctionnement s'est traduit par des désinvestissements massifs précédant chacune des introductions en bourse connues depuis 2016. Nous notons également une chaîne de désinvestissements immédiatement après les paiements de dividendes. Celle-ci reflète le manque de confiance des investisseurs envers les valeurs cotées.

Il faut rappeler que l'investissement sur le marché des actions est recommandé aux investisseurs qui ont un horizon de placement de long terme et qui sont peu averses au risque, c'est-à-dire qu'ils ont la capacité financière d'absorber la volatilité qui caractérise le marché des actions.

En tant que SGO, nous devons nous préparer à l'arrivée d'investisseurs plus sophistiqués et plus exigeants en améliorant nos pratiques de gestion …

Le climat politique fragile que connaissent certains des pays de l'UEMOA alimente également la fébrilité de nos investisseurs et pèse sur notre place financière. Il est bien connu, les périodes d'incertitude politique ou économique ont un impact négatif sur les marchés boursiers.

Comment inverser la tendance ?

L'exécution du programme ELITE (Programme international de coaching des PME à fort potentiel initié par la BRVM en vue de leur entrée en bourse à terme et dont la troisième cohorte a été lancée ce 24 juin 2019, ndlr) dont une résultante sera l'accroissement du nombre, du type et de la qualité des compagnies listées sur la BRVM est l'un des facteurs qui permettra de renverser la tendance.

D'ici là, nous encourageons les entreprises à améliorer la communication envers les investisseurs en publiant davantage sur les initiatives de développement mises en œuvre, leur évolution, ainsi que leurs résultats périodiques. La communication accrue de nouvelles positives permettra de rendre notre marché plus dynamique.

Parallèlement à ces initiatives, les SGO devraient cibler de nouveaux investisseurs afin d'accroître l'AUM (Asset under management, actifs sous gestion, ndlr) globale du marché. Je pense particulièrement aux investisseurs institutionnels internationaux qui ont une bonne compréhension du fonctionnement des marchés des actions, sont conscients que le niveau actuel du marché constitue un point d'entrée attractif et ont la capacité d'absorber la volatilité du marché.

Bien sûr, il est important de faire des analyses sur la capacité de remboursement des Etats, et c'est en cela que déléguer son investissement à des professionnels est un avantage.

Ainsi, nous encourageons la BRVM dans la promotion de notre marché à l'international. Et en tant que SGO, nous devons nous préparer à l'arrivée de ce type d'investisseurs plus sophistiqués et plus exigeants en améliorant nos pratiques de gestion, de Reporting et nos systèmes de sorte à les élever aux standards internationaux.

D'ici la fin de l'année, le marché pourrait voir une éclaircie si les compagnies, particulièrement SONATEL et le secteur bancaire qui représentent chacun plus de 35% de l'indice, publient des résultats semestriels positifs encourageants.

En tant que buy-side sur le marché, quelle est votre perception sur les nombreuses levées de fonds de nos Etats dans la zone UEMOA ?

Les Etats ont recours au marché financier pour financer leurs projets de développement et d'infrastructures. Cela est normal et se fait partout au monde. Il y a des ratios à respecter en terme d'endettement et malgré les montants élevés qu'enregistrent les pays de la zone, notamment la Côte d'Ivoire, ils restent largement encore en deçà de la norme d'endettement fixée au sein de l'Union monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui est de 70%.

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Bien sûr d'autres facteurs sont à surveiller afin de s'assurer de la qualité des émetteurs. Nous le faisons de manière continue avec nos analyses macroéconomiques de la zone. Cela permet aux investisseurs d'avoir des opportunités sur le marché et aux gestionnaires de portefeuille d'animer le marché secondaire et créer de la liquidité.

Plus le marché est liquide, plus les investisseurs s'y intéresseront et cela permettra de le développer.  Et, bien évidemment, il est important de faire des analyses sur la capacité de remboursement des Etats, et c'est en cela que déléguer son investissement à des professionnels est un avantage.

Quelles ont été les principales initiatives que vous avez engagées depuis votre arrivée à la tête de l'association ?

Le rôle principal de l'APSGO se résume en quatre points. Il s'agit d'assurer la représentation des intérêts de ses membres, d'informer et assister ses adhérents, d'animer la réflexion collective de la profession et de contribuer à la promotion et au rayonnement de la gestion collective auprès des différents acteurs du marché.

Nous avons en collaboration avec le CREPMF et la BRVM travaillé sur le projet PADMAFIR (Projet d'appui au développement du Marché financier régional) qui a abouti au financement par la BAD d'une formation qualifiante pour les acteurs du marché, l'objectif étant de contribuer au développement du marché financier régional.

Les investisseurs institutionnels internationaux qui ont une bonne compréhension du fonctionnement des marchés des actions, sont conscients que le niveau actuel du marché constitue un point d'entrée attractif.

Après divers échanges avec le CREPMF, nous avons obtenu la révision de l'instruction 46 qui est l'instruction du CREPMF relative à classification et aux règles d'allocation d'actifs des OPCVM sur le marché financier régional. Bien qu'elle soit transitoire et non encore complète, nous estimons avoir bénéficié d'une bonne communication et collaboration avec l'institution dans le cadre de nos doléances sur les reformes de notre industrie.

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L'article 7 révisé de cette instruction a fait ressortir trois points essentiels à savoir premièrement l'annulation de la limite des 5 milliards pour un FCP et exige dorénavant la création d'un comité de surveillance et d'un rapport régulier du contrôle interne et du dépositaire. Ensuite, il prévoit une nouvelle limite de 25 milliards FCFA par FCP. Enfin, ces limites ne concernent pas les FCPE (Fonds Commun de Placement Entreprise) et FCP dédiés aux filiales d'un groupe d'entreprises.

Il nous reste à travailler sur la limite des 15% et surtout sur le nombre de gestionnaire et les mandats de gestion. Des discussions sont toujours en cours avec le CREPMF pour l'amélioration de nos textes et rendre notre activité plus profitable à tous.

A télécharger - Sika Finance vous offre la version numérique de son magazine ''Marché Financier: Bilan et Perspectives'' (Gratuit)

Jean Mermoz Konandi

Publié le 24/10/19 18:50

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