Le Gabon maintient la pression sur les compagnies pétrolières internationales pour qu'elles transfèrent dans des banques locales les Fonds de remise en état des sites (RES), malgré les lenteurs de la coordination régionale en Afrique centrale et un blocage diplomatique venu des États-Unis en début d'année.
Ces fonds, constitués par les opérateurs pour financer la réhabilitation environnementale des sites pétroliers et miniers après exploitation, sont essentiels pour limiter l'empreinte écologique de l'industrie extractive. Longtemps, une partie importante de ces provisions a été logée à l'étranger, hors du contrôle direct des autorités gabonaises. Libreville veut désormais imposer leur domiciliation dans le pays, au nom de la souveraineté financière et de la bonne gouvernance.
Le ministre gabonais du Pétrole, Sosthène Nguema Nguema, a réaffirmé début août, lors d'une visite de travail à Port-Gentil, que toutes les sociétés concernées, y compris Total et Perenco, étaient engagées dans des discussions sur le sujet. Certaines ont déjà transféré leurs fonds, mais d'autres traînent encore les pieds. "Les sites sont au Gabon, il est donc normal que l'argent destiné à leur remise en état y soit conservé", a martelé le ministre, annonçant au passage une révision du Code des hydrocarbures pour inscrire cette exigence dans la loi. Des sanctions sont également prévues contre les contrevenants, avec la possibilité de mesures administratives pour rapatrier les montants non domiciliés.
Cette initiative nationale s'inscrit dans une réforme plus large du secteur pétrolier, voulue par le président Brice Clotaire Oligui Nguema. Elle vise à renforcer la transparence, à sécuriser les ressources financières liées à l'après-exploitation et à adapter le cadre réglementaire aux standards internationaux. Libreville entend aussi aligner ses pratiques sur celles que la Banque des États de l'Afrique centrale (BEAC) tente d'imposer à l'ensemble des six pays de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cemac).
Mais le chantier régional, qui devait aboutir à la signature de conventions avant le 30 avril 2025, a pris du retard. Une réunion ministérielle de l'Union monétaire d'Afrique centrale (UMAC) tenue le 5 août 2025, a relancé les discussions, sans toutefois aboutir à un accord définitif.
Le Cameroun, poids lourd de la Cemac, a reconnu que l'échéance initiale ne pourrait pas être respectée. Au mois d'avril, son ministre des Finances, Louis Paul Motaze, indiquait que les discussions avec les compagnies extractives se heurtent à une difficulté inattendue. Celle relative au dépôt du projet de loi "Cemac Act", porté par le républicain Bill Huizenga, au Congrès américain.
Ce texte prévoit de suspendre tout soutien des États-Unis aux programmes du FMI en faveur des pays de la Cemac —Cameroun, Gabon, Tchad, Congo, Centrafrique et Guinée équatoriale — tant qu'une évaluation complète de leurs réserves de change n'aura pas été réalisée. Il critique aussi l'immunité souveraine de la BEAC, considérée comme incompatible avec certaines normes internationales, notamment celles du FMI sur les réserves rapidement mobilisables.
Malgré ces blocages politiques et la prudence affichée par ses voisins, le Gabon entend avancer seul si nécessaire. Le gouvernement affirme que quatre à cinq opérateurs se sont déjà conformés à la mesure. Libreville espère ainsi sécuriser rapidement ces ressources stratégiques et s'assurer qu'elles restent disponibles pour financer la restauration des sites sur son territoire, quitte à précéder le calendrier régional.
Perton Biyiha
La Rédaction
Publié le 08/08/25 14:38