L'architecture mondiale de l'aide publique au développement a profondément évolué ces vingt dernières années sans plan clair ni coordination centralisée. Les flux financiers officiels vers les pays en développement ont explosé, atteignant 1 000 milliards de dollars en 2021, mais ce volume inégalé s'est accompagné d'une fragmentation croissante, affectant l'efficacité de cette aide.
Émergence de nouveaux bailleurs, multiplication des structures de financement vertical ciblé, désengagement des budgets nationaux, autant de signes d'un système complexe, coûteux, et aux rendements décroissants.
Dans ce contexte, l'Association Internationale de Développement (IDA), bras concessionnel de la Banque mondiale, s'impose comme un pivot incontournable : plateforme horizontale de référence, elle canalise plus de 90% de ses financements vers les gouvernements des pays bénéficiaires, favorisant coordination et appropriation locale.
L'IDA, pilier d'une aide recentrée
L'IDA fédère 59 contributeurs, traditionnels comme émergents (dont les pays des BRICS), pour constituer le plus grand fonds mondial dédié aux pays pauvres. Son modèle hybride, combinant contributions des partenaires et emprunts sur les marchés de capitaux grâce à sa notation triple A, permet de lever chaque dollar donné en 3 à 4 dollars réellement investis.
Entre 1960 et aujourd'hui, l'IDA a engagé un total de 533 milliards de dollars dans 115 pays, contribuant à transformer des millions de vies. Une trajectoire couronnée récemment par un cycle de reconstitution ambitieux : après un record de 93 milliards de dollars sur la période 2022–2025 (IDA20), l'IDA21 vise un plafond historique de 100 milliards entre 2025 et 2028, sur fond de marchés tendus et de budgets donateurs sous pression.
Un rôle amplifié face à une architecture dispersée
Alors que le nombre d'agences et de canaux de financement explose, avec plus de 200 entités actives dans certains pays, et que moins de 40% des financements passent par les budgets nationaux, l'IDA agit comme un catalyseur de cohérence. Cette centralité réduit les coûts transactionnels et les chevauchements, tout en renforçant la légitimité des politiques publiques des pays bénéficiaires.
Sa présence locale, son pouvoir de mobilisation et sa capacité à générer du savoir développemental, via des outils comme les Country Economic Memoranda, en font une plateforme mobilisatrice autant qu'un bailleur bienveillant.
Une aide agile et adaptée aux chocs mondiaux
Face aux polycrises (climat, conflits, pandémie), l'IDA se distingue par sa réactivité. Il s'est inscrit dans une dynamique accélérée, notamment durant la crise Covid, accentuant ses engagements et renforçant les mécanismes d'intervention d'urgence.
IDA20 a axé ses priorités sur la reconstruction verte, la résilience sociale, l'égalité des genres, la fragilité et l'inclusion économique. Il s'est également concentré sur la durabilité de la dette et la transformation digitale, des impératifs pour les pays les plus vulnérables.
L'objectif de 100 milliards pour IDA21 représente une prouesse financière, mais s'inscrit dans un contexte tendu. Certains observateurs alertent sur la montée des prêts au détriment des subventions, une dynamique qui pourrait pénaliser les pays les plus pauvres. Parvenir à renforcer l'impact sans entamer sa triple A sera un fragile équilibre.
Par ailleurs, l'incertitude sur les engagements futurs, notamment des États-Unis, demeure préoccupante. L'IDA, tout en étant puissant, reste vulnérable à la météo politique des grandes économies.
Dr Ange Ponou
Publié le 18/08/25 20:56