L'administration publique malienne vient de révéler l'une des plus grandes fraudes budgétaires de son histoire. Selon le rapport du Système intégré de gestion des ressources humaines (SIGRH), remis le 15 août dernier au président de la Transition, le général Assimi Goïta, ce sont 36 151 agents fictifs qui ont été identifiés parmi les effectifs des agents de l'Etat.
Ces ‘'fonctionnaires fantômes'' représentent 4,57% de la masse salariale publique, soit un manque à gagner annuel de 48,28 milliards FCFA (environ 86 millions de dollars) pour le budget de l'Etat malien. Une saignée budgétaire chronique qui pourrait être transformée en levier de financement du développement, par exemple, la construction de plusieurs hôpitaux régionaux ou à l'achat de milliers de tonnes de céréales pour renforcer la sécurité alimentaire du pays.
Un gaspillage budgétaire massif
Entre mai 2022 et septembre 2024, le SIGRH a recensé 158 317 agents publics. Sur ce total, 122 166 ont été physiquement et biométriquement identifiés, tandis que plus de 36 000 ne se sont jamais présentés. Toutefois les autorités du pays décident d'accorder un délai de grâce de trois mois, afin de permettre à ces agents inexistants pour régulariser leur situation avant toute application de sanctions prévues en la matière.
Le SIGRH, conçu et développé par des informaticiens maliens et financé exclusivement sur le budget national, constitue désormais l'outil central de la réforme administrative. Il introduit un fichier unique des salaires, l'interconnexion des services de ressources humaines et une base de données biométriques sécurisée, hébergée localement. Au-delà de l'assainissement des fichiers du personnel, cette innovation numérique devrait permettre de renforcer la transparence dans la gestion du capital humain et d'offrir aux autorités un instrument stratégique d'aide à la décision.
Un enjeu de gouvernance et de confiance
La révélation de ces agents fictifs met en lumière un défi structurel, en l'occurrence la faiblesse des mécanismes de contrôle interne et les réseaux de clientélisme qui minent depuis des années la gestion des ressources humaines publiques. Pour le gouvernement de la transition, l'enjeu est double, à savoir restaurer la crédibilité de l'Etat et libérer des marges budgétaires essentielles pour le développement. ‘'La perte annuelle de 48 milliards FCFA est un scandale financier qui prive le Mali d'investissements structurants. Cet argent doit désormais être réorienté vers la santé, l'éducation, l'énergie et les infrastructures'', a commenté un économiste local.
Narcisse Angan
Publié le 22/08/25 11:35